Politique française
Haro sur Sarko
(Photo : AFP)
Si Nicolas Sarkozy pensait être candidat dans un fauteuil, c’est raté. Les chiraquiens n’ont pas l’intention de lui laisser le champ libre sans résister. Ils s’y sont mis à plusieurs pour faire comprendre au ministre de l’Intérieur qu’il ne devait pas considérer comme acquis d’être le seul candidat de l’UMP à l’élection présidentielle de 2007. A commencer par le Premier ministre. Dominique de Villepin prend un malin plaisir à entretenir le mystère sur ses intentions personnelles. Il n’hésite plus, en revanche, à déclarer qu’il n’y a pas d’exclusivité sarkozienne en matière de candidature. Il a ainsi affirmé : «Si d’autres avaient le sentiment de pouvoir jouer un rôle, de pouvoir s’engager, eh bien ce choix pourrait être le leur». Et d’ajouter qu’à l’UMP, il n’est pas question «d’investiture» mais simplement de «soutien financier». Le Premier ministre aime à rappeler l’axiome gaullien en vertu duquel une élection présidentielle c’est la rencontre d’un homme, ou d’une femme, avec le peuple français. Autrement dit, dans son esprit, une élection a ses raisons qui peuvent ignorer celles du parti.
Et comme si cela ne suffisait pas, Michèle Alliot-Marie a aussi réaffirmé qu’elle n’avait renoncé à rien et qu’elle déciderait à son heure de se présenter ou pas, quel que soit le calendrier de l’UMP. Un peu comme Jacques Chirac, qui n’a rien dévoilé de ses intentions, et a simplement annoncé qu’il ferait part de sa décision concernant une éventuelle candidature à sa propre succession dans le courant du premier trimestre 2007. Rien ne dit donc que les jeux seront faits lorsque la désignation du candidat du parti majoritaire aura lieu, à savoir le 14 janvier prochain.
Une migraine de circonstance ?
Décidément Nicolas Sarkozy avait de quoi avoir mal à la tête à force d’entendre sa candidature, préparée de si longue date, être mise en cause sans ménagement par ses concurrents. Du coup, une migraine l'a obligé à annuler ses engagements le 10 octobre. Cela n’a pas duré et le président de l’UMP est réapparu très offensif lors du discours qu’il a prononcé à Périgueux, deux jours plus tard, devant les militants. Il s’est présenté comme le chantre de «l’unité de la famille» et a affirmé aux membres de l’UMP qu’il ne laisserait personne leur voler une victoire qu’ils méritent, à cause des «divisions». Adepte du franc-parler, Nicolas Sarkozy a aussi dénoncé les «non-dits» et les «petites phrases» qui ne font pas avancer le «projet». Quelques jours auparavant, il avait critiqué le jeu du «j’y vais, j’y vais pas», auquel ses adversaires se livrent avec délectation, en déclarant à propos de Dominique de Villepin : «S’il veut être candidat à la candidature en vue de 2007, qu’il le dise !»
Les déclarations de Jean-Louis Debré, très directes et très critiques vis-à-vis de Nicolas Sarkozy, sont arrivées à point nommé, après une semaine d’échanges assez vifs, pour remettre de l’huile sur le feu. Elles montrent que, dans l’entourage du président de la République, on est bel et bien décidé à savonner la planche du ministre de l’Intérieur en pointant la contradiction dans laquelle il évolue : «Dénigrer, critiquer, contester la politique du gouvernement dont on est membre est non seulement une erreur, mais une faute politique».
Faire perdre Sarkozy
Les sarkozystes ne se sont pas trompés sur l’objectif de cette nouvelle attaque et ont senti la nécessité de répliquer immédiatement. Brice Hortefeux, le ministre délégué aux Collectivités locales, a estimé qu’il y avait «une sorte d’acharnement» contre le ministre de l’Intérieur. Nadine Morano a dénoncé l’offensive de Jean-Louis Debré qui, en tant que président de l’Assemblée nationale, devrait «tenir son rang et sa position», c’est-à-dire «être au-dessus des débats et des mêlées». Christian Estrosi a insisté sur le caractère destructeur des propos de Jean-Louis Debré qu’il décrit comme «le mécanicien en chef de la machine à perdre». Eric Woerth a renchéri sur le thème des attaques contre-productives, en déclarant : «C’est une drôle d’idée que de chercher à affaiblir le seul candidat que nous ayons qui puisse aujourd’hui remporter cette élection». Même l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, sans afficher ouvertement un soutien à Nicolas Sarkozy, a mis en garde contre les dangers des conflits au sein de l’UMP : «Pour l’élection présidentielle, ce serait avoir une attitude de division que d’envisager des candidatures qui passeraient en dehors du parti».
Les sondages indiquent, en effet, que pour le moment Nicolas Sarkozy est le seul candidat de droite susceptible de rivaliser avec Ségolène Royal, en lice pour l’investiture socialiste et dont la popularité ne se dément pas. Les partisans du ministre de l’Intérieur estiment donc que le mettre en position difficile revient à prendre le risque de perdre la présidentielle. De là à sous-entendre que l’objectif des chiraquiens n’est pas de gagner l’élection mais de faire perdre le président de l’UMP, il n’y a qu’un pas.
par Valérie Gas
Article publié le 16/10/2006 Dernière mise à jour le 16/10/2006 à 16:08 TU