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Découvertes

Nos cousins, les grands singes !

par Dominique Raizon

Article publié le 22/02/2007 Dernière mise à jour le 22/02/2007 à 17:23 TU

Les primates femelles ont peut-être inventé les premières armes de l'Humanité, selon une étude américaine.(Source : Wikipedia)

Les primates femelles ont peut-être inventé les premières armes de l'Humanité, selon une étude américaine.
(Source : Wikipedia)

Trois publications, l’une américaine, l’autre canadienne et la troisième française enrichissent nos connaissances sur nos-cousins-les-grands-singes. Une équipe de Canadiens a révélé, mi-février, dans la revue Proceedings of the national academy of sciences (PNAS), que les primates savaient casser des noix entre marteau et enclume il y a 4 300 ans. Une étude américaine, à paraître le 6 mars prochain dans Current Biology, révèle que ce sont les femelles chimpanzés qui fabriquent des armes pour chasser : faute de muscles, elles ont en quelque sorte «fait travailler leurs méninges». Enfin, la revue française Sciences et Avenir, fait un compte-rendu des travaux d’une française, Sabrina Krief, qui s’intéresse depuis 1999 à l’automédication des grands singes à partir de plantes médicinales.

Le 6 mars prochain, la revue américaine Current Biology consacre son numéro à une énième observation d’un groupe de chimpanzés évoluant dans leur milieu naturel, au sud-est du Sénégal. Une équipe internationale de chercheurs américains et britanniques y livre le compte-rendu de ses observations et révèle que le chimpanzé est capable de fabriquer une arme spécifiquement destinée à attraper et à tuer une proie, comme par exemple des morceaux de bois affûtés pour chasser de petits vertébrés, tels des lémurs (ou lémuriens) et des tarsiers (petit mammifères de la taille d'un rat). L’arme est fabriquée soit par une femelle, soit par individu jeune appartenant au groupe. Le mâle ne se sert pas de cette arme.

En conclusion, les chercheurs ont déduit que «les femelles ont dû se montrer créatives pour résoudre un problème que les mâles avaient réglé grâce à leurs muscles». Les anthropologues de l’université américaine d’Etat de l’Iowa et de l’université britannique de Cambridge expliquent que cet artisanat est spécifiquement produit pour compenser le fait que «les femelles [n’ont] ni la force ni le temps de concourir avec les mâles pour chasser». L’anthropologue américaine Jill Pruetz, qui a conduit la recherche, souligne : «Le simple fait que des femelles chimpanzés chassent des vertébrés avec des outils est extraordinaire car nous avions toujours pensé que seuls les humains en étaient capables».

Si la fabrication des armes est le seul fait des femelles, c’est bien là la seule information nouvelle, car des travaux précédents menés par des spécialistes du comportement animal (ou éthologues) ont déjà révélé que certains primates, comme par exemple le chimpanzé, sont capables de résoudre de petits problèmes en utilisant leur intelligence. Ainsi, le chimpanzé se sert de brindilles qu’il effeuille lorsqu’il veut extraire des termites ou des fourmis de leurs nids. Il sait également se servir d'objets en pierre ou en bois, pour casser des noix, et ce depuis la préhistoire. Dans une étude parue, le 12 février 2007, dans la revue Proceedings of the national academy of sciences (PNAS), une équipe internationale de chercheurs dirigée par Julio Mercader, de l’université de Calgary, au Canada, confirme que l’âge de pierre des chimpanzés remonte à 4 600 ans.

«Casser la coque d’une noix, plus compliqué qu’il n’y paraît»

En effet, d’après les chercheurs canadiens, qui ont étudié les restes fossilisés de noix cassées, les primates se servaient  de pierre de la taille d’un melon c’est-à-dire trop grosses pour être utilisées par l’homme, pour ouvrir la coque très dure de la noix Panda oleosa. Ce savoir-faire, selon eux, «irait dans le sens d’une confirmation de plus quant à l’origine commune des deux espèces (animale et humaine). Humains et grands singes auraient hérité de certains savoir-faire d’un ancêtre commun».

Outre la pêche et la chasse, nos-cousins-les-chimpanzés savent aussi se fabriquer des sortes de tongs (!) à partir de brindilles pour protéger leur voûte plantaire et escalader sans douleur les troncs d’arbre, ainsi que des petits coussins douillets de feuilles sèches pour s’isoler du sol humide.

Les primatologues ont mis en évidence des transmissions différentes de ces savoirs entre groupes de chimpanzés au point qu'on commence à parler de culture en ce qui les concerne. «Nous pensions que la culture et par-dessus tout la technologie étaient du domaine exclusif de l’homme mais ce n’est pas le cas», souligne Julio Mercader qui poursuit : «Casser la coque d’une noix pour en extraire la partie comestible est plus compliqué qu’il n’y paraît.(…) La transmission sociale de ce savoir-faire leur prend jusqu’à sept ans à acquérir».

Utilisation sélective de plantes à des fins thérapeutiques

«<em>Quand ils sont malades, les chimpanzés sauvages mangent des plantes en petite quantité pour soulager leur maux. Pour l'instant, nous ne savons pas si ce savoir est inné ou acquis</em>», témoigne la vétérinaire Sabrina Krief. &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Source : Wikipedia)
«Quand ils sont malades, les chimpanzés sauvages mangent des plantes en petite quantité pour soulager leur maux. Pour l'instant, nous ne savons pas si ce savoir est inné ou acquis», témoigne la vétérinaire Sabrina Krief.
(Source : Wikipedia)

En janvier 2007, la revue française Sciences et Avenir rendait compte, quant à elle, des travaux de la chercheuse française au Centre national de recherche scientifique (CNRS), Sabrina Krief. Cette dernière, maître de conférences au Museum national d’histoire naturelle (MNHN) s’intéresse à la «culture médicale» des chimpanzés. Observant le comportement alimentaire des chimpanzés ougandais, elle enquête depuis plusieurs années sur l’utilisation sélective des plantes par les primates. Elle a ainsi remarqué que les chimpanzés ingéraient, exceptionnellement, certaines plantes à des fins thérapeutiques lorsqu’ils étaient malades ou blessés.

«On sait encore peu de choses sur les maladies des grands singes, mais il est certain qu’ils ont de bonnes médecines à portée de main (…) alors qu’ils rencontrent de multiples parasites, virus, microbes et qu’ils sont souvent mutilés par des pièges à petit gibiers des braconniers. Ils trouvent des plantes qui peuvent les guérir ou maintenir une immunité suffisante pour résister à la maladie et à la gangrène», souligne Sabrina Krief. Des études qui intéressent vivement les laboratoires pharmaceutiques car, insiste la vétérinaire, «il existe près de 500 000 plantes sur la planète. A ce jour moins de 10% ont été répertoriées. La nature est une importante source de diversité biochimique».