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Honduras

Comment Manuel Zelaya est rentré à Tegucigalpa

par Frédérique Misslin

Article publié le 22/09/2009 Dernière mise à jour le 22/09/2009 à 14:48 TU

Après plus de trois mois d’exil forcé, le président destitué du Honduras est de retour à Tegucigalpa. Manuel Zelaya a trouvé refuge à l’ambassade du Brésil. Les autorités de fait ont immédiatement instauré un couvre-feu et fermé les aéroports du pays. La communauté internationale prône le dialogue, car le retour du chef de l’Etat évincé risque de raviver les tensions.

Le président destitué du Honduras, Manuel Zelaya, salue ses supporters dans l'enceinte de l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa.(Photo : Reuters)

Le président destitué du Honduras, Manuel Zelaya, salue ses supporters dans l'enceinte de l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa.
(Photo : Reuters)

Avec ses moustaches et coiffé de son éternel chapeau de cow-boy, Manuel Zelaya ne passe pas inaperçu. Le président hondurien, destitué le 28 juin dernier, a pourtant réussi à déjouer la vigilance de l’armée et de la police pour rejoindre Tegucigalpa. Après plus de trois mois d’exil forcé, le chef de l’Etat déchu est rentré clandestinement au Honduras lundi, au terme, dit-il, « d’un voyage de quinze heures ». Dans un style lyrique reconnaissable entre tous, Manuel Zelaya a expliqué qu’il avait bravé les obstacles, traversé des montagnes et des vallées pour éviter les contrôles. « J’ai utilisé toutes sortes de routes et de moyens de transport », dit-il. Les détails de ce voyage rocambolesque ont été donnés par l’allié vénézuélien, Hugo Chavez, qui affirme que « l’opération était bien préparée. Accompagné de 4 gardes du corps, Zelaya a dupé les putschistes, il a voyagé dans un coffre de voiture et même sur un tracteur ». A Caracas, l’épisode est qualifié « d’action héroïque », Manuel Zelaya l’aurait menée « au péril de sa vie ».

Le couvre-feu est rétabli

Après avoir refusé l’évidence pendant quelques heures lundi soir, le président de facto a, lui aussi, reconstitué les étapes du voyage : « Mel » serait passé par le Salvador et le Guatemala avant de trouver refuge à l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa. Roberto Micheletti demande solennellement aux autorités brésiliennes de « respecter le mandat d’arrêt délivré contre Manuel Zelaya ». Le Brésil fait la sourde oreille, les diplomates assurent avoir reçu la demande d’asile du chef de l’Etat déchu « quarante minutes avant son arrivée ». Le nouveau gouvernement a décidé de rétablir le couvre-feu ce mardi et de fermer les aéroports du pays, pour contrer la mobilisation des partisans de Zelaya et éviter des débordements. 50 000 instituteurs ont annoncé leur intention de se mettre en grève et les pro-Zelaya ont d’ores et déjà défié le couvre-feu. Ils étaient plusieurs milliers lundi, rassemblés devant la représentation diplomatique brésilienne, attendant les déclarations de leur leader. Et depuis le balcon de l’ambassade, Manuel Zelaya a tenu des déclarations ambigües.

Le double discours de Manuel Zelaya

D’un côté, le président déchu affirme qu’il a pris contact avec les autorités de fait, « de manière directe, nous commençons à nous rapprocher », affirme-t-il. Dans le même temps, Manuel Zelaya appelle ses partisans à « faire céder le pouvoir en place » et il demande aux militaires de « retourner leurs fusils contre les ennemis du peuple ». Le retour au pays du président destitué risque de raviver des tensions au Honduras. L’ancien chef d’Etat est accusé de corruption, il avait été chassé du pouvoir pour avoir tenté d’organiser une consultation populaire visant à modifier la Constitution.

« Je n’ai jamais abandonné »

Tout le monde le croyait tranquillement installé au Nicaragua, mais Manuel Zelaya n’a jamais abandonné l’idée de récupérer son fauteuil présidentiel. Il avait déjà tenté, par deux fois, de rentrer au Honduras. Le 5 juillet, à bord d’un avion, il avait essayé d’atterrir à l’aéroport de Tegucigalpa mais l’armée l’en avait empêché. Le 24 juillet, il avait effectué une brève incursion dans son pays, une incursion symbolique, en traversant à pied la frontière entre le Honduras et le Nicaragua. Le troisième essai, réussi, a surpris tout le monde. Selon ses proches, Manuel Zelaya est aujourd’hui « fatigué mais en forme physique et prêt au dialogue ».

Les réactions internationales

L'Organisation des Etats américains et les Etats-Unis observent les derniers rebondissements au Honduras avec attention mais aussi avec inquiétude. Le secrétaire général de l’OEA, José Miguel Insulza, a bien l’intention de se rendre rapidement au Honduras, peut-être ce mardi. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a souhaité lundi soir que les deux camps trouvent le moyen de reprendre les pourparlers afin d’éviter des violences. Elle a invoqué une nouvelle fois le plan de paix du président du Costa Rica. Mais cette feuille de route ne semble plus d’actualité. « Oscar Arias n’a plus de légitimité en tant que médiateur dans la crise », affirme désormais Roberto Micheletti. Quant à Manuel Zelaya, il reste sur ses positions : « la patrie, la restitution du pouvoir ou la mort ». L’Union européenne a d’ailleurs implicitement rappelé à l’ordre le président déchu et « exhorte toutes les parties concernées à s’abstenir de toute action qui pourrait accroître la tension et la violence ».