Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France

Adolescentes, victimes et tortionnaires

Le docteur Xavier Pommereau, psychiatre, auteur de : <em>Ado à fleur de peau</em> publié chez Albin Michel. 

		(Photo : AFP)
Le docteur Xavier Pommereau, psychiatre, auteur de : Ado à fleur de peau publié chez Albin Michel.
(Photo : AFP)
Un internat de la banlieue parisienne -où les adolescents sont placés au titre de l’aide sociale à l’enfance afin de les protéger- a été, lundi, le théâtre d’une scène d’horreur. Trois adolescentes âgées de 15 à 18 ans ont torturé et violé une de leurs camarades, âgée de 14 ans. Douces et victimes passives, les filles ? Les clichés ont la vie dure parce que leur violence menace moins le moins corps social et passe donc le plus souvent inaperçue. Pourtant, les actes de violence faite à autrui impliquant des adolescentes sont de plus en plus fréquents dans les colonnes de faits divers. D’après les psychiatres, les agressions seraient même en augmentation. Ce fait divers surgit au moment où le projet de loi sur la délinquance arrive au sénat en première lecture, suscitant quelque 300 amendements de l’opposition qui critique la tonalité principalement «répressive» du texte.

L’histoire commence par «Il était une fois un château… » mais elle se termine par une scène d’horreur : lundi 4 septembre, le jour de la rentrée scolaire, trois tortionnaires adolescentes (15 à 18 ans) ont commencé par rouer de coups leur camarade de chambrée (14 ans), puis elles lui ont brûlé les mains avec des mégots de cigarettes avant de la violer avec un cintre. Le château de Pinceloup en banlieue parisienne n’est pas un centre de redressement pour délinquants. Il abrite une école fondée en 1888, l’école Le Nôtre. C’est un cadre idyllique dans un petit village des Yvelines, censé apporter une formation professionnelle en horticulture ou en cuisine. C’est un lieu de protection mis à la disposition d’adolescents en danger, placés là par un juge à la demande de l’aide sociale à l’enfance. Vendredi, les auteures de ces actes ont été déférées au tribunal de grande instance de Versailles, mises en examen pour «violences aggravées et viol accompagné d’actes de torture et de barbarie», avant d’être écrouées à la maison d’arrêt des femmes de Versailles.

L’école et son internat accueillent des enfants dont les parents ne peuvent plus assurer l’éducation ou bien des enfants maltraités, voire abusés, dans leurs familles et qui ont besoin d’être protégés de leur milieu familial. Ce soir-là, d’après la Ville de Paris, responsable de l’école Le Nôtre, en dépit de «la vigilance maximale en vigueur dans l’internat», un simple désaccord entre Alice, la victime, et ses voisines de chambre dégénère au point que, selon un magistrat, «nous n’avons jamais vu une telle violence sans mobile apparent et surtout chez des jeunes de cet âge. C’est extrêmement surprenant .».

Du jamais vu ? Ce n’est pas l’avis des psychiatres. Le Dr  Xavier Pommereau, responsable de l’unité médico-psychologique de l’adolescent et du jeune adulte au CHU de Bordeaux, témoigne même du contraire. Dans le Parisien, il se déclare «de plus en plus confronté à des jeunes filles qui, comme les garçons, retournent leur violence contre les autres». Certes, le plus souvent, les filles expriment leur violence à travers des conduites déviantes et dévalorisantes pour elles-mêmes (scarifications, anorexie, suicide, prostitution, etc.) Mais de plus en plus, souligne le médecin, «plus elles vont mal, plus elles veulent faire du mal (…) La violence des adolescentes est beaucoup moins rare qu’on le dit. Elle augmente».

Mineur délinquant, individu en danger

Le Parisien de citer quelques précédents pour illustrer ces propos : en décembre 2005, une lycéenne de 18 ans est battue à mort par une de ses amies. En septembre 2005, quatre jeunes filles avouent avoir allumé un incendie dans une HLM. En mars 2004, un trio de jeunes filles en agressent une autre au couteau et lui brûlent les cheveux pour lui extorquer de l’argent. «Ce type de gamines, je les connais bien (…) une fille qui va très mal aujourd’hui peut en attaquer sa voisine au cutter pour un regard de travers», insiste le Dr Pommereau.

«Nous sommes face à une explosion de la délinquance des mineurs», affirme le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, qui attribue cette dérive, selon lui, à un manque de sévérité des nombreuses lois : «Si la législation actuelle était bonne, comment expliquer qu’on ait 80% d’augmentation de la délinquance chez les mineurs ?». Le fait divers qui s’est passé au château de Pinceloup intervient en plein débats animés autour du projet de loi de Nicolas Sarkozy qui veut durcir plusieurs points de l’ordonnance de 1945 sur «l’enfance délinquante», texte fondateur de la justice des mineurs qui privilégie l’éducatif sur le répressif.

Mais aux yeux des professionnels de la santé et de l’éducation, les adolescents déviants sont avant tout des enfants en souffrance. Ils considèrent, quant à eux, qu’un mineur délinquant est un individu en danger avant d’être un danger pour la société.

par Dominique  Raizon

Article publié le 13/09/2006 Dernière mise à jour le 13/09/2006 à 16:45 TU

Audio

Xavier Pommereau

Responsable de l'unité médico-psychologique de l'adolescent et du jeune adulte au CHU de Bordeaux au micro de Philippe Lecaplain.

«Il ne faut pas confondre souffrance psychologique et délinquance.»

[13/09/2006]

Articles