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Aéronautique

Les retards s’accumulent pour l’A380

Un Airbus A380 dans son hangar de construction à Toulouse-Blagnac. Selon le journal <em>Les Echos</em>, le gros-porteur devrait connaître de nouveaux problèmes d'assemblage, entraînant des retards supplémentaires dans sa livraison. 

		(Photo : AFP)
Un Airbus A380 dans son hangar de construction à Toulouse-Blagnac. Selon le journal Les Echos, le gros-porteur devrait connaître de nouveaux problèmes d'assemblage, entraînant des retards supplémentaires dans sa livraison.
(Photo : AFP)
Le consortium européen Airbus Industries et sa maison mère EADS se font des soucis. Les délais de fabrication du gros-porteur géant A 380 s’allongent et la livraison des appareils va subir un retard supplémentaire de six mois. EADS a confirmé jeudi que d’autres retards sont à prévoir. Ce sont des problèmes de câblage des appareils qui ont surgi dans les chaînes de montage, à Toulouse. Le conseil d’administration du groupe EADS doit se tenir à la fin du mois. Les marchés financiers se montrent très attentifs à l’évolution de cette crise industrielle, au moment où les britanniques de BAE veulent se désengager du projet, tandis que la Russie veut devenir un partenaire à part entière du groupe Airbus, premier constructeur aéronautique mondial, mais en voie d’être à nouveau dépassé par l’américain Boeing.

Le journal Les Echos a annoncé, mercredi à Paris, que l’A380, l’avion géant d’Airbus, devrait connaître de nouveaux problèmes d’assemblage, entraînant ainsi des «nouveaux reports de livraison». Le quotidien de l’économie, qui ne révèle pas ses sources, signale aussi qu’il y aura «jusqu’à six mois de retards supplémentaires» et aussi «une réduction du nombre de livraisons prévues en 2007», notamment pour les premières compagnies qui ont passé des commandes de l’appareil. L’A380 est un appareil géant à double pont, capable de transporter entre 500 et 850 passagers. Réagissant à cet article, le groupe européen d’aéronautique et défense EADS a annoncé jeudi que d’autres retards de livraison sont «à prévoir en raison de problèmes persistants d’industrialisation».

Airbus avait promis de livrer le premier A380 aux Singapore Airlines en décembre prochain, mais la mise en service de l’appareil ne devrait pas intervenir avant avril 2007. Or cette compagnie avait fait une campagne de publicité signalant que ses vols avec le «superjumbo» européen allaient démarrer en 2006. De même, la compagnie Emirates va être obligée d’attendre octobre 2007 pour recevoir le premier des 45 modèles d’A380 qu’elle a commandés ce qui représente, selon le même journal, «un an de retard». Air France comptait recevoir ses trois premiers A380 en avril 2007, mais elle ne pourra les faire voler avant novembre 2007.

500 kilomètres de câbles et 300 000 points de connexion

Les Echos affirme qu’Airbus est en train de livrer «une course contre la montre», d’autant plus que le constructeur «doit obtenir de l’Agence européenne de la sécurité aérienne l’indispensable certification nécessaire, préalable à tout vol commercial». Le quotidien cite Steve Udvar-Hazy, PDG du loueur d’avions ILFC, qui a commandé dix A380 et qui considère que «les problèmes de câblage (…) seraient, en effet, pires que prévu». En réalité chaque appareil contient 500 kilomètres de câbles et 300 000 points de connexion. Tout cela a obligé Airbus à suspendre pendant quatre mois les convois de tronçons, «le temps de reprendre les appareils déjà assemblés». Les Echos signale aussi que «la mise en conformité de chaque appareil nécessiterait jusqu’à 40 000 heures de travail par avion».

Réagissant à ces révélations, Airbus avait affirmé mercredi qu’il s’agissait de «spéculations». Pourtant, la compagnie Air France a fait savoir qu’elle attendait des précisions concernant «un nouveau programme de livraisons des A380 ». C’est le 29 septembre que se réunit le conseil d’administration d’EADS. Il devra fournir les informations tant attendues par les compagnies aériennes et les marchés financiers, ainsi que par les employés du groupe. Le nouveau patron d’Airbus Christian Streiff avait annoncé en juillet que son groupe avait procédé à une «analyse exhaustive de la situation» suite aux précédents problèmes qui avaient déjà provoqué des retards dans les chaînes de montage du très gros porteur. Les nouveaux responsables d’Airbus ont décidé de mettre en place une «plateforme» permettant un échange plus étroit entre les spécialistes allemands et français.

Les Britanniques veulent quitter EADS, les Russes frappent à la porte

Cette crise avait obligé EADS à remplacer, début septembre, Charles Champion - qui avait été en 2000 le père du projet A380 - par Mario Heinen. Les retards de livraison avaient été évalués en juillet à plus de 2 milliards d’euros. Entre-temps, British Aerospace (BAE), qui détient 20% du capital d’Airbus, a décidé de vendre sa participation, affirmant que le groupe était arrivé à la «fin d’un cycle». Il y a une semaine, le directeur technique de BAE a même déclaré qu’il «serait surpris s’il n’y avait pas de nouveaux retards» dans la livraison des appareils.

Les nouvelles sont un peu meilleures concernant l’A350, même si le projet de ce long-courrier européen de capacité moyenne a du subir des modifications et des retard importants pour pouvoir faire face à la concurrence du Boeing 787, qui utilise des matériaux composites et qui est plus économe en carburant que la version initiale de l’Airbus. Les Russes d’Aeroflot viennent d’annoncer la commande de 22 exemplaires de l’A350 qui seront livrés après 2012, c’est à dire après les 22 Boeing 787 «Dreamliner» qui voleront sous les couleurs de la compagnie russe à partir de 2010 et 2012.

Les inquiétudes du Pentagone

La Russie a donc coupé la poire en deux. Ce pays veut devenir aussi un partenaire à part entière du consortium aéronautique européen EADS, et augmenter sa participation, actuellement à hauteur de 5,02%, pour disposer d’une minorité de blocage. 22,5% du capital d’EADS est actuellement dans les mains de l’allemand Daimler-Chrysler, 15% est détenu par l’Etat français et 7,5% appartient au groupe Lagardère.  Mais les ambitions de Moscou de devenir un partenaire stratégique du groupe n’ont pas été les bienvenues à Toulouse, ni à Berlin, ni à Paris, où le ministre français de l’Economie, Thierry Breton, interrogé par la radio BFM, a souligné mardi que «EADS a rappelé qu’il existait un pacte d’actionnaires extrêmement solide et que rien ne pourrait remettre en cause un pacte basé sur un projet industriel».

Georges Daout

Secrétaire de la CGT Airbus France

«Il faut se méfier des perspectives de délocalisation dans les pays de l'Est.»

Lors de sa prochaine visite à Paris le 22 et le 23 septembre, le président russe Vladimir Poutine va essayer de convaincre le président français Jacques Chirac et la chancelière allemande Angela Merkel de l’intérêt de la participation de la Russie dans l’industrie aéronautique européenne. Sauf que cette perspective suscite des inquiétudes aux Etats-Unis, notamment au département de la Défense. L’entrée en force de la Russie dans EADS pourrait nuire à l’obtention du contrat de fourniture d’avions ravitailleurs Airbus à l’armée de l’air des Etats-Unis.



par Antonio  Garcia

Article publié le 21/09/2006 Dernière mise à jour le 21/09/2006 à 08:34 TU