par Frédérique Misslin
Article publié le 04/03/2009 Dernière mise à jour le 04/03/2009 à 17:42 TU
En matière de diplomatie, symbole et calendrier sont deux éléments fondamentaux. Hillary Clinton est arrivée en Israël au moment où la classe politique locale s’échine à former un gouvernement de coalition qui sera probablement très ancré à droite. Coïncidence ? Alors que la secrétaire d’Etat américaine se trouvait dans l’avion pour Tel Aviv, la presse israélienne révélait l’existence d’un vaste plan de développement des colonies en Cisjordanie (73 000 logements et 280 000 personnes en plus). La dernière fois que l’Etat hébreu avait annoncé une large extension de ses colonies, c’était à l’occasion d’une visite de Condoleezza Rice.
« La politique étrangère doit être fondée sur l’union de principes et du pragmatisme, pas sur une idéologie rigide » avait dit Hillary Clinton dès sa prise de fonction. Elle a pu mettre sa théorie à l’épreuve des faits au cours de sa tournée proche-orientale.
Israël peut-il renoncer à la colonisation et accepter un Etat palestinien?
Les Etats-Unis soutiennent financièrement la reconstruction de Gaza mais refusent de passer par le Hamas. Ils affichent vis-à-vis de Benjamin Netanyahu (le chef du Likoud et futur Premier ministre pressenti) une attitude ferme mais sans pression véritable. Ils veulent soutenir Mahmoud Abbas mais rechignent à sauver véritablement un président palestinien qu’ils jugent trop faible. Pour son premier voyage au Proche-Orient, en tant que chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton a donc joué la carte du pragmatisme.
A Jérusalem, elle a répété que les liens qui unissent Washington à l’Etat hébreu restent forts, que le Hamas doit renoncer à la violence mais elle a aussi envoyé un message clair à Benjamin Netanyahu, « la création d’un Etat palestinien est inévitable ». Deux Etats pour deux peuples, une formule que le chef du Likoud a du mal à faire sienne. Benjamin Netanyahu a été chargé de former un cabinet avant le 3 avril prochain et il risque alors de se heurter à l’administration américaine.
A Ramallah, Hillary Clinton a confirmé cette rupture de ton en dénonçant la future démolition par Israël de 80 logements palestiniens situés à Jérusalem-Est. « Il est clair que ce genre d’activité n’aide pas et n’est pas conforme aux obligations souscrites aux termes de la feuille de route » a déclaré la secrétaire d’Etat américaine.
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a dénoncé la future démolition par Israël de logements palestiniens situés à Jérusalem-est.
(Photo : Reuters)
Un ton ferme, différent. Sur le fond, l’équipe diplomatique de Barack Obama n’a pas complètement rompu avec la politique précédente. L’existence de deux Etats, c’était la ligne fixée par George Bush. Le nouveau président n’a cependant pas critiqué l’offensive israélienne à Gaza en janvier dernier et a réitéré les conditions imposées par la communauté internationale au Hamas pour une participation au processus de paix. Mais le ton et le vocabulaire ne sont pas les mêmes, et le choix de George Mitchell comme envoyé spécial au Proche-Orient constitue un signe de changement supplémentaire. Contrairement à l'ex-chef de la diplomatie, Condoleezza Rice, qui insistait sur l'aspect « bilatéral » des négociations de paix entre Israël et les Palestiniens et refusait donc de participer aux discussions, la nouvelle administration est apparue résolue à s'impliquer directement dans les pourparlers.
Washington mise sur Damas
Mais la rupture a surtout été consommée lorsqu’Hillary Clinton a annoncé cette semaine l’envoi à Damas de deux émissaires américains. La mission de Jeffrey Feltman, secrétaire d’Etat-adjoint au Proche-Orient et ancien ambassadeur américain à Beyrouth et de Daniel Shapiro, conseiller Proche-Orient à la Maison Blanche, est simple : amorcer le dégel des relations entre Damas et Washington. Une stratégie a triple détente. D’une part, il est plus facile aujourd’hui d’obtenir des avancées sur le volet syro-israélien du processus de paix que sur le volet israélo-palestinien. C’est une façon de soutenir l’Etat hébreu dans sa démarche de pourparlers indirects avec un acteur clé de la région. Enfin reprendre langue avec Damas c’est isoler un peu plus Téhéran, considéré comme la menace numéro un pour les Israéliens et allié objectif des Syriens. Cela fait quatre ans que les Etats-Unis ont rappelé leur ambassadeur en poste à Damas, un geste accusateur au lendemain de l’assassinat de Rafic Hariri.
Téhéran via Moscou
Il y a moins d’un mois, Joe Biden le vice-président américain avait déjà donné les grandes lignes de cette nouvelle diplomatie américaine. L’ère George Bush est terminée, il faut avait-il dit « appuyer sur le bouton de démarrage » des relations russo-américaines par exemple. Washington choisit là de jouer une partie de billard à plusieurs bandes comme l’a fait comprendre Hillary Clinton à Jérusalem. Washington promet aujourd’hui à Moscou de renoncer à son boucler antimissile en Europe centrale si la Russie dissuade Téhéran de se doter de la bombe atomique. Objectif : ouvrir le dialogue avec Téhéran même si l’administration de Barack Obama n’est pas naïve : rien ne dit que les Iraniens accepteront de jouer le jeu et en attendant, leur programme nucléaire avance.
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