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Eglise catholique

Benoît XVI : priorité à l'Asie

L'évêque de Hong Kong, Joseph Zen Ze-Kiou, a été nommé cardinal par le pape Benoît XVI.(Photo : AFP)
L'évêque de Hong Kong, Joseph Zen Ze-Kiou, a été nommé cardinal par le pape Benoît XVI.
(Photo : AFP)
Le Pape a annoncé le 22 février son premier consistoire. Il aura lieu le 24 mars et sera l’occasion pour le Pape de « créer », c’est l’expression d’usage, ses premiers cardinaux. Benoît XVI a retenu 15 noms qui permettent de mieux comprendre ses priorités sur la scène internationale et dans le gouvernement de l’Eglise. Avec notamment trois nouveaux cardinaux asiatiques, dont l’évêque de Hong Kong.

De notre correspondant au Vatican

Le Pape Jean Paul II avait habitué les observateurs à des listes de cardinaux pléthoriques. Trente lors du dernier consistoire, 44 lors du précédent. Benoît XVI, qui aime s’en tenir aux règles, a été plus mesuré mercredi 22 février puisque pour son premier consistoire il n’a livré que 15 noms, dont 12 en âge de participer à un Conclave. Avant même d’analyser la répartition géographique des nouvelles éminences, un premier constat s’impose. Le Pape entend respecter le plafond des 120 cardinaux électeurs (autrement dit âgés de moins de 80 ans) fixé en 1973 par Paul VI. Sans doute faudra-t-il s’habituer à des listes plus brèves mais plus fréquentes.

Sur les 15 nouveaux cardinaux, 3 travaillent déjà à la Curie aux côtés du Pape, notamment son successeur à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, l’Américain Levada. Pas de surprise. Tout comme la désignation de l’ancien secrétaire particulier de Jean Paul II, Mgr Stanislas Dziwisz. Neuf cardinaux dirigent un important diocèse : Bordeaux, Caracas, Manille, Boston, Tolède, Bologne, Cracovie, Hong Kong, Séoul. C’est là que la géopolitique se fait sensible. Tout le monde a remarqué que 3 de ces 9 évêques diocésains viennent d’Asie. Signe évident d’un intérêt soutenu pour l’avenir du christianisme sur ce continent qui est à la fois le plus peuplé et le moins catholique. Tout particulièrement, la désignation de Mgr Joseph Zen Ze-Kiou, évêque de Hong Kong, a retenu l’attention.

La Chine : 10 millions de fidèles

Les industriels et les politiques ne sont pas les seuls à mesurer l’enjeu crucial que représente le colosse chinois pour l’avenir : il vaut aussi pour l’Eglise. Une église catholique chinoise divisée en deux, depuis l’avènement des communistes en 1949. D’un côté, une église officielle, dite « patriotique » et dont les nominations sont dépendantes du bon vouloir de Pékin. De l’autre, une église souterraine, « clandestine », restée immanquablement fidèle à l’évêque de Rome malgré les multiples vagues de persécutions endurées. On ignore, en fait, le nombre exact des catholiques, mais les estimations avancent, pour les deux communautés réunies, le chiffre de 10 millions de fidèles. Une goutte d’eau dans l’océan chinois. Une graine riche d’espoir pour Rome.

La réaction de Pékin, mercredi, était d’ailleurs assez éloquente. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a invité le nouveau cardinal Zen, une des voix libres du catholicisme chinois,  « à ne pas se mêler de politique ». Les responsables chinois craignent l’effet que Wojtyla eut en Pologne en 1979, à savoir la naissance d’un symbole pouvant cristalliser l’opposition au pouvoir central. Le nouveau cardinal, comme il l’affirmait jeudi à un quotidien italien, pourra en tous les cas avoir un accès plus aisé aux autorités de Pékin. Une carte, sans aucun doute, pour le Vatican dans ses négociations sur l’avenir du catholicisme en Chine.

L’Eglise, « minorité agissante »

Pour le reste, le consistoire annoncé par Benoît XVI offre deux cardinaux de plus aux Etats-Unis, un seul à l’Amérique latine. Un seul à l’Afrique, Mgr Dery, ghanéen âgé de 88 ans. Et puis deux Français : Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence épiscopale, et le père Albert Vanhoye, éminent bibliste. Beaucoup ont remarqué l’absence de l’archevêque de Paris, Mgr Vingt-Trois. Simple manque de place sur la liste ou question de sensibilité ? Les esprits malins y voient un désaveu du style Lustiger.

En se limitant à nommer trois cardinaux de Curie, le Pape semble par ailleurs confirmer les rumeurs qui affirment qu’il s’apprêterait à mettre la main à un important remaniement au sommet de l’Eglise. On le sait favorable à une Curie plus ramassée, et dans les couloirs du Vatican on parle régulièrement du possible regroupement de certains services. Le dialogue interreligieux pourrait ainsi être réuni à la Culture, après le départ de son responsable, Mgr Fitzgerald, nommé Nonce apostolique au Caire. Benoît XVI confirmerait, ce faisant, l’impression des premiers instants après son élection le 19 avril dernier. Celle d’un Pape qui entend consulter sans renoncer à trancher seul. Un Pape qui entend dialoguer sans adoucir ses convictions et son identité. L’Eglise doit être désormais une « minorité agissante », affirmait-il avant son élection. Le choix des premiers cardinaux va dans ce sens.


par Laurent  Morino

Article publié le 27/02/2006 Dernière mise à jour le 27/02/2006 à 11:51 TU