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Chine

Les intérêts français menacés de boycott

par Myriam Berber

Article publié le 16/04/2008 Dernière mise à jour le 17/04/2008 à 02:15 TU

Le distributeur français Carrefour, très présent en Chine, est directement visé par les appels au boycott.(Photo : Reuters)

Le distributeur français Carrefour, très présent en Chine, est directement visé par les appels au boycott.
(Photo : Reuters)

En réponse aux manifestations lors du passage de la flamme olympique à Paris, les internautes chinois appellent à boycotter les grandes marques françaises. Le distributeur Carrefour, mais également le groupe de luxe LVMH, sont actuellement la cible d’une campagne sur la toile chinoise. Les deux groupes sont accusés de soutenir le Tibet financièrement. Pour l’heure, le gouvernement chinois s’est abstenu de toute condamnation.

Fiasco du parcours de la flamme à Paris, éventuelle absence de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d’ouverture des JO, mobilisation des athlètes français en faveur du Tibet… toutes ces actions pourraient jouer en défaveur des intérêts français en Chine. Première entreprise visée : le géant de la distribution Carrefour, présent en Chine depuis plus de 10 ans, avec 122 hypermarchés et 280 magasins de hard-discount. Depuis deux semaines, des militants anonymes appellent au boycott de la chaîne de supermarchés, qu’ils accusent de soutenir les milieux favorables à l’indépendance du Tibet.

Forums de discussions, chats en direct, sites internet, blogs, boîtes mail ou bien encore SMS… tous les moyens sont bons pour appeler les Chinois à ne plus faire leurs courses dans les enseignes Carrefour, à partir du 1er mai. Un autre boycott est proposé à partir du 8 mai, soit trois mois avant l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin le 8 août prochain. « Le peuple français et le gouvernement français ont méprisé le sérieux de la flamme olympique et les sentiments du peuple chinois, la Chine ne peut pas être insultée », peut-on lire sur plusieurs sites web.

Le boycott de la France par les touristes chinois

Sur le site baptisé « anti-jialefu.cn », du nom de Carrefour en Chine, plusieurs messages accusent les principaux actionnaires du géant de la distribution « de soutenir financièrement le Dalaï Lama », le leader spirituel tibétain exilé en Inde. D’autres messages mettent en cause certaines marques faisant partie du groupe de luxe LVMH, dont le président Bernard Arnault est l’un des propriétaires de Carrefour, les accusant de «faire don de beaucoup d’argent au Dalaï-lama » et de  « soutenir les séparatistes tibétains». Sur d’autres forums, les internautes chinois vont encore plus loin. Ils appellent au boycott de la France par les touristes chinois ou bien encore à soutenir l’indépendance de la Corse pour répondre aux positions françaises sur le Tibet.

Carrefour qui revendique deux millions de clients par jour en Chine, a réfuté, mardi 15 avril 2008, ses informations circulant sur la toile qui « tendraient à faire jouer au groupe un quelconque rôle dans la politique chinoise intérieure ou les relations internationales ». Le distributeur s’inquiète aussi d’une possible implication de certains de ses concurrents dans cette campagne de dénigrement. Ces appels au boycott risquent surtout de sanctionner les 22 300 producteurs chinois qui fournissent 80% des produits vendus chez Carrefour et les 40 000 employés du groupe en Chine, qui sont 98% des Chinois. Lors de l’assemblée générale de Carrefour, mardi, José Luis Duran, président du directoire, a rappelé que « le groupe n’avait pas pour habitude de prendre de position sur des sujets politiques ».

« Des efforts des deux parties »

Même constat du côté du géant du luxe LVMH. « Le groupe ne s’immisce pas dans la politique intérieure chinoise. Ces appels n’ont donc absolument aucun fondement », a indiqué un porte-parole du groupe de Bernard Arnault, qui, via Blue Capital, est l’un des premiers actionnaires de Carrefour avec 10,7% du capital. Louis Vuitton et Givenchy, les marques du groupe LVMH, sont également dans le collimateur des internautes. Le groupe de cosmétique L’Oréal est, lui aussi, accusé d’avoir laissé Body Shop dont il est le propriétaire, participer à une tournée du Dalaï Lama, en Australie, en 2007.

Les tensions actuelles entre la France et la Chine en raison du Tibet et des JO commencent à inquiéter les entrepreneurs français à Pékin, même s’il est encore trop tôt pour connaître l’impact de ce mouvement de contestation. Certains attendent un geste des autorités chinoises. Pour l’heure, le gouvernement chinois s’est, pour sa part, abstenu de condamner ces appels au boycott. « Je crois que certains citoyens chinois ont exprimé récemment leurs opinions et leurs émotions personnelles. Nous espérons que la partie française est en mesure d'écouter les voix du peuple chinois en ce qui concerne les problèmes récents et d'adopter une position objective » a estimé, mardi, Jiang Yu, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Avant d’ajouter que « l’amitié franco-chinoise nécessitait des efforts des deux parties ».

A écouter

Pascale Andréani

Porte-parole du ministère français des Affaires étrangères

« Notre ambassade à Pékin est en relation étroite avec les entreprises, les missions économiques, et nous n'avons pas le sentiment que les menaces de boycott sont aujourd'hui traduites dans nos échanges. » 

16/04/2008 par Stéphane Lagarde