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Burkina Faso

Ki-Zerbo abandonne la politique

Joseph Ki-Zerbo prend sa retraite politique après plus de cinqante ans de combat dans l'opposition.
 

		(Photo : Alpha Barry/RFI)
Joseph Ki-Zerbo prend sa retraite politique après plus de cinqante ans de combat dans l'opposition.
(Photo : Alpha Barry/RFI)
L’intellectuel et opposant burkinabè, Joseph Ki-Zerbo, vient de renoncer à son fauteuil de député à l’Assemblée nationale. Cette démission met fin à une longue carrière politique commencée avant les Indépendances.

De notre correspondant au Burkina Faso

Ce n’est pas la première fois que Joseph Ki-Zerbo démissionne de l’Assemblée nationale. Il y a neuf ans, au lendemain des législatives de mai 1997, il avait abandonné son poste de député au profit de son suppléant. Une démission consécutive au boycott des sessions parlementaires de son parti durant les premiers mois qui ont suivi l’élection. Mais, cette fois, la démission du professeur Ki-Zerbo semble être son dernier acte politique. En effet, après plus de 50 ans de vie passée dans l’opposition, il se retire définitivement.

Ce départ a été progressif. Joseph Ki-zerbo avait, en fait, commencé à prendre ses distances l’année dernière lorsqu’il avait décidé de passer la main à la tête de son parti, le PDP/PS (Parti pour la démocratie et le progrès, parti socialiste), deuxième force politique à l’Assemblée avec 10 députés. A l’issue d’un congrès, il avait laissé la place à l’un de ses vieux compagnons, Ali Lankoandé, candidat à l’élection présidentielle de novembre 2005. A 84 ans, l’historien et homme politique semblait accuser le poids de l’âge. Ces derniers temps, il n’apparaissait plus à l’hémicycle.

Il rejoint Sékou Touré

Elu régulièrement député, Joseph Ki-Zerbo aura passé toute sa vie partagée entre l’enseignement et la recherche d’un côté, la politique de l’autre. Né en 1922, originaire de Toma dans la province du Nayala (centre-ouest du Burkina), il se lance très tôt dans la politique. En 1958, il crée avec d’autres camarades africains, comme le sénégalais Cheick Amidou Kane ou le béninois Albert Tchevodjrè, son premier parti, le Mouvement de libération nationale (MLN). Au référendum organisé cette même année dans les colonies par le général De Gaulle sur la création d’une communauté française, le MLN est l’un des rares partis à battre campagne pour le «non», c’est-à-dire pour l’indépendance immédiate. En Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso), le «oui» l’emporte. Joseph Ki-Zerbo et ses camarades vont rejoindre alors Sékou Touré en Guinée, le seul pays où on a voté massivement pour le «non».

A l’indépendance de la Haute-Volta en 1960, il retourne dans son pays pour enseigner et reprendre son combat politique. Ki-Zerbo sera très actif dans le mouvement de contestation populaire qui fait chuter, en 1966, Maurice Yaméogo, le premier président de la Haute-Volta. En 1970, lors des premières législatives multipartites, il est élu député sous la bannière de son parti, le MLN. En 1978, il est candidat du même parti à la première élection présidentielle de l’histoire de la Haute-Volta. Mais il est éliminé dès le premier tour. Une fois de plus, cette expérience démocratique sera abrégée par un coup d’Etat militaire. En 1983, Joseph Ki-Zerbo est contraint à l’exil par le pouvoir révolutionnaire du capitaine Thomas Sankara. Il vit à Dakar, où il est titulaire de la chaire d’Histoire de l’Université Cheick Anta Diop. Pendant ce temps à Ouagadougou, sa bibliothèque constituée de plus de 11 000 ouvrages est incendiée.

Avec le retour de l’Etat droit en 1991 au Burkina, le vieil opposant rentre au pays où il se fait élire, l’année suivante, député avant de réactiver sa formation politique mais, cette fois, sous l’appellation de PDP. Le parti prendra plus tard le nom de PDP/PS après une fusion avec une autre formation de l’opposition. Le dernier combat politique de Joseph Ki-Zerbo aura été la lutte contre l’impunité au sein du Collectif créé au lendemain de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en 1998.

Homme politique et intellectuel

Grand orateur, aimant les formules et proverbes africains, le vieux professeur savait galvaniser les foules. Sa formule en dioula « nan lara, an sara, [si on dort, on est mort] » prononcée au cours des meetings de protestation dans l’affaire Norbert Zongo est devenue, aujourd’hui, un slogan de mobilisation pour les syndicats burkinabè.

A côté de l’homme politique, il y a le grand intellectuel bien connu en Afrique et dans le monde. Ki-Zerbo est, en effet, le premier africain agrégé d’histoire à la Sorbonne à Paris. Ancien patron du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES), il a enseigné dans plusieurs universités africaines et françaises. Auteur de nombreux livres sur le développement endogène, il a été le directeur scientifique des deux volumes de l'histoire Générale de l'Afrique, publié par l'Unesco. Depuis leur publication, ces derniers ouvrages sont devenus «la bible» des étudiants africains en histoire. Joseph Ki-Zerbo a obtenu, en 1997, le Prix Nobel Alternatif et en 2004 le prix RFI témoins du monde.

par Alpha  Barry

Article publié le 03/09/2006 Dernière mise à jour le 03/09/2006 à 09:21 TU