Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Politique française

Chacun son monde

De gauche à droite, Laurent Fabius, Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn, les candidats à la candidature du PS lors du dernier débat télévisé. 

		(Photo : AFP)
De gauche à droite, Laurent Fabius, Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn, les candidats à la candidature du PS lors du dernier débat télévisé.
(Photo : AFP)
Le troisième débat télévisé entre les candidats à l’investiture socialiste leur a donné l’occasion de présenter leur vision du monde. Laurent Fabius, Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn ont précisé les orientations de la politique étrangère qu’ils mèneraient à l’Elysée. Une occasion pour chacun des concurrents de tenter de montrer qu’il a la carrure pour endosser le costume du chef d’Etat auquel il revient de mener la barque de la France dans le monde. Une occasion aussi de faire valoir sa différence. Et sur ce point, pas de surprise : Laurent Fabius entend décliner sa spécificité «socialiste», dans le domaine de la politique étrangère comme dans les autres, Ségolène Royal veut un «ordre international juste» et Dominique Strauss-Kahn met en avant les convictions et la compétence. Un projet pour tous, la vision de chacun.

Europe

Ce thème représente bien évidemment la plus grosse épine dans le pied des socialistes depuis le rejet de la Constitution européenne lors du référendum du 29 mai 2005. Les candidats qui avaient défendu le «oui», Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn, doivent réussir à rassurer les socialistes qui ont voté contre le Traité européen. Celui qui avait choisi de défendre le «non», Laurent Fabius, doit montrer aux militants, majoritairement favorables à la Constitution européenne, qu’il peut dépasser la posture du refus. L’enjeu étant pour chacun d’entre eux de négocier avec les partenaires européens pour sortir de l’impasse actuelle et doter l’Union de nouvelles règles de fonctionnement à 25, et bientôt à 27.

Ségolène Royal a donc choisi d’aller sur le terrain qu’elle préfère : le quotidien. Elle a pris acte des craintes des Français pour lesquels l’Europe n’a fait qu’aggraver les conditions de vie (chômage, délocalisation, hausse des prix…). Mais elle a aussi affirmé sa volonté de «remettre l’Europe en mouvement». Elle a donc estimé qu’il fallait maintenant construire l’Europe «par la preuve». Une formule que Laurent Fabius a saisi au vol en lui en opposant une autre : «L’Europe par la gauche». Il a ainsi affiché sa spécificité, tout en réaffirmant ses convictions en faveur de la construction européenne. Car même s’il a prôné le «non» au Traité, ce qui lui permet de se présenter comme le plus «crédible» pour «respecter le vote des Français», il sait qu’un candidat à la présidentielle est obligé de proposer des solutions pour sortir du blocage institutionnel. La sienne est, a-t-il précisé, contenue dans le projet socialiste entre les pages 86 et 89 ! Et de citer la révision des statuts de la Banque centrale européenne ou l’élaboration d’un traité strictement institutionnel.

Le troisième postulant à l’investiture insiste lui sur une relance de l’Europe grâce au couple franco-allemand. Dominique Strauss-Kahn a estimé qu’il s’agissait d’une condition indispensable pour surmonter l’échec de la Constitution et trouver les bases d’un nouvel accord institutionnel.

Turquie

Parler de l’Europe, c’est aussi envisager la problématique de l’élargissement et surtout l’entrée de la Turquie. Dominique Strauss-Kahn y est favorable. Il a expliqué sa vision géopolitique : si la Turquie n’est pas dans l’Europe, elle «basculera» du côté de l’Iran, de l’Irak. Laurent Fabius est contre. Il propose un partenariat privilégié, rien de plus. Car, selon lui, à trop élargir l’Europe, on l’empêchera de fonctionner. Ségolène Royal attend de voir. Si la Turquie réussit un jour à remplir les critères (droits de l’homme, reconnaissance du génocide arménien, baisse de la corruption…), la députée des Deux-Sèvres peut envisager qu’Ankara entre dans l’Europe.

En abordant cette question, Ségolène Royal a réussi à répondre «aux quolibets» dont elle avait fait l’objet lorsqu’elle avait déclaré que son opinion sur l’entrée de la Turquie était la même que celle des Français. Cela ne signifiait pas, comme certains l’ont dit, qu’elle n’avait aucun avis, mais que cette question ne pouvant être réglée, en France, que par référendum, le chef de l’Etat serait bien obligé au final d’avoir le même avis que ses concitoyens. Explication alambiquée mais explication tout de même.

Conflit israélo-palestinien, Iran, Irak

Les trois socialistes sont d’accord sur l’enjeu que représente la résolution  du conflit entre Israéliens et Palestiniens. Au-delà de ce discours de principe, la question était de savoir comment ils essaieraient les uns et les autres de relancer la négociation entre les deux parties et quelle position ils adopteraient face au Hamas, le parti islamiste arrivé au pouvoir lors les dernières élections législatives palestiniennes. Ségolène Royal a estimé qu’il fallait négocier avec tout le monde. Laurent Fabius, en revanche, a affirmé qu’il ne recevrait jamais un représentant de ce parti, tant qu’il ne reconnaîtrait pas l’existence de l’Etat d’Israël.

De la même manière, Laurent Fabius a refusé la perspective d’une rencontre avec le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, car celui-ci prône la destruction d’Israël. Une position sur laquelle Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal ne le suivent pas. Sur le fond du dossier du nucléaire iranien, une ligne de fracture s’est installée entre d’un côté Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, de l’autre Ségolène Royal. Pour les premiers, l’Iran, signataire du Traité de non prolifération nucléaire (TNP), a le droit d’accéder au nucléaire civil. L’enjeu est donc simplement de maîtriser le processus pour éviter que ce pays ne se dote de l’arme atomique.

Fabius propose si nécessaire de «taper au portefeuille» des dirigeants du régime iranien pour les contraindre à stopper les programmes d’enrichissement de l’uranium. Pour Royal, il faut «empêcher le processus pour que l’Iran n’accède pas au nucléaire» du tout. Cette remise en cause du droit de l’Iran à bénéficier du nucléaire civil lui a valu un petit sarcasme de la part de ses adversaires qui se sont étonnés de voir Ségolène Royal demander que l’on n’applique pas les mêmes règles à tous les pays qui ont signé le TNP.

En ce qui concerne la situation en Irak, les trois candidats se placent dans la perspective d’un nécessaire retrait des troupes américaines du pays. Fabius et Strauss-Kahn mettant en garde contre un affaiblissement de l’Irak sur le plan régional et notamment face au grand voisin iranien. Ségolène Royal insistant sur la nécessité de laisser le gouvernement irakien décider des modalités et du calendrier.

Etats-Unis

Sur le thème des relations avec les Etats-Unis, c’est Laurent Fabius qui a, une fois de plus, employé les formules les plus percutantes. Il s’est encore moqué de Nicolas Sarkozy qui a «baisé la babouche» du président Bush et a affirmé qu’il préférait «être l’ami du peuple américain plutôt que le caniche» du président des Etats-Unis. Il a revendiqué la position «d’allié» des Etats-Unis en refusant l’obligation d’être «aligné» sur eux. Ségolène Royal a aussi fait la différence entre les Américains et leurs dirigeants. Et Dominique Strauss-Kahn a plaidé pour l’équilibre : «ni soumission, ni opposition systématique».

Défense

Il y a des domaines dans lesquels il ne faut pas remettre en cause la prééminence nationale. Il n’est donc question pour personne de partager le «bouton nucléaire». Il revient au président de la République de décider de l’utilisation de cette arme, un point c’est tout. Il en va de la  «crédibilité» de la France en matière de dissuasion. La coopération européenne a donc des limites. Ce qui n’empêche pas, malgré tout, de mettre en œuvre des collaborations dans certains domaines, notamment pour faire des économies.

Ségolène Royal estime que plutôt que de construire un nouveau porte-avion, mieux vaudrait peut-être s’arranger avec les Britanniques pour faire des patrouilles communes lorsque le bâtiment français part à la révision. Dominique Strauss-Kahn estime lui aussi qu’en matière d’armement il y a des synergies européennes à développer. Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn ont, par ailleurs, prôné une réévaluation des dépenses en fonction des nouvelles priorités : moins de chars et de rafales pour Fabius, plus de renseignement et de défense civile pour Strauss-Kahn.

Environnement

«Le XXIe siècle sera écologique ou ne sera pas». Pour Laurent Fabius, l’environnement n’est plus une option, c’est une obligation. Sur ce thème, comme sur les autres, il a assuré que la principale garantie qu’il tienne ses engagements vient du fait qu’il est «socialiste». Pas question donc pour lui d’agir comme Jacques Chirac et de faire, dit-il, des promesses dans les assemblées internationales pour ne pas les tenir ensuite. Il fait d’ailleurs une proposition : donner la gestion du dossier de l’environnement au numéro 2 du gouvernement. Il entend aussi faire passer une loi programme s’il est élu président.

Dominique Strauss-Kahn estime que «l’ensemble de l’économie doit être modelé en fonction des questions environnementales». Il présente d’ailleurs cette perspective comme une opportunité et non comme une contrainte. Dominique Strauss-Kahn préconise l’organisation d’une conférence internationale en 2009 et se dit favorable à un «réaménagement de la politique fiscale». Tout comme Ségolène Royal qui veut mettre en place «une fiscalité écologique» et favoriser les énergies renouvelables. La députée de Deux-Sèvres a insisté sur son investissement en tant que présidente de région dans le domaine de l’environnement et s’est engagée, si elle est élue, à profiter de cette expérience pour faire de la France «le pays de l’excellence environnementale».



par Valérie  Gas

Article publié le 08/11/2006 Dernière mise à jour le 08/11/2006 à 15:00 TU