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Religion

Le divin dans le pétrin

De violentes manifestations se sont deroulées dans le monde musulman, notamment au Pakistan. 

		(Photo : AFP)
De violentes manifestations se sont deroulées dans le monde musulman, notamment au Pakistan.
(Photo : AFP)
Benoît XVI a exprimé ses regrets mais même en revenant sur ses propos dans lesquels il faisait un lien implicite entre islam et violence, cet extrait de son discours de Ratisbonne continue de faire des remous dans le monde musulman. Le Vatican a décidé de lancer une offensive diplomatique pour tenter de s’expliquer et renouer le dialogue avec les représentants de la religion musulmane.

Au lendemain des regrets – fait sans précédent – exprimés publiquement par Benoît XVI, des musulmans ont encore exprimé leur colère face à ce lien implicite entre islam et violence fait par le pape dans son discours de Ratisbonne la semaine dernière. Le Vatican a donc décidé de lancer une offensive diplomatique à travers le monde. Les nonces, c’est-à-dire les ambassadeurs du Saint-Siège installés dans les pays musulmans, vont prendre contact avec les autorités politiques et religieuses de ces pays. A l’occasion de rendez-vous officiels, les nonces feront une campagne d’explications. Le Vatican leur a demandé de «faire connaître le texte du Saint-Père pour valoriser les éléments ignorés jusqu’à présent». Monseigneur Tarcisio Bertone, le numéro deux du Vatican a affirmé que le discours de Benoît XVI, prononcé à Ratisbonne, avait été «lourdement manipulé». Dans une interview au quotidien italien le Corriere della Sera, le bras droit du pape explique que ce discours, jugé insultant par le monde musulman, a été «transformé en quelque chose d’autre par rapport aux intentions du Saint-Père». 

De retour à Rome après son voyage au pays natal, Benoît XVI a profité de son rendez-vous du dimanche avec les pèlerins pour exprimer ses regrets. Il s’est déclaré «vivement attristé» par les réactions suscitées par un «bref passage» de son discours «considéré comme offensant pour la sensibilité des croyants musulmans». Les spécialistes des questions religieuses ont noté que le pape n’est pas allé jusqu’aux excuses comme certains leaders religieux musulmans le souhaitaient. Ces experts ont également remarqué que le pape n’est pas totalement revenu sur cet extrait de son discours. Dernière observation : il est rarissime qu’un pape présente ses regrets après quelques jours de polémique, reconnaissant ainsi qu’il a fait une erreur.

Une campagne d’explications

Les nonces vont donc se lancer dans une campagne d’explications mais la tâche s’annonce ardue. Si certaines organisations influentes  comme la Confrérie des Frères musulmans, en Egypte, ont salué les regrets formulés par Benoît XVI, d’autres représentants du monde musulman estiment que ces regrets étaient «nécessaires mais pas suffisants». C’est le cas notamment du porte-parole du gouvernement iranien, Gholam-Hossein Elham. «Il (le pape) doit dire plus clairement que ce qu’il a dit était une erreur et corriger» ces propos. L’ayatollah Ali Khameini, le guide suprême, a été plus radical, les propos du pape étant pour lui «le dernier maillon d’une croisade américano-sioniste».

Pour le quotidien du Qatar Al-Charq, le pape «doit absolument s’excuser pour ses propos préjudiciables à l’islam et éteindre ainsi la colère des musulmans». Le journal estime que les propos de Benoît XVI sont «d’autant plus graves qu’ils interviennent au moment où le monde musulman fait face à une campagne hostile représentée notamment pas l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak par des forces étrangères, outre l’occupation israélienne des territoires palestiniens».

En Arabie saoudite, le journal Al-Youm politise à l’extrême les propos de Benoît XVI, estimant qu’ils «ne sont pas une bévue ordinaire» et qu’ils «entrent dans le cadre d’un courant de pensée en accord total avec les idées de l’extrême droite aux Etats-Unis sur le conflit des civilisations».

Même la Chine en parle

La Chine, qui compte 18 millions de musulmans seulement, s’empare elle aussi du débat puisque le représentant de cette minorité religieuse, Chen Guangyuan, a dénoncé le lien implicite entre islam et violence contenu dans le discours papal, estimant que Benoît XVI avait insulté «à la fois l’islam et le prophète Mahomet». La Malaisie, où la population est majoritairement musulmane, a pour sa part indiqué que les regrets du pape étaient insuffisants et n’étaient pas «de nature à calmer la colère».

La vague d’indignation a également atteint l’Irak. A Bassorah, des manifestants ont brûlé l’effigie du souverain pontife et incendié des drapeaux américain et allemand. Et des groupes irakiens liés à al-Qaïda ont lancé des menaces contre l’Occident.

Le cardinal Ratzinger, devenu Benoît XVI, a commencé à étudier la philosophie et la théologie à 19 ans. Ordonné prêtre à l’âge de 24 ans, tout au long de sa vie, il a enseigné la doctrine de la religion catholique. Plus il avançait dans sa carrière, plus ses responsabilités étaient importantes dans la définition du dogme. Les textes d’Aristote, Averroès ou encore Thomas d’Aquin n’ont probablement pas de secret pour lui.

Au lendemain des regrets exprimés par le pape, les spécialistes du Vatican estiment que Benoît XVI vient de rompre avec la stratégie impulsée par Jean-Paul II face à l’islam. Sandro Magister, spécialiste de la papauté à l’hebdomadaire L’expresso, affirme que Benoît XVI est partisan de «moins de diplomatie et d’avantage d’Evangile (livre sacré racontant la vie de Jésus-Christ)». Le journal espagnol El Mundo pour sa part écrit : «Jean-Paul II avait mis du temps à apaiser les contradictions entre les principales religions. En ce qui concerne l’islam, Joseph Ratzinger a gâché en un seul discours tout le travail de son prédécesseur ».



par Colette  Thomas

Article publié le 18/09/2006 Dernière mise à jour le 18/09/2006 à 17:34 TU