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Entreprises

GDF-Suez : le nouveau géant énergétique européen

par Myriam Berber

Article publié le 15/07/2008 Dernière mise à jour le 16/07/2008 à 05:16 TU

Poignée de mains entre le président-directeur général de Gaz de France Jean-François Cirelli (d) et Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez. (Photo : Reuters)

Poignée de mains entre le président-directeur général de Gaz de France Jean-François Cirelli (d) et Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez.
(Photo : Reuters)

La fusion GDF-Suez est validée, mercredi 16 juillet 2008, par les assemblées générales d’actionnaires. Cette union donne naissance à l’un des leaders européens de l’énergie. La nouvelle structure gazière et électrique, qui pèse près de 75 milliards d’euros de chiffre d’affaires, se classe au quatrième rang mondial derrière l’Allemand E.O.N, le Russe Gazprom et le Français EDF.

Après deux ans et demi de rebondissements, le gazier public français Gaz de France et le groupe privé d’énergie, d’eau et de traitement de déchets franco-belge Suez célèbrent, le 16 juillet 2008, leur mariage. Le 17 juillet, va paraître l’arrêté de privatisation de GDF et le 22 juillet, le nouvel ensemble « GDF-Suez » sera mis en Bourse. Une fusion semée d’embûches depuis son lancement en février 2006. Tour à tour, les syndicats de GDF, l’opposition de gauche, la Commission européenne, les actionnaires de Suez, et enfin le Conseil constitutionnel ont critiqué et retardé l’opération. Le projet de fusion, qui a été approuvé début juin par les administrateurs de GDF et de Suez, prévoit un rapprochement en deux temps.

D’abord, Suez va introduire en Bourse 65% des sa branche environnement (eau et assainissement). Cette séparation d’avec la maison mère, fruit d’âpres négociations avec l’Elysée, règle la délicate question des parités. Suez affiche actuellement une valorisation boursière de 53 milliards d’euros contre 40 milliards pour GDF. Le nouvel ensemble GDF-Suez conserve toutefois 35% de cette branche environnement et les grands actionnaires de Suez (au premier rang desquels le Belge Albert Frère, mais aussi la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit agricole et Areva) environ 12% dans le cadre d’un pacte d’actionnaires pour sécuriser durant trois ans le tour de table de cette filiale. La fusion prévoit l’échange de 22 actions Suez pour 21 actions GDF. Le capital de la nouvelle structure appartient à 55% aux actionnaires de Suez et à 45% à ceux de GDF. L’Etat français, qui détient actuellement à 80% de GDF, devient le premier actionnaire du nouvel ensemble avec 35,6% du capital, ce qui lui donne une minorité de blocage.

Un choc pour les salariés de GDF

Pour fusionner, les deux entreprises ont dû, comme la Commission européenne le leur avait demandé, se délester de leurs actifs en Belgique. Suez a cédé Distrigaz à l’Italien Eni, et GDF sa filiale électrique SPE au français EDF. L’un des premiers défis de GDF-Suez sera de mener à bien sa consolidation dans le secteur, comme l’explique Jean-Marie Chevalier, le directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières de l’université Paris-Dauphine : « le principal atout de ce nouveau groupe est notamment sa bonne implantation européenne. Une implantation qu’il faut renforcer et réorganiser surtout après la vente de Distrigaz ». Sur le plan international, il y a également de nombreuses opportunités, liées au gaz, liées aux besoins d’énergie et d’eau dans les pays en développement. Selon Jean-Marie Chevalier, « le groupe a dans ses cartons un projet avec les Emirats arabes unis qui prévoit notamment la combinaison de centrales nucléaires, d’assainissement d’eau de mer et de production d’électricité ».

Une certitude : pour les salariés de Gaz de France, ce mariage avec le groupe privé Suez est considéré comme un choc, puisqu’il implique la privatisation du gazier national. Les syndicats, CGT, Force ouvrière et CFDT ont toujours été farouchement opposés à cette fusion qui « fait peu de cas des salariés de Suez et GDF qui voient leur emploi et leur statut précarisés ». Associations de consommateurs et opposition de gauche ont joint leurs critiques sur cette opération qui, selon eux, va faire augmenter les factures des consommateurs. Selon Jean-Marie Chevalier, « cette union va apporter une nouvelle concurrence face au géant EDF. Mais vu le contexte énergétique mondial, elle ne va pas se traduire forcément par une baisse de prix pour le consommateur ». Sur ce point, le numéro deux de GDF-Suez Jean-François Cirelli, a d’ores et déjà affirmé que « les tarifs réglementés du gaz fixés par l’Etat, qui ont déjà augmenté de près de 10% depuis janvier pour les particuliers, pourraient encore progresser si les prix du pétrole dépassaient durablement les 140 dollars le baril ».

Recomposition de l’industrie énergétique mondiale

Le mariage entre les deux groupes crée un géant énergétique européen, dont la valeur cumulée atteint les 75 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Près de 200 000 salariés vont travailler pour ce géant, dont 62 000 pour la gestion de l’eau et des déchets. Le PDG de Suez, Gérard Mestrallet, 59 ans, va présider le nouveau groupe et le patron de GDF, Jean-François Cirelli, 50 ans, devient le numéro deux, avec le titre de vice-président, directeur général délégué. La nouvelle structure gazière et électrique, dont le siège est basé à Paris, se classera au quatrième rang mondial derrière l’Allemand E.O.N, le Russe Gazprom, et le Français EDF.

Premier acheteur de gaz en Europe et numéro un mondial du gaz naturel liquéfié (GNL), GDF-Suez va devenir un interlocuteur de poids face aux grands pays producteurs comme l’Algérie ou la Russie. Ses positions dans le domaine du gaz naturel liquéfié vont également lui permettre de diversifier ses sources d’approvisionnement. Dans l’électricité, Suez -cinquième électricien européen- apporte à GDF des moyens de production nucléaires qui permettent au futur groupe GDF-Suez de devenir le deuxième producteur français d’électricité derrière l’électricien EDF.  GDF-Suez compte également devenir constructeur et exploitant de centrales nucléaires à l’horizon 2015-2020. Comme EDF, il s’est d’ailleurs positionné pour le programme de construction du deuxième réacteur nucléaire EPR en France, annoncé le 3 juillet dernier par le président français Nicolas Sarkozy. Le futur groupe prévoit d’investir une moyenne de 10 milliards d’euros par an entre 2008 et 2010 pour lancer de nombreux projets de développement.

 

A écouter

Jacques Mouton

Délégué CFDT

« On n'a pas le droit de se louper vis-à-vis des salariés... Notre but sera de faire en sorte que l'Etat continue bien à présider GDF-Suez...»

16/07/2008 par Eric Amiens

Jean-Marie Chevalier

Professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine

« Dans cette recomposition, on a besoin d'acteurs de taille importante... GDF était relativement petit...Suez était un peu plus grand... Aujourd'hui, on a un groupe avec un parc électrique très diversifié...et des compétences gazières avec une place importante dans le gaz naturel liquifié...»

16/07/2008 par David Baché