Revue de presse Afrique

Frédéric Couteau
(Photo RFI)

L’indignation est quasi-générale dans la presse algérienne. Indignation contre la dernière arme des terroristes : l’intox… « Les terroristes usent de l’intox pour semer la panique », s’exclame La Tribune. La Tribune qui explique que le double attentat de Beni Amrane dimanche soir a finalement fait deux morts, et non 12, comme annoncé par les agences de presse internationales. Le journal relève également que « d’autres fausses alertes ont été signalées dans plusieurs endroits de la capitale, notamment du côté est, ou devait se dérouler l’ouverture officielle de la Foire internationale d’Alger en présence du président de la République. » Et puis hier, s’indigne La Tribune, l’agence Reuters « annonce un autre attentat plus sanglant. L’Agence britannique parle d’une trentaine de morts à la gare routière de Bouira, se référant même à des « sources sécuritaires ». Une nouvelle panique s’empare des citoyens de la région. Il aura fallu que la radio nationale démente l’information pour que la tension descende », relève le journal, pour qui « il est clair que ces annonces effrénées répondent à une nouvelle stratégie des terroristes : (…) voyant leur terrain se rétrécir et leurs actions limitées, al-Qaida joue sur la manipulation médiatique pour faire peur. »

Guerre psychologique

Même analyse pour le quotidien Liberté qui explique que « le GSPC vient d’enclencher une guerre psychologique afin de cacher le profond désarroi dans lequel il est plongé avec la perte récente de plusieurs de ses lieutenants. (…) Cette offensive, poursuit le journal, a été accompagnée d’une campagne « médiatique » relayée par des réseaux de soutien non encore identifiés faisant état de rumeurs d’actes terroristes un peu partout dans le pays, visant à saper le moral des Algériens encore sous le choc des attentats kamikazes de 2007. »

De son côté, La Nouvelle République, autre quotidien algérien, s’en prend directement aux médias internationaux, qui répercuteraient donc cette campagne d’intoxication. « Les médias cafouillent », s’exclame le quotidien qui explique qu' « attirés par les scoops sanglants qui viendraient d’Algérie, maintenant que la guerre d’Irak ne fait plus recette, certains médias étrangers tentent d’emboiter le pas à la chaîne américano-qatari Al Jazeera, qui s’extasie devant la  mort d’Algériens. »

« Un terreau de choix pour al-Qaida »

Il n’en reste pas moins que, comme le souligne Le Matin, « en l’espace d’une dizaine de jours, l’Algérie est redevenue le théâtre de nouvelles violences particulièrement meurtrières. (…) A nouveau, constate le journal, l’activité terroriste a repris du poil de la bête, à moins de 10 mois de l’élection présidentielle. » Et Le Matin de s’en prendre aux autorités : « les décideurs ne veulent pas savoir, affirme-t-il, que la lutte contre le terrorisme passe autant par la démocratisation de la société et le développement économique et social qui dépendent des mécanismes politiques à l’intérieur du pays, que par la lutte armée tout court. »

De son côté, la presse française, à l’instar de Libération relève également que « la psychose et les manipulations commencent à gagner l’Algérie, qui a subi dimanche soir son cinquième attentat en 5 jours. » Libération évoque aussi l’attentat imaginaire de Bouira, ainsi que le bilan controversé de la double explosion de Beni Amrane. Il n’en reste pas moins pour le journal que le Maghreb est devenu un « terreau de choix pour al-Qaïda. (…) Affaiblie en Irak, explique Libération, l’organisation djihadiste profite des malaises sociaux de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie. »

Le contexte de la présidentielle

Le Figaro consacre également une pleine page à l’Algérie. Le Figaro qui constate que « l’offensive conduite par le GSPC est la plus importante menée depuis 6 mois sur le territoire algérien. » Le journal note aussi que cette « recrudescence des attentats survient dans un climat d’incertitude politique, sur fond de guerre de succession au sommet de l’Etat. » Et Le Figaro d’évoquer les grandes manœuvres qui se jouent à l’approche de la présidentielle : le président Bouteflika, affaibli depuis son cancer en 2005, qui pourrait « faire réviser la Constitution pour transformer le quinquennat en septennat, avec effet rétroactif, et nommer un vice-président chargé de le seconder, avant de lui succéder en 2011. » Ou encore les concessions faites par le pouvoir aux islamistes : débits de boisson fermés, chrétiens pourchassés, femmes seules interdites de restaurant... « Ces concessions, estime Le Figaro, ont dopé le moral des islamistes radicaux, déterminés à aller jusqu’au bout de leur aventure sanglante. »

par Frédéric  Couteau

[10/06/2008]