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France-Algérie

Sarkozy à Alger : préserver l’avenir

Le ministre français de l'Intérieur Nicolas Sarkozy (à g.) en compagnie du président algérien Abdelaziz Bouteflika, le 14 novembre à Alger. 

		(Photo: AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Nicolas Sarkozy (à g.) en compagnie du président algérien Abdelaziz Bouteflika, le 14 novembre à Alger.
(Photo: AFP)
Nicolas Sarkozy avait un programme chargé pour son déplacement en Algérie : visite du monument édifié en l’honneur des martyrs de la guerre d’indépendance, mais aussi du cimetière chrétien d’Alger et du monastère de Tibhérine pour rendre hommage aux sept moines trappistes français assassinés en 1996 par des islamistes, rencontre du Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem, et surtout du président Bouteflika. Le ministre de l’Intérieur continue, après les Etats-Unis ou le Sénégal, sa tournée des pays clefs pour la France. Dans un contexte de pré-campagne électorale, cette visite n’est pas anodine pour celui qui ambitionne de se présenter à la présidentielle.

Le Parti socialiste a mis Nicolas Sarkozy en garde. Il a annoncé qu’il serait «vigilant» sur tout usage abusif de la double, voire triple casquette, par le ministre de l’Intérieur. Pas question de laisser le ministre de l’Intérieur-président de l’UMP profiter de sa visite en Algérie pour peaufiner son image de candidat à la présidentielle à stature internationale. Comme il l’avait fait lorsqu’il s’était rendu aux Etats-Unis à l’occasion de la commémoration des attentats du 11 septembre et avait beaucoup médiatisé sa rencontre en aparté avec George W. Bush.

S’il n’est pas sûr que Nicolas Sarkozy ait tenu compte des critiques de la gauche, il semble néanmoins qu’il ait pris en considération le mécontentement provoqué, dans son propre camp, par son voyage outre-Atlantique, durant lequel il avait pris ses distances avec la politique du chef de l’Etat vis-à-vis des Etats-Unis. A peine arrivé sur le sol algérien, le ministre de l’Intérieur a donc insisté sur le fait que cette visite-là avait été décidée et organisée en bonne intelligence avec Jacques Chirac. «Je me suis entretenu juste avant de partir (pour Alger) avec le président de la République». A l’entendre, il n’est donc pas venu plaider sa cause électorale mais promouvoir l’amélioration des relations entre Paris et Alger. «Nous devons parler dans un climat de confiance et d’amitié».

Un Traité d’amitié aux oubliettes

Il est vrai que plusieurs points de friction existent entre les deux pays. Le plus important étant lié au passé colonial de la France en Algérie. Les deux capitales n’ont pas encore réussi à concilier leurs points de vue pour tourner la page. La situation s’est même dégradée, il y a quelques mois, à cause d’un article de la loi sur les Rapatriés qui faisait état des «aspects positifs de la colonisation française en Afrique du Nord». L’Algérie avait dénoncé le texte et, même si l’article incriminé a finalement été retiré de la loi, les relations franco-algériennes ont pâti de cet épisode. Le projet de Traité d’amitié entre les deux pays est tombé aux oubliettes.

Ce n’est pas avec le voyage de Nicolas Sarkozy qu’il en ressortira. Son homologue algérien, Yazid Zerhouni, a estimé que le moment n’était toujours pas «favorable» à la signature d’un texte de cette nature. Le ministre de l’Intérieur français a confirmé qu’il n’était pas venu à Alger pour mener à bien ce projet. Il avait même, avant de quitter la France, affirmé dans un entretien au magazine Jeune Afrique que, selon lui, «l’amitié n’a pas besoin d’être gravée dans le marbre». Chassé le naturel, il revient au galop. Même si Nicolas Sarkozy a tenu à montrer qu’il n’avait pas l’intention de jeter des pavés dans la mare de la politique algérienne de la France menée par Jacques Chirac, il n’a tout de même pas pu s’empêcher de donner son avis sur la question du Traité, et donc sur le type de relations que doivent entretenir les deux pays.

De ce point de vue, il est nécessaire pour Nicolas Sarkozy de poser les jalons d’une relation harmonieuse avec un pays auquel la France est historiquement lié, mais surtout d’où sont originaires un million d’électeurs susceptibles de voter en 2007. Il ne faut pas pour autant que ses prises de position le coupe d’une autre partie de l’électorat, les Rapatriés, sensible sur tout ce qui concerne les relations avec l’Algérie et la mémoire. Un exercice difficile pour le ministre de l’Intérieur mais nécessaire pour le futur candidat à la présidentielle : ménager la chèvre et le chou. C’est ce qu’il a essayé de faire en déclarant : «Il n’y a pas de la douleur que d’un seul côté. Il y a de la douleur des deux côtés, chacun d’entre nous devons cheminer des deux côtés de la Méditerranée vers l’apaisement et vers l’avenir commun. Il faut se garder des phrases et des initiatives qui blessent et essayer de se comprendre».

Accélérer la délivrance des visas

Nicolas Sarkozy est donc allé en Algérie «pour faire des gestes». C’est pour cela qu’il s’est rendu au monument du Chahid qui honore les martyrs de la guerre d’indépendance. C’est aussi pour cela qu’il a prononcé des mots comme «amitié», «apaisement». C’est pour cela encore qu’il a annoncé la suppression de la consultation préalable des partenaires européens avant la délivrance par la France de visas aux ressortissants algériens. Cette mesure qui ne concernait pas les Tunisiens ou les Marocains avait été mise en place pour éviter l’infiltration de terroristes algériens. Mais Alger la jugeait discriminatoire et demandait sa suppression. C’est aujourd’hui chose faite. La procédure de délivrance des visas sera raccourcie d’environ quinze jours. En échange, l’Algérie devrait mettre à la disposition de la France sa liste des personnes suspectes de terrorisme.

Et c’est bien là tout l’enjeu d’une visite comme celle-ci à un moment stratégique du calendrier électoral : donner et recevoir, mais sans faire de concessions inadmissibles pour l’opinion française. L’heure n’est, en effet, pas venue de répondre à la demande de l’Algérie concernant la reconnaissance des «crimes» commis par la France sous le régime colonial. En tout cas, ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui avancera sur ce terrain glissant. Même si c’est Abdelaziz Bouteflika, qui affirme l’avoir reçu en «ami», qui le lui demande.



par Valérie  Gas

Article publié le 14/11/2006 Dernière mise à jour le 14/11/2006 à 17:38 TU