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Cinéma

«Nosaltres» : des Maliens en Catalogne

«<em>Celui qui est écouté se sent respecté</em>», Moussa Touré, réalisateur sénégalais du film <em>Nosaltres</em>. 

		(Photo: Kèoprasith Souvannavong/RFI)
«Celui qui est écouté se sent respecté», Moussa Touré, réalisateur sénégalais du film Nosaltres.
(Photo: Kèoprasith Souvannavong/RFI)

Le film Nosaltres du Sénégalais Moussa Touré a capté l'intérêt du public du 21e Festival International du Film francophone de Namur (FIFF, Belgique) qui se tient jusqu'au 6 octobre dans la capitale wallonne. En compétition pour le Bayard d'Or du meilleur documentaire, Nosaltres traite de l'intégration d'un groupe de 80 Maliens dans un petit village de Catalogne.


De notre envoyé spécial à Namur Kèoprasith Souvannavong

«Bien que l'intégration soit l'objet de mon film, je n'aime pas du tout ce terme. Il est souvent utilisé à mauvais escient, en particulier par les politiques. Je lui préfère le mot métissage. Je conçois l'intégration plutôt comme un croisement entre deux cultures», lance Moussa Touré. Le réalisateur sénégalais, auteur de plusieurs longs métrages primés dans divers festivals et habitué de Namur, présente cette fois au Festival international du film francophone de Namur (FIFF) Nosaltres, un documentaire de 70 minutes.

L'action de Nosaltres se déroule à Sant Féliu, un village situé à 35 kilomètres de Barcelone. Deux communautés, l'une catalane, l'autre malienne, y vivent côte à côte sans se parler ni se fréquenter. Arrivés clandestinement en Espagne depuis huit ans, ces Africains travaillent surtout comme maçons dans le bâtiment ou comme cueilleurs dans les champs, des secteurs qui requièrent une main-d'oeuvre croissante dans ce village peuplé essentiellement de vieux, la plupart des jeunes étant partis vivre à Barcelone.

L’ignorance, la principale barrière

Chaque groupe a ses clichés. «Les étrangers ne veulent pas s'intégrer», «les Maliens sont trop bruyants et occupent notre espace», selon les uns. «Les gens de Sant Féliu sont trop fermés, ils ne nous répondent pas lorsque nous leur disons bonjour», soutiennent les autres. C'est dans ce contexte que, caméra digitale en main, le réalisateur Moussa Touré va entreprendre une démarche originale. Loin d'être voyeuriste, il décide d'effectuer le premier pas en partant à la rencontre de chacune des deux communautés pour essayer de comprendre ce qui les dissocie, et surtout ce qui peut les rapprocher. A la différence de certains qui se contentent de filmer une situation catastrophique puis s'en vont.

Au fil des interviews, les spectateurs découvrent alors que l'ignorance constitue la principale barrière qui sépare ce groupe de 80 Maliens des autochtones. Les villageois ne savent pas situer le Mali sur la carte de l'Afrique et ne connaissent rien de la religion musulmane pratiquée par les Maliens. Ils estiment seulement que ceux-ci ont immigré en Espagne pour des raisons économiques. Les Maliens, eux, se décrivent comme des personnes sympathiques et rejettent la faute sur les Catalans.

«La peur est une défense»

En réalité, chaque camp est orgueilleux, et ne veut pas se dévoiler, par peur. «La peur est une défense. Elle réside dans la méconnaissance de l'autre», affirme Moussa Touré. Le réalisateur fait la navette entre les deux communautés et rapporte les paroles des uns aux autres. Peu à peu, les idées reçues s'estompent. Après plusieurs va-et-vient, le metteur en scène, jouant le rôle d'intermédiaire, réussit un tour de force incroyable en organisant une rencontre entre les deux peuples qui finissent par communiquer. Une telle réunion paraissait improbable avant son arrivée dans ce coin perdu.

«Une grande ville est comme une fourmilière. On ne perçoit pas très bien ce qui s'y passe. Il est difficile d'y étudier les gens, alors que dans une petite bourgade on peut prendre le temps de les observer. C'est dans les villages que l'on se rend compte de ce qui se passe dans les villes. De plus, dans les petites agglomérations, les habitants sont plus disponibles pour vous écouter», explique Moussa Touré. Et d'insister : «l'écoute importe avant tout. Quand on écoute l'autre, on sait d'où il vient, qui il est. Or, de nos jours, nous sommes rentrés dans une ère où les hommes ne s'écoutent plus. Les Européens, par exemple, n'écoutent qu'eux-mêmes. Ils ont donc peur lorsqu'ils voient débarquer des étrangers. Celui qui est écouté se sent respecté. C'est dans l'écoute que l'on peut gagner le respect de l'autre. Avec le respect on peut tout obtenir».

Comme une Andalouse en Catalogne

Cependant, la problématique de l'intégration peut se transposer partout dans le monde et ne repose pas uniquement sur la race ou la couleur de peau. Dans Nosaltres, une Andalouse installée de longue date à Sant Féliu reste toujours considérée comme Andalouse. Ce genre de difficulté survient également en Afrique, entre diverses ethnies.

Produit avec un (petit) budget de 25 000 euros, Nosaltres, qui signifie «nous autres», invite les hommes à découvrir leurs points communs, qu'ils soient Maliens ou Catalans. Filmé à la manière d'une fiction, il sera projeté le 2 novembre prochain à Barcelone. Nosaltres illustre les valeurs de tolérance et de dialogue des cultures prônées par l'un des pères de la francophonie, Léopold Sédar Senghor, à qui le FIFF rend hommage à l'occasion du 100e anniversaire de sa naissance cette année.



par Kèoprasith   Souvannavong

Article publié le 05/10/2006 Dernière mise à jour le 05/10/2006 à 13:06 TU

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[26/09/2006]