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Rwanda/France

Affaire Kabuye : «On demande à la justice de faire son travail»

par  RFI

Article publié le 20/11/2008 Dernière mise à jour le 20/11/2008 à 19:04 TU

Rose Kabuye, une proche du président rwandais Paul Kagame, a été mise en examen mercredi à Paris, mais laissée sous contrôle judiciaire, après avoir été extradée d’Allemagne. Elle est notamment inculpée de « complicité d’assassinats avec une entreprise terroriste ». La justice française veut l’entendre sur l’attentat d’avril 94 contre le président Habyarimana. Claudine Vidal, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et auteur, notamment, d’une Sociologie des passions : Rwanda Côté d’Ivoire, chez Khartala, était l’invitée de RFI ce jeudi. Elle exprime ses points de vue au sujet de cette affaire et de la politique française au Rwanda, de 1990 à 1994, date à laquelle s’est déclenché le génocide au Rwanda qui a fait, selon l’ONU, près de 800 000 victimes, pour la plupart des Tutsis et des Hutus modérés.

RFI : Les relations diplomatiques entre la France et le Rwanda sont au plus mal, notamment depuis les mandats d’arrêt délivrés par le juge Bruguière en 2006. Est-ce que le sort de Rose Kabuye conditionne aujourd’hui l’avenir de ces relations ?

Claudine Vidal : A court terme, on peut dire que ça les a plutôt tendues étant donné le niveau des manifestations à Kigali contre cette arrestation, étant donné aussi les déclarations du président Kagamé,  notamment dans les médias anglais.

Rose Kabuye est en tout cas la première des neuf dignitaires que la justice française souhaite entendre sur l’attentat contre le président Habyarimana en 1994 et, parmi ces dignitaires, il y a des proches du pouvoir actuel ?

Oui, je le sais.

On demande finalement à la justice, aujourd’hui, de statuer sur cet épisode compliqué d’avril 1994 du déclenchement du génocide rwandais. C’est un peu votre sentiment aujourd’hui ?

On demande à la justice de faire son travail, qui est un travail d’enquête, de vérification, à charge et à décharge. C’est un travail qui n’a pas été fait jusqu’à maintenant. C’est ça qui est demandé à la justice.

Pourquoi ce travail n’a pas été fait  jusqu’à maintenant ?

Sur le thème de l’attentat, que ce soit au niveau de la justice internationale, que ce soit en France, disons que la justice a vraiment du mal à s’y mettre. Bon, il y a des pressions politiques, c’est évident.

Est-ce que le travail du juge Bruguière dans l’ordonnance qu’il avait rendue en 2006 a été un travail impartial d’après vous ?

L’ordonnance du juge Bruguière, je l’ai lue et décortiquée. J’ai même écrit un assez long article dessus. J’ai trouvé qu’il dépassé un petit peu sa mission de juge pour entrer dans un débat politique.

Pourquoi ? Pour quelles raisons précisément ?

J’ai l’impression qu’il essayait plutôt de justifier la politique française au Rwanda, à partir d’une mise en accusation du président Kagamé. Il n’était pas président à l’époque.

Donc, cette ordonnance a encore compliqué les relations franco-rwandaises. Elle a contribué à la détérioration de ses relations.

Une fois l’ordonnance sortie, les relations diplomatiques ont été rompues.

Est-ce qu’aujourd’hui, comme le disent certains, cette affaire Kabuye pourrait contribuer à « crever l’abcès » de ces difficiles relations puisque, maintenant, les Rwandais ont accès à ce dossier judiciaire ? Ils vont pouvoir le consulter, ils vont pouvoir peut-être davantage se défendre…

La suite le dira. Il faut vraiment voir comment toute cette enquête judicaire va se dérouler, mais une fois de plus, les relations politiques entre Etats ne sont pas toujours harmonieuses, loin de là. Et je pense qu’entre la France et le Rwanda, le contentieux n’est pas seulement l’ordonnance du juge Bruguière.

C’est-à-dire que, d’après vous, la justice espère évacuer cette question du génocide et du rôle de la France à travers l’enquête sur l’attentat contre Juvénal Habyarimana ?

Je vais vous donner mon avis personnel : je pense que la politique de la France de 90 à 94 au Rwanda a été absolument indéfendable. Cela peut expliquer en grande partie, effectivement, la position offensive du gouvernement de Kigali actuel vis-à-vis de la France.