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Politique française

Sarkozy en rupture de gouvernement

Nicolas Sarkozy a estimé, après avoir rendu visite aux CRS hospitalisés à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, que sa mise en cause des décisions des juges était parfaitement justifiée. 

		(Photo : AFP)
Nicolas Sarkozy a estimé, après avoir rendu visite aux CRS hospitalisés à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, que sa mise en cause des décisions des juges était parfaitement justifiée.
(Photo : AFP)
Malgré les critiques véhémentes des magistrats et les attaques de l’opposition, Nicolas Sarkozy n’a manifesté aucun regret. Il a réitéré, jeudi, ses critiques sur les décisions des juges du tribunal de Bobigny et a justifié ses déclarations par le fait qu’elles remettaient en cause l’application de sa politique sécuritaire. La tentative de calmer le jeu du Premier ministre, Dominique de Villepin, qui avait convoqué une réunion d’urgence sur la prévention de la délinquance et a souligné «l’engagement» des magistrats, ne l’a pas incité à plus de diplomatie vis-à-vis de l’institution judiciaire. Décidément, rien n’arrête Nicolas Sarkozy et surtout pas le fait d’être ministre de l’Intérieur.

Partir, oui mais quand ? C’est la question à laquelle Nicolas Sarkozy va devoir apporter une réponse. En attendant, toutes ses interventions le font apparaître comme un candidat plus que comme un ministre de l’Intérieur en fonction. Depuis plusieurs mois déjà, ses proches l’incitent à jeter l’éponge gouvernementale pour ne pas avoir à faire les frais de l’inévitable bilan des responsables en poste jusqu’aux élections. Nicolas Sarkozy n’a pas semblé adopter cette stratégie. Il a affirmé haut et fort qu’il resterait ministre au moins jusqu’au début 2007. Depuis la rentrée, un modus vivendi a même été trouvé avec Dominique de Villepin. Les deux hommes affichent une bonne entente sensée montrer que la majorité veut l’union et que les ambitions personnelles ne pourront pas polluer la fin de mandat de Jacques Chirac.

Il n’empêche que tout en continuant à gérer les dossiers de son ministère, Nicolas Sarkozy en profite pour préparer sa candidature et promouvoir cette «rupture» qui représente l’épine dorsale de son programme. Sur les sans-papiers, par exemple. Il a pris le parti de dire stop à l’immigration clandestine en argumentant de l’incapacité de la France à absorber tous les immigrés qui souhaitent y venir et de la nécessité de faire respecter les règles «républicaines» par tous. Un discours pragmatique assorti de mesures concrètes (loi sur l’immigration choisie, expulsions des clandestins), destiné à faire comprendre aux Français que les temps ont changé. S’il est un domaine sur lequel Nicolas Sarkozy entend jouer la carte du bilan, c’est bien celui de l’immigration.

Bousculer la hiérarchie gouvernementale

En se rendant aux Etats-Unis et en y rencontrant George W. Bush, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité non plus à bousculer la hiérarchie gouvernementale. Ni à montrer son désir d’entretenir avec les Etats-Unis -un pays pour lequel il a manifesté son admiration- une relation très étroite. Sous-entendu, plus étroite que celle de ces dernières années avec Jacques Chirac. Il s’est même permis une mise en cause de la position adoptée par la France au moment de l’intervention militaire en Irak, un sujet de désaccord majeur entre les présidents français et américain. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette tournée américaine n’avait pas vraiment de rapport avec sa fonction ministérielle (il représentait tout de même la France aux cérémonies du 11-Septembre). Elle lui a surtout permis de faire valoir sa stature internationale et de montrer qu’il ne comptait pas se couler dans le moule de l’actuel hôte de l’Elysée.

Les critiques assénées aux juges de Seine-Saint-Denis qui, selon le ministre de l’Intérieur, hésitent trop à envoyer les délinquants, mineurs notamment, en prison, s’inscrivent certainement dans la même logique. Nicolas Sarkozy revendique de parler vrai même lorsque cela provoque une polémique bien dérangeante pour le gouvernement, qui essaie, depuis la rentrée, d’arrondir le plus d’angles possibles. La raison est simple : le ministre-candidat s’adresse aux Français. Il les prend même à témoin. Lorsqu’il a rendu visite à l’hôpital aux CRS agressés il y a deux jours dans une cité de banlieue au sud de Paris, il a estimé que sa mise en cause des décisions des juges était parfaitement justifiée, en déclarant : «Les Français savent que je dis la vérité».

Pour le moment, les Français l’approuvent

Il est vrai que, pour le moment, l’opinion semble adhérer aux déclarations de Nicolas Sarkozy. La preuve, il n’a fait l’objet d’aucun véritable rappel à l’ordre par Dominique de Villepin ou Jacques Chirac. Difficile, en effet, de le désapprouver ouvertement alors que les sondages indiquent qu’il est soutenu par les Français. Dans la dernière polémique en date, celle qui oppose le ministre de l’Intérieur aux magistrats, le Premier ministre et le président de la République sont restés très mesurés. Jacques Chirac a, par exemple, fait en sorte d’apaiser les juges sans critiquer ouvertement son ministre. Après une audience sollicitée par Guy Canivet, le premier président de la Cour de cassation, à laquelle il a répondu immédiatement, le chef de l’Etat a rappelé son «exigence quant au respect de l’indépendance des magistrats» et a demandé que «toutes les énergies» soient «mobilisées pour sanctionner les violences». Après quoi, il a simplement appelé chacun à prendre «sa part dans un esprit d’unité et de mobilisation nationale». De l’art de ménager la chèvre et le chou.

Si l’éventualité d’un départ prématuré de Nicolas Sarkozy du gouvernement a resurgi ces jours derniers, il ne semble donc pas d’actualité qu’on le pousse dehors. Le ministre de l’Intérieur garde, pour le moment et malgré la virulence des critiques dont il est l’objet de la part de ses adversaires politiques, la capacité de gérer son calendrier de campagne. Reste qu’à pousser toujours plus loin un argumentaire souvent politiquement incorrect, que d’aucuns qualifient parfois de «populiste», il court peut-être le risque d’apparaître, un jour ou l’autre, trop radical pour être président.



par Valérie  Gas

Article publié le 22/09/2006 Dernière mise à jour le 22/09/2006 à 16:14 TU

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Sophie Backer

Journaliste à RFI

«Le président Jacques Chirac demande au ministre de la Justice Pascal clément, de réunir les acteurs concernés par le dossier pour prendre des mesures et renforcer l'efficacité de l'action publique et judiciaire face aux actes de violences»

[22/09/2006]

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