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Politique française

Le Pen peut-il refaire le coup du 21 avril ?

Jean-Marie Le Pen estime être «<em>en progression constante dans la conquête des esprits et des coeurs des Français</em>».(Photo : AFP)
Jean-Marie Le Pen estime être «en progression constante dans la conquête des esprits et des coeurs des Français».
(Photo : AFP)
A un an de l’élection présidentielle française, deux sondages présentent Jean-Marie Le Pen comme le candidat le plus sérieux derrrière Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Le président du Front national qui avait réussi à supplanter le socialiste Lionel Jospin lors du premier tour du précédent scrutin, il y a quatre ans, ne s’en étonne pas. Il se fixe d’ailleurs comme objectif, non seulement d’aller au deuxième tour une nouvelle fois en 2007, mais aussi de «gagner».

Les sondages se trompent parfois. Jean-Marie Le Pen le sait puisqu’aucun d’entre eux n’avaient prévu qu’il devancerait le candidat socialiste Lionel Jospin, le 21 avril 2002, au premier tour de l’élection présidentielle. Cela ne l’empêche pas de savourer les dernières enquêtes qui mettent en valeur un poids constant du Front national dans la vie politique française. A en croire les résultats du sondage réalisé par l’institut Ifop, les 6 et 7 avril dernier, 34% des Français estiment que l’extrême droite est proche de leurs préoccupations. Mais surtout, 48% des sondés voient Jean-Marie Le Pen comme le meilleur candidat de cette mouvance politique. Une enquête TNS/Unilog, publiée le 20 avril par le Figaro, va dans le même sens. Elle montre, en effet, qu’après les deux candidats à la candidature en vogue, la socialiste Ségolène Royal (34%) et l’UMP Nicolas Sarkozy (30%), le président du FN est un troisième larron potentiellement dangereux puisqu’on le crédite de 10% des intentions de vote.

Jean-Marie Le Pen n’en est pas surpris. A l’entendre, il est «en progression constante dans la conquête des esprits et des cœurs des Français». Cette certitude s’appuie sur un constat : «Je suis le seul à pouvoir incarner une véritable alternative avec ce que j’appellerai le pouvoir UMPS, la gauche et la droite qui se sont succédé, qui ont collaboré depuis 30 ans et qui ont abouti à la situation actuelle de la France plus désastreuse aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2002». Jean-Marie Le Pen en tire une conclusion : «Cette conjonction va me permettre de gagner».

Profiter des divergences et des crises

Au-delà de cet argumentaire de campagne sans état d’âme et sans complexe, le président du Front national sait qu’il peut bénéficier des querelles de la droite, de la désorganisation de la gauche, mais aussi peut-être de l’impact des crises profondes traversées par la France ces derniers mois. Ce ne sont pas les partis d’extrême droite qui semblent avoir le plus profité du mouvement contre le contrat première embauche (CPE) face auquel le gouvernement a dû céder. Les sondages indiquent plutôt que les grands gagnants de ce conflit social sont les partis de gauche. Il n’empêche que tout mouvement de protestation est de nature à bénéficier au Front national. D’autant plus que la mobilisation anti-CPE est intervenue dans la foulée de deux autres crises : les émeutes de banlieues et le rejet de la Constitution européenne. Deux événements qui ont alimenté les grands thèmes sur lesquelles aime à jouer Jean-Marie Le Pen : la sécurité et le nationalisme.

Tout cela signifie-t-il que Jean-Marie Le Pen est, à un an de la présidentielle, en position pour rééditer sa performance de 2002 ? Pas sûr. D'abord parce qu’il n’est pas tout seul dans son créneau politique. Au-delà de Nicolas Sarkozy qui incarne, au sein de la droite gouvernementale, l’homme politique le plus à même de s’emparer de la problématique sécuritaire, le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers chasse ostensiblement sur les terres du Front national. Il a d’ailleurs rallié quelques membres du FN en délicatesse avec Jean-Marie Le Pen comme Jacques Bompard, le maire d’Orange. Ces défections, qui ont suivi le départ de Bruno Mégret il y a quelques années, sont dues à des crises internes qui ont vulnérabilisé le parti. Jean-Marie Le Pen en est toujours le leader charismatique mais il est plus contesté qu’il ne le fut dans le passé. La question de sa succession est dorénavant clairement sur le tapis. Et dans cette perspective, la montée en puissance de Marine Le Pen, sa fille, ne fait pas plaisir à tout le monde. Un appareil moins soudé et le poids des ans risquent donc de combiner leurs effets pour rendre la prochaine campagne présidentielle plus difficile pour Jean-Marie Le Pen. A 78 ans, il devra puiser dans ses ressources pour mener avec la même énergie qu’en 2002 cet exercice très physique où meetings, discours et poignées de mains se succèdent à un rythme effréné.

Le Pen cherche des alliances

Reste encore le dernier mais pas le moindre des obstacles : le souvenir. Car si le 21 avril a représenté le jour de gloire de la carrière politique de Jean-Marie Le Pen en lui ouvrant les portes du deuxième tour de l’élection présidentielle, le 5 mai qui a suivi l’a balayé tel un usurpateur de premier rôle politique dont les Français ne voulaient finalement pas entendre parler. Le score plébiscitaire remporté par Jacques Chirac (82,21% des voix) au deuxième tour est aussi riche d’enseignements que l’échec de Lionel Jospin au premier. L’un a montré les dangers du vote contestataire contre le vote utile, l’autre a renvoyé le Front national à la marge du paysage politique français.

Même si Jean-Marie Le Pen n’analyse pas ainsi la situation, il semble avoir tiré certaines leçons de cette expérience et des événements qui ont suivi jusqu’à aujourd’hui. La preuve, il cherche des alliances pour pouvoir «rassembler» au second tour de la présidentielle. Il a proposé une «union des patriotes» dans laquelle il verrait bien figurer, à côté du FN, aussi bien l’Union pour la démocratie française (UDF) de François Bayrou, un parti centriste, que le Mouvement national républicain (MNR) de Bruno Mégret, un groupe d’extrême droite, ou le Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers, un parti de droite patriote et anti-européen. Bien sûr, cette proposition d’entente électorale devrait se faire autour de sa candidature à laquelle les autres leaders se rallieraient. L’espoir fait vivre.


par Valérie  Gas

Article publié le 21/04/2006 Dernière mise à jour le 21/04/2006 à 15:51 TU