Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Afghanistan / France

Soldats français : la mission continue

par Constance de Bonnaventure

Article publié le 29/08/2008 Dernière mise à jour le 29/08/2008 à 15:29 TU

Au lendemain de l’embuscade tendue par les talibans aux soldats français et qui a coûté la vie à 10 d’entre eux, le travail reprend. Pas question pour le contingent français déployé en Afghanistan de s’arrêter là : la mission continue. Reportage avec une des sections prise à partie par les insurgés le 18 août dernier.



De notre correspondante à Kaboul, Constance de Bonaventure

Derniers préparatifs pour cette section de la deuxième compagnie du RMT, le régiment de marche du Tchad qui s’apprête à partir en patrouille dans ses véhicules blindés. Gilets pare-balles, casques, armes et munitions, une mission somme toute ordinaire dans la région de Kaboul pour les soldats français déployés en Afghanistan. Ordinaire oui…sauf que cette trentaine d’hommes a connu le pire la semaine dernière. Pris dans une embuscade tendue par les talibans, ils ont perdu 10 camarades et 21 autres ont été blessés. Pourtant, la mission se poursuit et les soldats choqués ont immédiatement repris le travail, même si l’accrochage meurtrier du 18 août reste au cœur des discussions. Et pour cause, dès les premiers tirs, la section « Rouge 4 » était déjà sur les lieux afin d’appuyer les soldats touchés. Et ce n’est que 24 heures après le début des combats qu’ils ont retrouvé leur base. 

Tout en patrouillant, le sergent-chef Enzo revient sur cet épisode douloureux pour le contingent français en Afghanistan : « On faisait une patrouille. Il y avait donc un groupe du 8e RPIMA qui éclairait la progression, nous on était juste derrière. En montant dans le col ils sont tombés dans l’embuscade. Malheureusement nous n’avons pas pu dégager la situation car nous-mêmes derrière on était pris en embuscade. La situation était bloquée donc il a fallu se sortir d’affaire. On a fait ce qu’on a pu… peut être pas assez parce qu’on a des camarades qui y sont restés. Mais on peut toujours se dire qu’on aurait pu faire plus. Mais quand on vous tire devant, derrière, dans tous les sens, c’est difficile de faire plus… ».

Pour les militaires français déployés en Afghanistan, pas question de baisser les bras, même si la vision du terrain a quelque peu changé. Le capitaine Laurent qui dirige la 2e compagnie du RMT a remarqué un changement d’attitude chez ses hommes : « Ils font plus attention qu’avant et ils comprennent l’importance de ce qu’on leur a dit. Je pense que cet événement va en faire des soldats encore plus exigeants. On se disait que c’était la guerre, maintenant on en est convaincu… ». Aujourd’hui, dans ce quartier sur les hauteurs de Kaboul, la trentaine de soldats, un peu plus tendus que d’habitude, observent et surveillent. Sur le terrain, on remarque en effet que ces militaires sont plus vigilants et plus prudents. « Nous sommes plus méfiants. Maintenant on se dit que derrière chaque Afghan peut se cacher un taliban. Mais on n’a pas peur ! », confie le sergent chef Enzo en jetant un œil plus qu’attentif sur la zone qu’il surveille.

Plus d’hommes, dans des régions plus dangereuses

Même si certains ont été choqués par l’embuscade des 18 et 19 août, le capitaine Laurent remarque que ses hommes en ressortent beaucoup plus forts. « Moi ils m’impressionnent ! Cet événement les a renforcés et soudés. Ils sont conscients de leurs faiblesses individuellement. De cette section, il en ressort une certaine sérénité. En fait ils ont le sentiment d’avoir bien fait leur boulot. Je pense que d’une affaire pareille, on sort plus humble ».

Les soldats rappellent que les risques font partie intégrante de leur métier. Pourtant une cellule psychologique a été mise en place pour aider les plus choqués à reprendre le dessus. « Il y en a qui ont du mal quand même. Il y en a qui ont eu le choc tout de suite, d’autres plus tard. Il y en a qui réagissent beaucoup mieux, d’autres qui ont peur et d’autres qui ont pris plaisir ! Chaque individu est différent. Nous on ne juge pas non plus celui qui va se mettre à pleurer. C’est comme ça ! », explique le sergent chef Enzo qui affirme ne pas avoir besoin d’être suivi. Individuellement ou en groupe, chacun est libre d’aller consulter le psychologue de l’armée. Mais les soldats avouent qu’ils préfèrent se confier à leurs familles. « On a hâte de retrouver les nôtres pour les rassurer et leur raconter tout ce qu’on a vécu », explique un jeune caporal.

Fin de journée, en rentrant vers Kaboul, les soldats discutent dans leur véhicule blindé. Ils n’aiment pas savoir leurs familles inquiètes. Si bien que l’un d’eux, 19 ans, a préféré mentir à ses parents : « J’ai dit à ma mère que j’étais en Côte d’Ivoire. C’est évident que je ne lui dirai jamais que j’étais en Afghanistan. Ca non, je ne veux pas la rendre morte de peur ».

Dans cette section, un homme est mort, deux ont été blessés dont le chef qui a reçu un éclat dans la jambe. Et pour la majorité des soldats, c’est la première fois qu’ils se retrouvent en situation de guerre. C’est le cas du première classe Johann, la vingtaine, en Afghanistan depuis 3 mois et demi. « J’ai été surpris. Même si on était tous préparés à ça. On savait que l’Afghanistan n’est pas une mission facile. Mais on ne s’attendait pas non plus à une embuscade de cette ampleur. De toute façon la mission continue, on ne  peut pas s’arrêter à ça non plus ». Avant leur départ, les soldats ont reçu une formation spéciale adaptée au front afghan. Objectif : se mettre en condition opérationnelle et accentuer l’instruction sur les spécificités du théâtre.

La mission que s’est donnée la France en Afghanistan est de maintenir la paix. Mais comme l’explique le capitaine Laurent, certains épisodes ressemblent à la guerre. « Ici, sur le terrain, on se dit qu’on est en mission de stabilisation de l’Afghanistan et qu’on peut se retrouver en situation de guerre ». La décision de Nicolas Sarkozy donne à l’engagement de la France une nouvelle ampleur. Plus d’hommes, dans des régions plus dangereuses. Voilà qui change considérablement le contexte dans lequel évolue l’armée française en Afghanistan.