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Elections américaines

Après la «raclée», la main tendue de Bush

La victoire des démocrates aux élections de mi-mandat est désormais sans appel. Ils contrôlent la majorité au Sénat, à la Chambre des représentants et la majorité des gouverneurs porte leurs couleurs. George Bush a reconnu hier sa défaite, qu’il qualifie même de «raclée». Le président tend désormais la main à la nouvelle majorité, parlant d'une «nouvelle ère de coopération».

De notre correspondante aux Etats-Unis

Conférence de presse du président George Bush, à la Maison Blanche, le 8 novembre 2006. 

		(Photo: AFP)
Conférence de presse du président George Bush, à la Maison Blanche, le 8 novembre 2006.
(Photo: AFP)

La journée de mercredi a commencé tôt pour Nancy Pelosi. La probable prochaine présidente de la Chambre des représentants a été appelée à l’aube par George Bush qui lui proposait un déjeuner. Dans la foulée, le président a aussi proposé aux sénateurs démocrates Harry Reid et Dick Durbin de venir prendre le café avec lui.

Le président a voulu au plus vite montrer qu’il était capable de travailler dans un esprit bipartisan avec une opposition qu’il avait tout fait pour marginaliser jusque là. Il n’y avait pas été préparé depuis son arrivée à la Maison Blanche: le parti républicain contrôlait la Chambre, le Sénat et deux juges conservateurs étaient, depuis l’arrivée de Bush au pouvoir, venus faire pencher la Cour suprême vers la droite. Mais à ceux qui douteraient de ses capacités, les conseillers de Bush rappellent ses années de gouverneur du Texas: il s’était alors fait une réputation de républicain capable de travailler avec les démocrates du Congrès texan. Paradoxalement pour un homme accusé d’inflexibilité par l’opposition, cette capacité au Texas à entretenir de bonnes relations avec le camp d’en face avait été l’un de ses arguments de campagne en 2000.

Bonne volonté

En référence à Nancy Pelosi, une journaliste a demandé à George Bush si cela ne lui poserait pas de problèmes d’entretenir des relations de travail avec quelqu’un qui l’avait traité de menteur. Il lui a dit savoir distinguer le fonctionnement d’une campagne électorale du reste de la vie politique. Elle semble déjà  loin l’époque, il y a encore quelques jours, où George Bush dépeignait les démocrates comme des couards défaitistes qui seraient incapables d’assurer la sécurité nationale des Etats-Unis et augmenteraient scandaleusement les impôts des américains. Nancy Pelosi, faisant elle aussi montre de bonne volonté, a ensuite nié avoir jamais qualifié le président de menteur.

Dans sa première conférence de presse après le basculement de la Chambre, George Bush a arrondi ses angles. Celui qui n’avait rien trouvé à répondre lorsqu’on lui avait demandé en campagne en 2004  quelles erreurs il avait commises, s’est mercredi reconnu une «large part de responsabilité» dans la déroute républicaine. Il a dit chercher un «terrain commun» avec les démocrates.

Sérieuses ou non, ces premières mains tendues sont déjà en rupture avec le discours que tenait l’administration Bush avant les élections, assurant que quels que soient les résultats, elle ne changerait pas de cap. A l’aube des élections présidentielles de 2008, le fiasco républicain du 7 novembre remet en cause la stratégie de son éminence grise Karl Rove qui consistait à concentrer ses efforts sur les plus conservateurs du parti.

La première concession marquante est venue dès hier: la démission du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld annoncée lors de la conférence de presse présidentielle. Nommé pour prendre sa suite: Robert Gates, un ancien directeur de la CIA, proche de Bush père, et connu pour son pragmatisme en matière de politique étrangère.

Tiraillements chez les démocrates

Le parti démocrate fait, lui aussi, face à des interrogations. L’aile gauche militante du parti réclame des représailles. Les leaders démocrates, ne souhaitent pas, eux, donner l’impression d’une chasse aux sorcières, satisfaits qu’ils sont des scores réalisés notamment grâce aux électeurs centristes qui ont rallié le parti. Dans les rangs démocrates aussi, on a rarement autant entendu le mot bipartisan. Même si certains comités de la Chambre, désormais présidés par des députés démocrates remontés, promettent d’ouvrir des enquêtes sur des sujets sur lesquels la majorité républicaine avait laissé carte blanche au gouvernement: en particulier la conduite de la guerre en Irak et la gestion de ses contrats.

Quant à la conduite de la guerre elle-même, si 56% des Américains disent souhaiter un retrait d’Irak, aucun député n’a pris hier le risque d’aborder le sujet. De son côté, le populaire sénateur d’Arizona, John McCain, s’est appliqué mercredi à démythifier le poids qu’avait joué cette guerre dans les dernières élections. Des 27 sièges que les républicains ont perdu à la Chambre des représentants, selon lui 19 l’ont été pour des affaires de corruption. Si l’Irak était le seul sujet de la campagne, a-t-il expliqué, le sénateur «Joe Lieberman qui soutenait la guerre n’aurait pas été réélu dans le Connecticut, un Etat très à gauche».

Un programme de politique intérieure dans l’impasse

En matière de politique intérieure, les analystes politiques s’attendent à ce que les démocrates s’opposent à l’extension du programme de baisses d’impôts du président Bush. Son programme de privatisation partielle des retraites n’a pas beaucoup plus de chances d’aboutir.  Seul sujet sur lequel George Bush devrait mieux coopérer avec une Chambre démocrate que républicaine: l’immigration. La Chambre républicaine avait imposé un camouflet au président en décembre dernier en adoptant un projet de loi de renforcement des frontières, quand lui cherchait à accorder des régularisations provisoires à certaines catégories de clandestins. Autre interrogation: les démocrates avaient promis qu’en cas de victoire, une de leurs premières mesures serait d’augmenter le salaire minimum. Le président s’y pliera t-il ou opposera t-il un veto?

Si George Bush accepte de faire des compromis, le parti républicain va devoir trouver des gestes symboliques pour galvaniser la base conservatrice du parti qui avait assuré sa réélection en 2004. Parmi les idées qui circulent déjà: accorder à leur héros Ronald Reagan sa photo sur un des billets de banque, de 50 ou 100 dollars.



par Guillemette  Faure

Article publié le 09/11/2006 Dernière mise à jour le 09/11/2006 à 08:20 TU