Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Vatican

La leçon du professeur Benoît XVI

Le pape Benoît XVI au cours de sa visite en Bavière, où il a prononcé un discours en forme de cours magistral, traitant notamment des différences entre l'islam et le christianisme. Un discours qui suscite de vives réactions du côté musulman.  

		(Photo : AFP)
Le pape Benoît XVI au cours de sa visite en Bavière, où il a prononcé un discours en forme de cours magistral, traitant notamment des différences entre l'islam et le christianisme. Un discours qui suscite de vives réactions du côté musulman.
(Photo : AFP)
Le Pape Benoît XVI est rentré jeudi au Vatican, après une visite de six jours dans son pays natal. Un voyage durant lequel le Pape a évoqué ses grands thèmes favoris : l’héritage chrétien de l’Europe, la lutte contre le laïcisme et une docte leçon sur les différences entre le christianisme et l’islam qui suscite des remous à quelques semaines de son prochain voyage en Turquie, fin novembre.

De notre correspondant à Rome

Il vient à peine d’avoir été prononcé, durant la quatrième journée du voyage du Pape dans sa Bavière natale, mais on peut d’ores et déjà affirmer qu’il restera comme «le discours de Ratisbonne», tant le thème et l’articulation du propos risquent de faire couler beaucoup d’encre. Dans un amphithéâtre bondé de doctes chercheurs et professeurs, Benoît XVI intervenait mardi à l’université où il enseigna lui-même la théologie, de 1969 à 1977. Titre de son intervention, écrite comme un véritable cours magistral : «Foi, raison et université». Rien d’explosif, en apparence, et pourtant les propos tenus par le Pape sur l’Islam ont déjà suscité de vives réactions.

Qu’a dit Benoît XVI ?

En s’appuyant sur les travaux d’un professeur de Münster, Théodore Khoury,  le Pape a cité le Coran, parlé de la jihad (la guerre sainte), des relations entre la religion, notamment musulmane, et la violence. Surtout, il a établi une distinction nette entre le christianisme et l’islam dans le domaine des rapports entre la raison et la foi. Pour le Pape, le christianisme s’est nourri de la rencontre intime entre la foi biblique et la philosophie grecque, et c’est en ce sens qu’il a forgé l’Europe.  «Pour la doctrine musulmane», a-t-il déclaré, citant le professeur, «Dieu est absolument transcendant : sa volonté ne dépend d’aucune de nos catégories, même pas celles de la raison».

Benoît XVI de poursuivre en citant un dialogue du XVIème siècle, entre l’empereur byzantin Manuel II Paléologue et un savant perse avec qui il avait coutume de deviser sur les différences entre les deux religions. «Montre-moi, dit l’Empereur, ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu ne trouveras que des choses méchantes et inhumaines, comme son ordre de diffuser par les moyens de l’épée la foi qu’il professait». Les mots ne sont pas du Pape, mais le simple fait de les citer, en se limitant à qualifier ces propos de «brusques» et de «lourds», a provoqué l’émoi de nombreux représentants musulmans. D’autant que ce fameux dialogue entre l’empereur et le savant eut lieu cinquante ans avant la prise de Constantinople par les Ottomans.

«Le courage d’affronter la réalité»

En France, le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, a ainsi réclamé jeudi  une «clarification» de la part du Vatican, ne se contentant pas des déclarations livrées mardi soir par le porte-parole du Pape, le père Federico Lombardi, affirmant que le Pape ne voulait pas donner de l’islam une interprétation lui prêtant «quelque chose de violent». En Turquie, le directeur du département des affaires religieuses auprès du gouvernement, a qualifié d’«haineuses et hostiles» les déclarations de Benoît XVI. «Si l’on commence à comparer l’histoire de la violence commise au nom de l’Eglise catholique et celle commise au nom de l’Islam, cela nous prendrait beaucoup de temps», a pour sa part réagi Ingrid Mattson, présidente d’une importante organisation islamique américaine, l’Islamic Society of North America.

Jeudi soir, à Rome, un spécialiste catholique de l’islam, le père Lacunza, recteur de l’institut pontifical d’études arabes et islamiques, affirmait que le Pape n’a pas «jugé» l’islam. «Il faut avoir le courage d’affronter la réalité», a-t-il dit, «il y a actuellement dans le monde musulman un problème de la violence au nom de la religion (…) le Pape a posé des questions comme d’autres peuvent nous interroger sur le christianisme». A plusieurs reprises au cours de ce voyage allemand, Benoît XVI a fustigé les «pathologies et les maladies mortelles de la religion et de la raison». Le fanatisme et la violence pour la première, la négation de la sphère religieuse des individus pour la seconde. On retrouve là les priorités du pontificat : rappeler à l’Europe ses racines chrétiennes, et déplacer les bases du dialogue avec l’islam sur un terrain plus identitaire. Comme le soulignait mercredi Marco Politi dans le quotidien la Repubblica, le Pape «est apparu davantage comme un professeur  qu’un souverain pontife attentif aux conséquences géopolitiques de son discours». Choix délibéré ? Difficile d’en douter, tant l’homme n’aime guère l’improvisation.



par Laurent  Morino

Article publié le 15/09/2006 Dernière mise à jour le 15/09/2006 à 08:08 TU

Articles

émissions


[14/09/2006]


[28/05/2006]


[23/04/2006]


[29/01/2006]