France
Sarkozy relance le débat sur la sécurité
(Photo : AFP)
Ne pas perdre l’initiative : c’est certainement la principale ambition de Nicolas Sarkozy dans le dossier de la sécurité. Après les agressions de membres des forces de l’ordre qui ont eu lieu ces dernières semaines, il a donc décidé de frapper un grand coup en proposant de rendre les responsables de violences à l’égard des policiers, gendarmes ou pompiers passibles des assises. L’objectif : qu’ils soient, d’une part, jugés par un jury populaire et, d’autre part, soumis à des peines plus lourdes.
Cette annonce répond aux attentes des syndicats de policiers qu’il avait reçus le 17 octobre dernier et qui demandaient des mesures pour les protéger. Mais elle provoque, en revanche, des protestations du côté de la justice. Le président de l’Union syndicale de la magistrature, Dominique Barella, est monté au créneau pour dénoncer la proposition du ministre de l’Intérieur. Il a déclaré : «ça n’a aucun sens. Le ministre de l’Intérieur ne connaît pas le dossier, il fait ces propositions pour qu’on parle de lui. Ce n’est pas digne d’un responsable de haut niveau».
Evaluer la gravité des actes
Renvoyer systématiquement devant les assises les auteurs de violences envers les policiers pose, selon les magistrats, le problème de l’évaluation de la gravité de l’acte commis. Le fait de s’en prendre à un représentant de l’ordre ne peut pas, selon eux, être considéré comme le seul critère pour établir qu’il s’agit d’un acte nécessitant d’être jugé aux assises. Une telle mesure aboutirait, par ailleurs, à provoquer un afflux de dossiers devant les tribunaux concernés et à embouteiller un peu plus des cours qui ont déjà du mal à fonctionner. Les juges mettent aussi en avant que cette mesure n’est pas vraiment justifiée car les circonstances aggravantes pour les violences contre les policiers sont déjà prévues dans le code pénal.
Mais surtout, en insistant sur le fait qu’aux assises les délinquants seraient jugés par un jury populaire, Nicolas Sarkozy envoie encore une fois un message de défiance aux juges. Et il n’en est pas à son coup d’essai. Récemment encore, le ministre de l’Intérieur a accusé les magistrats du tribunal de Bobigny de ne pas être suffisamment sévères et de ne pas envoyer assez souvent les délinquants en prison. Ces propos tenus à la suite de l’agression de deux CRS dans la cité des Tarterêts à Corbeil-Essonnes, avaient déjà provoqué un tollé dans les rangs des magistrats, qui n’acceptent pas d’être rendus responsables de la situation sécuritaire dans les banlieues.
Dissensions au gouvernement
Une chose est sûre, une fois encore les propositions de Nicolas Sarkozy relancent le débat sur les moyens de la lutte contre la délinquance. Et une fois encore, elles font apparaître les dissensions qui existent au sein du gouvernement. Les mesures évoquées par le ministre de l’Intérieur vont, en effet, plus loin que celles envisagées par son homologue de la justice. Pascal Clément a, lui aussi, annoncé son intention de proposer un amendement au projet de loi sur la délinquance qui prévoit de créer une infraction spécifique pour les «violences volontaires sur agent de la force publique commises avec arme et bande organisée», c’est-à-dire les guet-apens. Il s’agit pour le Garde des Sceaux, comme pour le ministre de l’Intérieur, de prévoir des peines plus lourdes qu’actuellement (15 ans au lieu de 10). Mais contrairement à ce que désire Nicolas Sarkozy, Pascal Clément préconise de laisser les magistrats décider si les actes en question sont suffisamment graves pour être jugés aux assises.par Valérie Gas
Article publié le 20/10/2006 Dernière mise à jour le 20/10/2006 à 16:38 TU