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Police, justice, prisons : la France montrée du doigt

Vue partielle de la prison des Baumettes, à Marseille.(Photo: AFP)
Vue partielle de la prison des Baumettes, à Marseille.
(Photo: AFP)
Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles, a remis officiellement un rapport au Garde des Sceaux, Pascal Clément, dans lequel il dénonce, en quelque 200 pages, à la fois la surpopulation carcérale, les centres de rétention des étrangers, un sentiment d’impunité dans la police, et la surcharge des tribunaux. L’ensemble des syndicats de la pénitentiaire estime que c’est « une honte » pour le pays des droits de l’homme. Le ministre français de la Justice -tout en reconnaissant les entorses aux droits de l’homme en France- rappelle que le gouvernement a déjà pris des mesures pour améliorer la situation.

Police, justice, prisons, droits des étrangers et des mineurs : après avoir visité sept prisons et cinq commissariats de police, Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a dressé un état des lieux qu’il critique tous azimuts, dans un rapport -publié à Strasbourg-, et remis officiellement ce mercredi au Garde des Sceaux, Pascal Clément. En amont de la machine judiciaire, il y a la police : qu’il s’agisse des violences dans les commissariats où « les gardés à vue dorment à même le sol, aucun linge, aucun matelas ne leur étant fournis », ou bien des conditions globales de garde à vue, le rapport est accablant. Parce qu’un gardé à vue est privé d’avocat jusqu’à la 72e heure, Alvaro Gil-Robles demande que le rôle de ce dernier soit élargi en premier lieu car, souligne-t-il : « toute société démocratique n’a rien à redouter de la présence d’avocats responsables ». Il dénonce en outre, le comportement des policiers chez qui domine un « sentiment d’impunité», rappelant que le nombre de plaintes pour brutalités a bondi de 34% entre 2003 et 2004.

Côté prisons, la surpopulation est « chronique ». Le rapport fait état d’une augmentation des condamnations mais d’un manque de surveillants et de moyens financiers proportionnels aux besoins. Ce faisant, « un grand nombre de détenus [sont privés] de l’exercice de leurs droits élémentaires », conclut Alvaro Gil-Robles qui dénonce par ailleurs, très sévèrement, un manque permanent de greffiers, des problèmes de sécurité ou bien encore la vétusté des locaux dont certains donnent « l'impression d'appartenir à un autre temps ». Evoquant le centre de rétention administrative des étrangers, situé sous le Palais de Justice de Paris, Alvaro Gil-Robles n’hésite pas à dire : « de ma vie, sauf peut-être en Moldavie, je n’ai vu un centre pire que celui-là ! C’est affreux ! », tant il est vétuste. Il désigne les Baumettes, une prison marseillaise (sud), comme « un endroit répugnant [où]les gens sont très excités, c’est normal, entassés comme ils sont ! ». De Fleury-Mérogis, il dénonce des « cellules insalubres, et des sanitaires en mauvais état ».

Alvaro Gil-Robles s’alarme de la présence de mineurs dans les centres de rétention administrative où sont placés les étrangers dont l’expulsion n’a pu être immédiate. Il cite l’exemple « d’enfants roms très jeunes placés avec leur mère à Bobigny » ou bien encore l’interpellation d’enfants parfois en l’absence de leurs parents : « Les enfants sont victimes au même titre que les adultes de la pénalisation de l’étranger et leurs droits en vertu de la Convention des Nations-unies relatives aux droits de l’enfant ne sont pas respectés », insiste le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Plus généralement, il dénonce « la pénalisation » des étrangers en France, dû au « durcissement des politiques d’immigration », alors que vient d’être approuvé un avant-projet de loi sur une « immigration choisie », plus restrictive.

Le gouvernement sur la défensive

Le gouvernement a tout de suite réagi. Prenant acte du contenu du rapport, le ministre français de la Justice Pascal Clément a toutefois souligné : « Le ‘constat’ d’Alvaro Gil-Robles est connu mais il date déjà, puisque dès l'an 2000 nous connaissions les conclusions d'une mission parlementaire » sur les prisons. « Pour être juste avec la France, il faut rappeler ce que nous avons fait dès 2002 », a-t-il ajouté, mettant en avant la création de plus 13 300 places de prison et la réhabilitation de 3 000 autres places. Soulignant que le gouvernement s’était doté de « moyens budgétaires significatifs et en forte augmentation », il a également fait valoir la création de plus de 3 000 postes de fonctionnaires (fonctionnaires sociaux ou administratifs) pénitentiaires : « On ne peut pas dire que ce rapport soit une prise de conscience : nous l'avions eue et nous avons pris des mesures qui devaient être prises et qui n'avaient pas été prises avant », a-t-il expliqué.

En écho à Jean-Paul Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme qui déclare : « Tout le monde sait que la prison est le meilleur apprentissage de la délinquance », le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a immédiatement renchéri, se déclarant « favorable à un investissement immense pour transformer en profondeur la vie quotidienne des prisons », ajoutant : « Quand on est condamné à une peine de prison, on n’est pas condamné à se faire violer (…), à croupir dans des conditions indignes ».

En attendant que de nouveaux moyens soient redéployés, l’ensemble du rapport suscite les critiques les plus vives dans les rangs des syndicats pénitentiaires. « Ce rapport est une honte pour la République », a réagi Jean-François Forget de l'UFAP (majoritaire). Rappelant que plus d'une centaine d'établissements dataient d'avant la Première Guerre mondiale, Christophe Marques, de Fo-Pénitentiaire (2ème syndicat), a déclaré n'être « pas surpris » par le rapport : « Tous les ans, il y a des rapports sur la situation désastreuse dans les prisons mais rien n'avance, on peut construire de nouvelles prisons, si on ne respecte pas le principe un détenu par cellule, on sera toujours dans un cercle infernal ». La CGT-pénitentiaire (3ème syndicat) demande « un changement radical de politique pénale avec pour effet un diminution du taux de détention », considérant que ce rapport constitue « une gifle » pour la France.


par Dominique  Raizon

Article publié le 15/02/2006 Dernière mise à jour le 15/02/2006 à 18:09 TU

Pour en savoir plus :

 http://www.coe.int/

Audio

Jean Berrard

Membre de l'Observatoire international des prisons et rédacteur de la revue «Dedans Dehors»

«Nous sommes opposés à l'extension perpétuelle du parc pénitenciaire comme mesure de réponse à la surpopulation dans les prisons françaises.»

[15/02/2006]

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