Politique française
Chirac à la recherche du dialogue social
(Photo : AFP)
Une fin de mandat active : c’est ce que souhaite Jacques Chirac. Pas question de déléguer plus que nécessaire durant la dernière ligne droite avant l’élection présidentielle. La preuve, il a repris la main sur le dossier de la réforme du dialogue social, sur lequel le Premier ministre avait, un temps, été en première ligne. Jacques Chirac s’est rendu lui-même devant le Conseil économique et social, mardi 10 octobre, pour faire des propositions sur ce thème. C’est seulement la deuxième fois que le chef de l’Etat intervient devant les membres de cette instance depuis qu’il a accédé à la présidence de la République. Ce qui montre l’importance qu’il accorde au projet de loi en préparation et sa volonté de s’impliquer personnellement pour le faire passer avant la fin de la législature.
A en croire Jacques Chirac, il y a urgence à mettre en place un nouveau fonctionnement entre le gouvernement et les partenaires sociaux. La plupart des pays européens ont, en effet, déjà expérimenté des «mécanismes» pour améliorer le dialogue. Le chef de l’Etat estime que l’heure est venue pour la France aussi de tenter un «pari au sens le plus noble du terme : le pari du dialogue, de l’engagement et de la responsabilité». Concrètement, il s’agit d’instaurer un système qui rendra impossible «de modifier le droit du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée». Un délai sera fixé pour les éventuelles négociations au bout duquel le texte sera présenté au Parlement. Car le temps de la concertation, rendu indispensable et incontournable par ce projet de loi, ne doit pas pour autant constituer un handicap pour l’action politique qui reste prééminente. Le chef de l’Etat souhaite, d’autre part, qu’un rendez-vous annuel entre l’Etat et les partenaires sociaux soit fixé et que le Premier ministre se rende tous les ans devant le Conseil économique et social pour y effectuer un bilan social.
Tirer les leçons du CPE
La détermination de Jacques Chirac à poser les bases d’un nouveau dialogue social en France, à quelques mois de la fin de son mandat et dans une certaine urgence, est en partie liée à la crise du CPE. Le mouvement de protestation contre le contrat première embauche a joué un rôle de déclencheur car il a été provoqué par la tentative de Dominique de Villepin de faire passer en force, et sans consultation préalable, une réforme impopulaire qui donnait la latitude aux employeurs de licencier sans justification les salariés de moins de 26 ans durant une période d’essai allongée à deux ans. Dominique de Villepin a finalement été obligé de céder et de faire son mea culpa en s’engageant, sous l’influence du chef de l’Etat, à ne plus jamais oublier de consulter avant de réformer le code du travail.
Et pour convaincre les syndicats qu’il ne commettrait plus le pêché d’arrogance, le chef du gouvernement a annoncé en guise de promesse de sortie de crise qu’il allait demander au ministre de l’Emploi, Jean-Louis Borloo, de mener en compagnie de son ministre délégué, Gérard Larcher, un cycle de consultations avec les partenaires sociaux. C’est dans le cadre de ces entretiens que le projet de reforme du dialogue social, présenté par Jacques Chirac, a commencé à être élaboré, à partir des propositions contenues dans un rapport réalisé sur ce thème par Dominique-Jean Chertier, disponible depuis le printemps.
Répondre à Sarkozy
L’objectif de Jacques Chirac est de réussir, grâce à ce nouveau dispositif de consultation, à faire sortir les relations gouvernement-syndicats-patronat d’une «logique de conflit» et à créer «une culture de la négociation, du compromis, de la responsabilité». Par ricochet, le président de la République espère préparer les conditions pour pouvoir mettre en œuvre sans heurts de nouvelles mesures destinées à lutter contre le chômage, une autre de ses priorités. Pour autant, le chef de l’Etat ne juge pas nécessaire de faire table rase du pacte social à la française mais simplement de le «moderniser». Cette précision n’est pas innocente. Elle constitue une nouvelle réponse indirecte aux attaques de Nicolas Sarkozy qui, en déclinant sans cesse son argumentaire sur le thème de la «rupture», remet en cause, à tout bout de champ, la gestion du chef de l’Etat. Plus que jamais, Jacques Chirac rend les coups et prend des initiatives. Le président, c’est lui. Qu’on se le dise.
par Valérie Gas
Article publié le 10/10/2006 Dernière mise à jour le 10/10/2006 à 16:39 TU