Liban
Hassan Nasrallah durcit le ton
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
« Ni la faim, ni le froid, ni la pluie ne nous feront reculer. Ceux qui ont résisté pendant 33 jours aux missiles israéliens ne baisseront pas les bras dans cette épreuve ». Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a juré que l’opposition ne quitterait pas les places de Beyrouth, qu’elle occupe depuis le 1er décembre, avant la formation d’un cabinet d’union nationale. Si le gouvernement refuse de satisfaire cette requête, dans quelques temps, l’opposition n’acceptera plus que le Premier ministre soit issu des rangs de la coalition pro-occidentale du 14 mars, a-t-il prévenu lors d’un discours retransmis sur des écrans géants devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées dans le centre de Beyrouth. «Nous exigerons la formation d'un gouvernement de transition chargé d'organiser des élections anticipées. Le temps ne joue pas en votre faveur», a-t-il prévenu. Selon Hassan Nasrallah, ceux qui misent sur la « reddition » de l’opposition se font des illusions. Le chef du Hezbollah a cependant laissé la porte des négociations ouverte, invitant les pays arabes à ne pas se mêler des affaires du Liban s’il s’agit de soutenir une des parties du conflit au détriment de l’autre.
Accusant les partisans du gouvernement d’avoir exacerbé les tensions sectaires entre sunnites et chiites, Hassan Nasrallah a exclu l’éclatement d’une guerre civile. « Nous ne nous laisserons entraîner dans aucun affrontement, même si on tue un millier d'entre nous. Nous ne brandirons les armes face à personne. Nos armes ne sont destinées qu'à notre ennemi israélien et notre mouvement restera pacifique et civilisé », a-t-il martelé. La foule, massée à une centaine de mètres du palais gouvernemental, où sont retranchés Fouad Siniora et une partie de ses ministres, scandait des slogans appelant à la démission du gouvernement.
Graves accusations
Dans son discours d’une heure et demie prononcé à partir d’un endroit secret et retransmis à la foule, Hassan Nasrallah a lancé de graves accusations contre ses ennemis politiques. Il a assuré détenir des informations sur « l’implication de certaines figures du mouvement du 14 mars dans la guerre lancée par Israël » l’été dernier. Selon lui, des dirigeants libanais qu’il n’a pas cités sont intervenus auprès de l’administration américaine pour convaincre l’Etat hébreu d’attaquer le Hezbollah. « Ils ont essayé par tous les moyens de désarmer la Résistance mais ils ont échoué, a-t-il lancé. La dernière solution était de nous attaquer et d’essayer de nous détruire. Des personnalités libanaises dont je tairai les noms sont impliquées ».
Hassan Nasrallah a accusé en revanche nommément le Premier ministre d’avoir ordonné à l’armée libanaise de confisquer les armes et munitions acheminées aux combattants du Hezbollah pendant la guerre. « Les intermédiaires que j’ai envoyés au chef du gouvernement en pleine nuit pour le convaincre d’annuler cette décision sont encore vivants, ils pourront témoigner », a-t-il affirmé. Dans la nuit, le bureau de presse de Fouad Siniora a publié un communiqué niant toutes ces accusations.
Le chef du Hezbollah a par ailleurs accusé un service de sécurité officiel contrôlé par la coalition du 14 mars d’avoir essayé de localiser son abri pendant la guerre pour transmettre les informations à Israël. Hassan Nasrallah a proposé la création d’une commission d’investigation libanaise ou arabe pour vérifier toutes ces accusations et enquêter sur la guerre. Les combats avaient éclaté au lendemain de la capture par le Hezbollah de deux soldats israéliens, le 12 juillet dernier.
Hassan Nasrallah a appelé les partisans de l’opposition, regroupés autour du Hezbollah et du général chrétien Michel Aoun, à participer massivement à la grande manifestation « historique » de dimanche. A l’issue de ce rassemblement, l’opposition devrait annoncer la deuxième phase de son mouvement destiné à paralyser le pays à travers une grève ouverte et un appel à la désobéissance civile.
L'armée fait entendre sa voix
Cette escalade intervient alors que l’armée libanaise, dans une mesure inhabituelle, a demandé aux hommes politiques de « faire des concessions pour sauver la patrie ». Le commandant en chef de l'armée a ordonné à ses hommes de rester neutres face à la situation politique de plus en plus tendue. « Je vous demande d'éviter d'interagir avec les événements en cours et de rester à l'écart de la polarisation politique », a déclaré le général Michel Sleimane à ses troupes, dans une note rendue publique par l'armée. « En votre nom, je m'engage devant la nation entière à ce que l'armée reste digne de la confiance de la population, qu'elle soit forte et unie, préservant la sécurité et la stabilité ». S’adressant à la classe politique, le général Sleimane affirme: « Revenir sur une position personnelle ou rechercher une solution dans l'intérêt de la population est un sacrifice courageux, ce n'est jamais une défaite ».
Cet appel du général Sleimane intervient après la multiplication d’incidents à caractère sectaire dans plusieurs villes du pays, qui ont déjà fait un mort dans les rangs de l’opposition et une trentaine de blessés. L’armée, dont les effectifs s’élèvent à 45 000 hommes, déploie 20 000 soldats en permanence dans les quartiers chauds. 15 000 autres militaires se trouvent dans le sud du Liban. Selon des informations sûres, le général Sleimane a informé la classe politique que ses troupes, exténuées par ce long déploiement, ne pouvaient tenir plus de deux semaines encore. Passé ce délai, il sera contraint de renvoyer la plupart des contingents dans leurs casernes, et la situation, incontrôlable, risque alors de dégénérer.par Paul Khalifeh
Article publié le 08/12/2006 Dernière mise à jour le 08/12/2006 à 10:32 TU