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Somalie

Les islamistes progressent vers le sud

Au cours d'une conférence de presse à Nairobi&nbsp;lundi, le Premier ministre somalien Ali Mohamed Gedi a&nbsp;qualifié la prise de Kismayo par les islamistes&nbsp;de «<em>contraire aux accords de paix»</em> des 23 juin et 4 septembre&nbsp;2006, signés&nbsp;entre le gouvernement somalien et les islamistes. 

		(Photo : AFP)
Au cours d'une conférence de presse à Nairobi lundi, le Premier ministre somalien Ali Mohamed Gedi a qualifié la prise de Kismayo par les islamistes de «contraire aux accords de paix» des 23 juin et 4 septembre 2006, signés entre le gouvernement somalien et les islamistes.
(Photo : AFP)
Les forces des Tribunaux islamiques ont pris le contrôle, dimanche, du port de Kismayo, situé à 500 kilomètres au sud de la capitale, Mogadiscio, et à 200 kilomètres de la frontière avec le Kenya. Les islamistes ont imposé le couvre-feu, suite à des incidents qui, selon des témoins, auraient provoqué au moins un mort lundi. Les islamistes, qui avaient conquis la capitale Mogadiscio en juin, renforcent ainsi leur emprise sur la partie sud du pays pour empêcher l’éventuel déploiement d’une force de paix étrangère. Le gouvernement fédéral de transition, installé à Baïdoa, a accusé les islamistes de violation des accords de cessez-le-feu conclus en juin et septembre. Le premier ministre de transition, Ali Mohamed Gedi, affirme que les tribunaux islamiques sont liés à des groupes terroristes internationaux et réclame le droit de s’armer. Les islamistes reconnaissent avoir reçu de l’aide extérieure et accusent toujours l’Ethiopie de soutenir le gouvernement fédéral.

Les islamistes ont tiré sur la foule, dimanche à Kismayo, lors d’une manifestation de protestation contre les tribunaux islamiques qui avaient fait retirer le drapeau national somalien pour le remplacer par un nouveau drapeau portant la phrase «Il n’y a qu’un seul dieu, et Mahomet est son prophète». Plusieurs agences de presse citant des habitants ont signalé qu’au moins un jeune a été tué par les tirs, ce qui a été démenti par les islamistes qui ont néanmoins confirmé avoir ouvert le feu sur des jeunes qui leur avaient jeté des pierres.

Les milices islamistes ont décidé ensuite d’imposer le couvre-feu (de 21H00 à 05H00, heure locale) et ont promis d’appliquer la charia, la loi islamique. Le commandant islamiste Sheikh Ali Mohamed Farah à déclaré à l’AFP que ses forces s’étaient emparés de Kismayo «sans bain de sang» et que sa population «va profiter de la paix et de la prospérité». Mais de nouvelles manifestations de protestation contre les Tribunaux islamiques ont été signalées mardi, ce qui a provoqué l’arrestation de vingt femmes par les islamistes.

Kismayo, qui est la troisième ville somalienne (après la capitale Mogadiscio et Hargeisa, dans le Somaliland qui a fait sécession), était sous le contrôle des miliciens de l’Alliance de la vallée de Juba (JVA) qui se sont retirés vers des positions situées à une quarantaine de kilomètres du port. Ces miliciens, qui se déclarent favorables au gouvernement fédéral de transition, ont promis de retourner dans la ville et de faire le nécessaire pour obtenir «de l’aide de pays étrangers pour combattre ces terroristes». En réalité, les autorités fédérales ont accusé fermement les tribunaux islamiques d’avoir pris le contrôle de Kismayo en violation des accords de paix et de reconnaissance mutuelle conclus le 23 juin et le 4 septembre au Soudan.

Risques de conflit régional

Le premier ministre de transition, Ali Mohamed Gedi, a même accusé les tribunaux islamiques d’être «associés avec des groupes terroristes internationaux comme al-Qaïda», ce qui représenterait «non seulement une menace pour la Somalie, mais aussi pour la région». En réalité, selon Sheikh Muktah Robow, numéro 2 en charge de la sécurité du Conseil suprême islamique de Somalie (SICS), le principal objectif de la prise de Kismayo est de «fermer la frontière avec le Kenya pour empêcher le déploiement de troupes étrangères». Cette question oppose, depuis toujours, les autorités de transition et les tribunaux islamiques qui revendiquent le droit de contrôler la sécurité du pays.

En réalité, le gouvernement de transition se trouve maintenant dans une position de grande faiblesse, par rapport aux islamistes qui augmentent leur emprise sur la partie méridionale du pays, après avoir conquis la capitale, Mogadiscio, début juin. Le pouvoir de transition ne contrôle effectivement que la ville de Baïdoa, située à 250 kilomètres au nord-ouest de la capitale. Le premier ministre Ali Muhammad Gedi a demandé lundi à Nairobi la fin de l’embargo militaire, décrété par les Nations unies, pour pouvoir disposer d’une force militaire pour protéger son gouvernement et ses citoyens. Il a aussi condamné l’assassinat d’une religieuse italienne à Mogadiscio et une tentative d’attentat contre le président par intérim Abdullahi Yussuf.

Plusieurs sources, dont les islamistes, ont affirmé que des soldats éthiopiens garantissent la sécurité de ce gouvernement fédéral, et contrôlent notamment l’aéroport de Baïdoa. Addis-Abeba a démenti à plusieurs reprises ces accusations et a accusé l’Erythrée d’appuyer les Tribunaux islamiques somaliens. Pourtant les islamistes viennent de reconnaître avoir bénéficié du soutien de «frères de l’Islam» étrangers, d’après les déclarations à Mogadiscio de Hassan Turki, dirigeant des Tribunaux islamiques, dont le nom figure sur les listes des suspects terroristes pouvant avoir des liens avec al-Qaïda, listes établies par les Etats-Unis et l’Onu.

Inquiétude des Etats voisins

Washington a du réviser sa politique dans le Corne d’Afrique après la défaite des chefs de guerre pro-américains qui contrôlaient Mogadiscio. La présente situation en Somalie est surtout délicate pour les gouvernements des pays voisins, notamment l’Ethiopie qui craint que les tribunaux islamiques puissent aussi soutenir des mouvements des minorités somalis éthiopiennes et les rebelles du

Front de libération de l’Ogaden. Le Kenya a aussi des raisons de s’inquiéter. 240 000 somaliens ont traversé la frontière kenyane et 26 000 autres pourraient aussi le faire dans les prochains mois, selon le Programme alimentaire mondial qui pourrait être obligé de rationner la nourriture dans les camps de réfugiés.

La situation en Somalie est aussi une affaire délicate pour les pays membres de l’Igad, l’Autorité intergouvernementale de développement, regroupant six pays de la région (Ethiopie, Kenya, Soudan, Djibouti, Erythrée, et Ouganda) ainsi que le gouvernement intérimaire somalien. L’Igad est en principe favorable à la création d’une force de paix de 6 500 hommes pour la Somalie, malgré l’opposition des islamistes. Mais il est peu probable que cette force, formée notamment par des soldats ougandais et soudanais, puisse vraiment voir le jour, à moins que la communauté internationale décide de la financer, ce qui est loin d’être acquis. La Somalie risque de continuer à s’enfoncer dans le chaos dans lequel elle est plongée depuis 1991, date de la chute du dictateur Siad Barre.



par Antonio  Garcia

Article publié le 26/09/2006 Dernière mise à jour le 26/09/2006 à 19:07 TU