par Myriam Berber
Article publié le 24/06/2008 Dernière mise à jour le 24/06/2008 à 17:40 TU
Le ministre algérien de l’Energie, Chakib Khelil, également président en exercice de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, le 22 juin 2008.
(Photo : AFP)
Au lendemain de la réunion entre pays consommateurs et producteurs de pétrole à Jeddah, les cours restent toujours très élevés, autour de 136 dollars le baril. « L’Opep a déjà fait ce qu’elle peut et les prix ne vont pas baisser », a prévenu mardi le ministre algérien de l’Energie, Chakib Khelil, également président en exercice de l’Opep, avant d’entamer une réunion avec les responsables européens à Bruxelles. A Jeddah, la promesse de l’Arabie Saoudite d’augmenter sa production de 200 000 barils par jour à partir de juillet et de porter sa capacité de production à 15 millions de barils par jour - contre 11,3 millions actuellement - si la demande venait à le justifier, n’a pas été suivie par l’Opep. Pour son président Chakib Khelil, le marché pétrolier est suffisamment approvisionné. Pour autant, le commissaire européen à l'Energie Andris Piebalgs a indiqué qu'il allait réitérer sa demande d'un accroissement de la production pétrolière. « Il n'y a pas de raison de conserver des plafonds de production », a-t-il commenté, en jugeant que la spéculation sur les marchés ne jouait pas « un rôle majeur » dans la hausse des prix.
Premier fournisseur de pétrole de l’Union européenne, le cartel impute régulièrement cette hausse des prix à la spéculation, à la sous-évaluation du dollar et à l’instabilité géopolitique dans certaines régions. La situation des prix du pétrole est « globalement extrêmement préoccupante pour tout le monde », pour les producteurs comme pour les pays consommateurs, a indiqué mardi le ministre français du Développement durable et de l'Energie Jean-Louis Borloo, dont le pays prendra la présidence de l’Union européenne en juillet. Et de rappeler qu’une des clés de la crise pétrolière réside « dans les économies d’énergie ». Mais ces efforts ne paieront qu’à long terme. En attendant, les économies souffrent du doublement du prix du brut depuis un an.
139 $ pour le carburant sur un billet d’avion à 191 $
Aux Etats-Unis, le premier consommateur mondial de pétrole, les secteurs aérien et automobile sont les plus menacés. Les grandes compagnies aériennes, American Airlines (AMR), US Airways, United Airlines, Continental Airlines, Delta Airlines, Northwest Airlines ou encore Virgin America, ont multiplié les mesures pour limiter les dégâts : hausse des tarifs, facturation des services qui étaient jusqu’ici gratuits, restructurations, réduction des vols et de leurs flottes d’avions. Mais devant le maintien des cours du pétrole à des niveaux historiques, ces solutions pourraient être insuffisantes. L’ATA, l’association américaine qui représente le secteur aérien, évoque des risques réels de faillite et réclame l’intervention de Washington. « Si le Congrès n’agit pas rapidement, ce pays n’aura bientôt plus d’industrie du transport aérien viable », a averti le patron de l’ATA, James May. Et d’expliquer : « le carburant coûte en moyenne 139 dollars sur un billet facturé à 191 dollars, ce qui ne laisse que 52 dollars pour payer les coûts fixes, excluant de fait toute possibilité de bénéfices ».
L'ATA a averti que les compagnies américaines pourraient perdre cette année de 7 à 13 milliards de dollars. La menace de faillite est réelle. Huit petites compagnies aériennes ont déjà cessé leur activité depuis décembre. Et la liste pourrait s’allonger, si l’on en croit une étude publiée par la Business Travel Coalition (BTC), la fédération du voyage d’affaires. « La conséquence de cette tendance alarmante est que plusieurs compagnies aériennes, grosses et petites, vont finir par se placer sous la protection de la loi sur les faillites, et certaines pourraient même être acculées à la liquidation », avertit cette étude.
Chute des ventes des gros 4X4 et pick-ups
L’impact de la crise pétrolière pourrait se chiffrer également en matière d’emplois. Toujours selon la fédération BTC, si une seule de ces grandes compagnies américaines faisait faillite, cela représenterait une perte irrémédiable de 200 000 à 300 000 voyageurs par jour. Ce qui entraînerait le licenciement de 30 000 à 75 000 personnes. Le numéro deux américain United Airlines a d’ores et déjà annoncé la suppression de 950 postes de pilote, suite à la réduction de sa voilure. Le Canada est lui aussi concerné. Air Canada, le principal transporteur aérien du pays, vient d'annoncer qu'il allait retirer des avions de sa flotte et réduire le nombre de ses vols. Son but est de réduire ses capacités de 7% dans les prochains mois et de supprimer 2 000 postes. En Europe, Air Berlin, la deuxième compagnie aérienne allemande, a annoncé qu’elle allait fermer les services administratifs de sa filiale Dba à Munich entraînant 52 suppressions de postes, suite à la réduction de sa flotte.
Le marché automobile subit également les effets de la flambée des prix du carburant. L’industrie américaine traverse une mauvaise passe face à une chute de la demande des 4X4, des pick-ups et autres véhicules très gourmands en carburant. Les analystes sont pessimistes pour le marché automobile américain. La première banque américaine Citigroup s'attend à ce que les ventes automobiles au mois de juin tombent à moins de 13 millions d'unités en rythme annuel, contre 16,3 millions en juin 2007.