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Justice internationale

La révolution manquée de Charles Taylor

Article publié le 17/07/2009 Dernière mise à jour le 17/07/2009 à 21:57 TU

A la barre du Tribunal spécial, l’ex-chef d’Etat du Libéria, Charles Taylor, raconte depuis mardi la genèse de son accession au pouvoir. Accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, il se présente en révolutionnaire, aux ambitions déjouées.
Charles Taylor devant la Cour pénale internationale de La Haye le 13 juillet 2009.(Photo : Robin van Lonkhuijsen/Reuters)

Charles Taylor devant la Cour pénale internationale de La Haye le 13 juillet 2009.
(Photo : Robin van Lonkhuijsen/Reuters)

De notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas

En quittant le box des accusés pour s’asseoir à la barre des témoins, Charles Taylor espère convaincre de la hauteur des ambitions qui l’animaient en s’emparant du pouvoir par les armes au Libéria, en 1990, et casser l’image de ce « seigneur de guerre », immortalisée par Hollywood dans « Lord of War » et « Blood Diamonds ». L’accent traînant et le récit parfois enjoué de ce « libérien-américain », a cassé l’image du monstre froid, mais ne change pour l’heure pas grand chose aux preuves apportées par le procureur lors de la première phase du procès. L’ex-président du Libéria répond de crimes contre l’humanité pour avoir exporté sa guerre en Sierra Leone, dans l’objectif, selon le procureur, de contrôler le pays pour s’emparer de ses richesses, bois et diamants.

La présidente du Libéria sur la sellette

Dès les premiers jours de son témoignage, qui doit s’étendre sur cinq semaines, Charles Taylor a pointé l’implication de l’actuelle présidente du Libéria, Ellen Johnson-Sirleaf. « Ellen est une vieille révolutionnaire » explique-t-il, membre fondatrice du Front national patriotique du Libéria (NPFL), qui allait porter au pouvoir Charles Taylor. « Ellen devait lever de l’argent pour nous (…) Si je ne me trompe pas, elle travaillait dans une banque quelque part à Washington et elle avait d’importants contacts. Nous l’avons utilisé comme notre contact diplomatique à l’extérieur et pour lever des fonds ». Des faits que la présidente du Libéria a elle-même avoués lors de son audition par la Commission vérité et réconciliation, chargée de faire la lumière sur les crimes commis dans le pays. Fin juin, cette commission recommandait que les personnalités politiques impliquées dans la guerre, parmi lesquelles Ellen Johnson-Sirleaf, soient interdites de toute activité officielle pendant 30 ans.

Kadhafi, « un héros africain »

En 1986, après son évasion d’une prison du comté de Plymouth, aux Etats-Unis, avec la complicité de la CIA, explique-t-il, Charles Taylor avait rejoint l’organisation Mataba, en Libye. « Mataba était une organisation spécialement mise en place pour soutenir la révolution panafricaine ». Accueillis par Mouammar Kadhafi, des dizaines de soldats - essentiellement d’Afrique de l’Ouest, mais « il y avait aussi des membres de l’Armée républicaine irlandaise » - s’entraînent, tandis que les chefs planifient la révolution. « Vous deviez établir que vous aviez le titre de révolutionnaire. Vous deviez montrer que vous aviez la capacité, le pouvoir d’accomplir cela », raconte-t-il. Le chef d’Etat libyen, « un héros africain (…) n’a jamais embrassé le communisme (…) et si nous devions lire le livre vert, nous n’étions pas obligés d’y adhérer ». Soutenu par son « ami », Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso, Charles Taylor peu préparer sa révolution. Il puise dans la diaspora libérienne, en Côte d’Ivoire notamment, pour mettre en place ses troupes. En décembre 1989, raconte-t-il, il obtient le feu vert des Américains et peut prendre le pouvoir à Monrovia.

Son témoignage se poursuit, devant le tribunal spécial. Mais Charles Taylor n’a jusqu’ici pas écorné la démonstration du procureur, même s’il a nié avoir participé aux horreurs commises en Sierra Leone. Le « seigneur de guerre » affirme qu’il n’avait pas d’influence sur les hommes du Front révolutionnaire uni (RUF), à la tête de la rébellion dans le pays voisin.