par Myriam Berber
Article publié le 26/06/2008 Dernière mise à jour le 26/06/2008 à 15:42 TU
Le groupe européen d’aéronautique et de défense EADS a présenté, jeudi 26 juin 2008 en Espagne, le premier exemplaire de l’A 400M, l’avion de transport militaire de sa filiale Airbus. Cette première sortie de l’A400M intervient alors que le groupe franco-allemand affronte une nouvelle difficulté: son énorme contrat avec l'armée américaine pour des avions ravitailleurs pourrait être annulé.
D’une longueur de 45 mètres et presque autant d’envergure, doté de quatre turbopropulseurs à hélices, le premier A 400M, l’avion de transport militaire d’Airbus, a fait, jeudi 26 juin 2008, sa sortie officielle de l’usine d’assemblage de Séville. Sa présentation au sol a réuni un millier de personnes en présence du roi d’Espagne Juan Carlos et de Louis Gallois, le PDG d’EADS, la maison mère d’Airbus. Un Louis Gallois plutôt satisfait, même si le programme de développement de l’A 400M accuse de six à douze mois de retard sur le calendrier initial.
La semaine dernière, le patron d’Airbus, Thomas Enders, a annoncé que le premier vol d’essai de l’A 400M aurait finalement lieu en septembre ou octobre, et non comme prévu cet été. Selon les dires de Tom Enders, « l’avion est compliqué, le moteur est compliqué et l’interface est également complexe ». Un des problèmes majeurs du programme reste le développement des moteurs à hélices. L’assemblage entre l’aile plate et le fuselage pose également des problèmes.
Première livraison de l’A 400M à l’armée française
Après le décollage du premier exemplaire, à l’automne prochain, doit débuter le programme d’essais en vol. Près de 3 500 heures de vol sont nécessaires pour la certification de l’appareil qui, d’ores et déjà, a été commandé à 192 exemplaires par neuf pays. La première livraison à l’armée française est prévue au premier semestre 2010. Les autres clients, Allemagne, Espagne, Royaume Uni, Turquie, Belgique, Luxembourg, Afrique du Sud, Malaisie seront ensuite livrés.
L’A 400M, qui peut servir de moyen de transport aérien et de plate-forme de ravitaillement en vol aussi bien pour des avions de chasse rapide que pour des hélicoptères, est destiné à remplacer les flottes vieillissantes de C-130 Hercule américains et de C-160 Transall franco-allemands.
Une plainte déposée par l’américain Boeing
La première sortie de l’A 400M intervient alors que le groupe franco-allemand affronte une nouvelle difficulté. En mars 2008, son rival américain, Boeing, a porté plainte devant la Cour des comptes des Etats-Unis, le GAO (Government Accountability Office) contre la décision du Pentagone d’octroyer au tandem EADS-Northrop Grumman un énorme contrat pour des avions ravitailleurs. Fournisseur habituel de l’US Air Force, Boeing estime en effet qu’il y a eu « de sérieux manquements dans le processus de décision » qui a attribué, le 29 février 2007, ce contrat de 35 milliards de dollars pour la livraison de 179 avions ravitailleurs. Boeing conteste notamment les critères de sélection de l’armée américaine qui a choisi l’Airbus 330 au détriment de son 757.
La Cour des comptes américaine donne raison à Boeing dans un rapport détaillé publié ce 25 juin. Selon elle, l’appel d’offres de l’US Air Force pour des ravitailleurs présentait de sérieux défauts et avait, de façon injuste, favorisé le tandem EADS-Northrop Grumman. Elle estime notamment que l’armée américaine a mené des discussions « non équilibrées » et de nature à « tromper » Boeing. L’US Air Force aurait ainsi dit à Boeing qu'il satisfaisait totalement une clause de maniabilité des appareils et des pistes d'envol et d'atterrissage, pour ensuite décider qu'il n'avait qu'en partie satisfait cette exigence, sans toutefois l'avertir de ce changement.
L’US Air Force aurait aussi commis des erreurs dans son estimation du coût des propositions des deux équipes, ce qui ferait apparaître l’offre de Boeing plus chère. La Cour des comptes recommande donc à l’aviation américaine de « rouvrir les discussions avec les deux candidats » et que «l ’appel d’offre soit repris à zéro ». L’US Air Force a 60 jours pour réfléchir mais est libre ou non ces recommandations. Le GAO n’a, en effet, pas de pouvoir d’injonction, mais ses avis sont généralement suivis. Par conséquent, la course d’obstacles continue pour EADS.
L' annulation de ce contrat serait préjudiciable pour le groupe européen qui affronte actuellement de nombreuses difficultés: le volet judiciaire de l’affaire des délits d’initiés présumés a connu un nouvel épisode cette semaine, avec la mise en examen de Jean-Paul Gut, ancien directeur général délégué. Après Noël Forgeard, c’est le deuxième ex-dirigeant du groupe poursuivi sur le plan pénal dans cette affaire. Accusé de délit d'initiés, de diffusion de fausses informations et de recel sur les titres de sa société, il est soupçonné d'avoir massivement vendu ses actions avant que les difficultés économiques du groupe aéronautique ne soient rendues publiques, tout en ayant connaissance de ces difficultés. Parmi les 17 autres personnes mises en cause dans cette affaire, plusieurs dirigent actuellement des branches importantes d’EADS.