Revue de presse Afrique du 24 mars 2009

Frédéric Couteau
(Photo RFI)

« Elections locales 2009 : lendemains de vote » : c’est le grand titre, plutôt succinct, du Soleil. Le Soleil, plutôt proche du pouvoir, qui ne s’appesantit guère sur la défaite du PDS, le parti présidentiel.

En revanche, la presse d’opposition jubile. « Débâcle du Sopi aux élections locales : le désaveu de Wade », s’exclame Walfadjri qui précise que « Karim Wade reçoit une claque magistrale », que « Macky Sall écrase les sopistes à Fatick et à Ndindy », qu’« Abdoulaye Baldé envoie Robert Sagna à la retraite », ou encore qu’« Idrissa Seck dame le pion à tout le monde à Thiès. »

Les Wade laminés…

Pour le quotidien Sud, cette victoire de l’opposition marque « une remise en cause d’une gouvernance libérale qui fatigue. Et interpelle directement un homme qui s’est personnellement engagé tout en engageant également son propre fils. » Il s’agit bien sûr du président Wade. Le président qui est, remarque Sud, « battu pour la première fois depuis 2000 dans son propre bureau au quartier du point E. Et son fils Karim Wade également laminé dans ce même quartier où il aspirait à être maire. » Du coup, souligne Sud, « les Sénégalais (…) ont levé l’hypothèque d’une succession qui passait par les marches de l’hôtel de ville de la capitale. (…) Et désormais, poursuit le quotidien dakarois, se pose la légitimité d’une Assemblée nationale désavouée. Le président Wade franchira-t-il le pas de dissoudre le parlement ? », s’interroge Sud qui estime qu’en tout cas, « les électeurs ont levé dimanche l’hypothèque de la succession à la hussarde qu’on voulait leur imposer. »

Les « fils d’emprunt » l’emportent face au « fils biologique »…

« Dimanche sombre pour le Sopi : les Wade, du rouge au noir » : c’est le titre, cette fois du Quotidien qui parle de « déroute cinglante » et de « crépuscule des idoles ». Le Quotidien qui précise : « Cette déroute doit avant tout être lue comme la sanction d’une gestion erratique du Sopi, comme le signe maintenant évident d’une césure fondamentale entre les héros éphémères de l’Alternance et le peuple aux enthousiasmes déçus par des orgies de promesses ayant abouti à un gigantesque désenchantement national. » Et le quotidien, lui aussi, se projette dans l’avenir : « Cette nouvelle donne électorale (…) aura, entre autres conséquences, une révision ou une relecture de l’agenda de la succession du président Wade par son fils, dont l’entrée dans la compétition électorale a aujourd’hui l’amer parfum d’une Bérézina. Aujourd’hui, remarque encore Le Quotidien, Idrissa Seck à Thiès et Macky Sall à Fatick, les ‘fils d’emprunt’ sacrifiés sur l’autel d’un projet successoral, prennent une revanche historique (…) sur le ‘fils biologique’ ».

L’exemple de Saint-Louis

Toujours dans le quotidien Sud, coup de projecteur sur plusieurs villes tombées dans l’escarcelle de l’opposition. Outre Dakar, il y a Saint-Louis. « Cheikh Bamba Dièye entre dans l’histoire », s’exclame le journal qui précise que ce natif de Saint-Louis « a réussi avec ses alliés la prouesse de ravir la gestion de la municipalité au parti du président de la République en exercice, ce qui reste inédit dans l’histoire politique de la capitale du nord. » Et qui plus est, la victoire a été éclatante, remarque Sud, « Cheikh Bamba Dièye s’étant emparé de la presque totalité des centres de vote de la commune. »

L’opposition sénégalaise remise à flot ?

Pour L’Observateur au Burkina Faso, la déroute est d’autant plus forte qu’Abdoulaye Wade « avait transformé ce scrutin local, a priori mineur, en véritable référendum sur sa politique et en plébiscite pour son fils. » Résultat : « un véritable désaveu pour le père et une claque magistrale pour le fils. » Et le quotidien burkinabè de remarquer « qu’en attendant la grande confrontation de la présidentielle de 2012, cette victoire permettra à l’opposition sénégalaise de se remettre en selle après sa déconvenue des dernières législatives. Et pour le pouvoir, il faudra peut-être y voir un avertissement sans trop de frais, un appel pressant à revoir le Sopi », conclut L’Observateur.

On trouve des commentaires sur cette élection sénégalaise même jusque dans la presse d’Afrique centrale. Ainsi Le Potentiel au Congo Démocratique indique que l’opposition remporte le scrutin. « Une victoire, commente le quotidien congolais, interprétée comme un rejet du président Wade et de son système. »

Les rodomontades d’El Béchir

Enfin, de nombreux journaux du continent ont les yeux fixés sur le Soudan, où pour la première fois hier, le président El Béchir a bravé la CPI, la Cour pénale internationale, en se rendant en visite officielle en Erythrée. « Le président soudanais défie la CPI et l’Occident », s’exclame le quotidien algérien Liberté qui rappelle que le président soudanais est « sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crime contre l’humanité au Darfour, censé l’empêcher de se déplacer à l’étranger sous peine d’être arrêté. »

Et puis il y a le sommet arabe de Doha au Qatar à la fin du mois. « Le président soudanais s’y rendra-t-il ? », s’interroge Le Pays au Burkina. Le Pays qui estime que « ce n’est pas en faisant de la provocation qu’El Béchir résoudra le problème du Darfour. Il doit maintenant s’en occuper sérieusement, martèle le quotidien burkinabè. (…) Il doit mettre un point d’honneur à y ramener la paix. Et à partir de ce moment, il pourra bénéficier de circonstances atténuantes, de sympathies sincères et, pourquoi pas, de l’annulation du mandat d’arrêt. »

par Frédéric  Couteau

[24/03/2009]