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Onu-Liban

Un tribunal pour juger les assassins de Rafic Hariri

Rafic Hariri a été tué le 14 février 2005 dans un attentat. 

		(Photo : AFP)
Rafic Hariri a été tué le 14 février 2005 dans un attentat.
(Photo : AFP)
Les réserves russes et les réticences chinoises n’ont pas empêché les parrains du «tribunal Hariri», les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, de faire adopter par le Conseil de sécurité cette résolution renforcée qui ne fait pas davantage consensus au Liban qu’au plan international. Ils ont toutefois amendé le texte initial, notamment pour repousser son entrée en vigueur au 10 juin prochain, le temps pour les Libanais de s’entendre enfin sur une ratification des statuts du tribunal dans le cadre constitutionnel national. Cela paraît très improbable au regard des réticences de l’opposition pro-syrienne. Il s’agit en effet de juger les assassins de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, tombé avec 22 autres personnes dans un attentat à la camionnette piégée, le 14 février 2005, à Beyrouth, alors sous contrôle syrien. Les assassinats politiques commis depuis lors seraient également de la compétence du tribunal «à caractère international» placé sous le chapitre VII de la Charte de l’Onu, qui autorise des sanctions économiques, voire le recours à la force.

Le 7 avril 2005, par la résolution 1595, le Conseil de sécurité avait créé une «commission d’enquête internationale indépendante» en «notant» de «graves insuffisances» dans l’enquête menée par les autorités libanaises et en dénonçant leur manque de «moyens et de volonté d’aboutir». En décembre suivant, le gouvernement libanais de Fouad Sinioria, qui accuse la Syrie d’avoir commandité l’assassinat de Rafic Hariri, avait réclamé un tribunal international et demandé que la commission d’enquête ait également compétence sur les attentats politiques commis depuis octobre 2004. Il avait alors signé avec l’Onu une convention sur les statuts d’un «tribunal Hariri» qui n’a pas pu voir le jour faute de recueillir la ratification du Parlement libanais, son président issu de l’opposition, Nabih Berri, refusant de réunir les députés pour en débattre. Depuis lors Beyrouth reste déchirée par la crise politique entre la majorité parlementaire anti-syrienne et l’opposition rangée derrière le Hezbollah chiite.

La question du tribunal international qui menace de mettre Damas en cause avait d’ailleurs mis le feu à la poudrière politique et vu en novembre dernier la démission des ministres de l’opposition parmi lesquels cinq représentants de la communauté chiite. Nabih Berri en tire argument pour dénier toute légitimité au Premier ministre, Fouad Sinioria. Pour autant, avant même l’adoption de la résolution du 30 mai, la majorité parlementaire antisyrienne saluait ces derniers jours un vote «historique» du Conseil de sécurité, son chef, Saad Hariri, le fils du défunt Premier ministre, assurant que la mission du tribunal n’est pas «de venger une personne, mais de protéger le Liban de la campagne terroriste qui le frappe depuis trois décennies». Mais dans le camp adverse, l'opposition jure au contraire qu'elle ne «reconnaîtra jamais le tribunal international». Dans ces conditions, le bras de fer inter-libanais risque de se poursuivre.

Une décision ayant «force obligatoire»

Pour emporter l’adhésion du Conseil de sécurité, les promoteurs de la résolution (Etats-Unis, France et Grande-Bretagne) rejoints par la Belgique, l’Italie et la Slovaquie, devaient recueillir au moins neuf voix sur quinze et éviter un veto des deux autres membres permanents (Chine et Russie). L’une des principales pommes de discorde tenait à l’inscription de la résolution sous le chapitre VII du Conseil de sécurité qui brandit la menace de mesures allant de sanctions économiques au recours à la force. La semaine dernière, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon avait indiqué que ce choix répondait aux vœux du Premier ministre libanais qui demandait «que le Conseil de sécurité prenne une décision ayant force obligatoire». Même argument du côté de Washington, Paris estimant de son côté que le Conseil «ne devait pas se laisser intimider» par les récentes violences inter-libanaises et les risques de déstabilisation invoqués en permanence par le président libanais Emile Lahoud, proche, lui, de Damas.

Bien évidemment, la Syrie nie toute implication dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre. Pour sa part, la Russie a plaidé l’abus d’autorité à l’égard du Parlement libanais dans la mention du chapitre VII. L'Afrique du Sud, qui siège actuellement au Conseil, partage ce point de vue. Le Qatar aussi. L’Indonésie, elle, souhaitait accorder aux Libanais un «délai de grâce» pour qu’ils trouvent un arrangement politique sur la question des statuts du tribunal. Finalement, les Libanais disposent donc d’une dizaine de jours pour notifier à l’Onu qu’ils se sont entendus dans le cadre constitutionnel national. Ils n’en prennent pas vraiment le chemin avec les attentats à la bombe qui ont secoué Beyrouth ces dix derniers jours et avec la poursuite des violents accrochages entre armée et islamistes au nord du pays.

Mais à défaut d’une finalisation du processus de ratification de la convention Onu-Liban, le «tribunal à caractère international» verra le jour le 10 juin. Restera toutefois à en nommer les juges, à lui trouver un siège hors du Liban et à réunir les fonds nécessaires à son fonctionnement. Cela prendra sans doute des mois, le temps peut-être pour la commission d’enquête internationale de terminer ses investigations sur les attentats de 2005 dans lesquels, dès octobre 2005, elle avait vu des implications libanaises et syriennes, sur la foi de «preuves convergentes».



par Monique  Mas

Article publié le 30/05/2007 Dernière mise à jour le 30/05/2007 à 15:53 TU

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Béatrice Patrie

Députée européenne et présidente de la délégation interparlementaire pour les pays du Mashrek

«Je crois qu'il est mieux que ce tribunal se mette en place sous chapitre 7 de la Charte des Nations unies, plutôt qu'il ne se mette pas du tout en place.»

[30/05/2007]

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