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Mondialisation/ biodiversité

L’UE part en guerre contre les «aliens»

par Dominique Raizon

Article publié le 17/03/2008 Dernière mise à jour le 24/04/2008 à 12:48 TU

Harmonia axyridis(Photo : Michael Becker/ GNU Free Documentation license)

Harmonia axyridis
(Photo : Michael Becker/ GNU Free Documentation license)

Bien après les Etats-Unis ou l'Australie, l'Union européenne envisage enfin de se doter d'une législation protégeant les faunes et flores locales des milliers d’espèces importées, volontairement ou non, et qui se répandent très vite, et qui ne laissent pas le temps aux espèces locales de s’adapter, notamment les plus fragiles, les plus spécialisées et les moins opportunistes. Ces espèces sont dites « invasives » et elles déstabilisent les écosystèmes locaux.

Tous les jours, la mondialisation et les milliers de tonnage de produits, qui circulent d’un continent à l’autre, contribuent à l'introduction involontaire d'espèces. C’est ainsi que des larves d’insectes circulent dans les bois exotiques et dans les caisses en bois et que des fourmis envahissantes voyagent dans des conteneurs ! C’est ainsi que les abeilles sont aujourd’hui victimes d’un prédateur redoutable, le frelon d’Asie, et qu’une course contre la montre est engagée sur la côte méditerranéenne française pour tenter de prévenir l'explosion d'un nouveau ravageur des palmiers du littoral, plus invasif et plus destructeur que ses prédécesseurs.

A ces visiteurs indésirables, s’ajoutent les espèces délibérément introduites. Après l'Allemagne et la Belgique, « la coccinelle asiatique, qui se développe en France, a été introduite pour lutter contre les pucerons », souligne Florian Kirchner, de l'UICN, à l'appui des conclusions de l’inventaire européen DAISIE (Delivering Alien Invasive Species Inventories in Europe)

Mais la voracité de cette coccinelle et sa prolificité l’ont rendue hors de contrôle : introduite hier pour la lutte biologique, elle est aujourd’hui considérée comme nuisible. En Polynésie, l'euglandine -l’escargot carnivore américain- a été introduit pour se débarrasser d'un escargot trop prolixe, l'achatine, lequel avait lui-même été introduit à des fins alimentaires. Mais, « en quelques décennies, [l'euglandine] a éradiqué 59 espèces endémiques ».

Ces espèces invasives, qui se comptent par milliers, ont la plupart du temps été introduites volontairement « mais aucun recensement de leurs impacts écologiques et économiques n'est à ce jour disponible à l'intérieur de l'UE », déplore l'Union mondiale pour la nature (UICN). Pourtant, la prolifération des espèces exotiques envahissantes (EEE) constitue la deuxième cause d'extinction dans le monde -après la destruction des habitats naturels- et sans doute la première dans les îles.

Description du cycle d'une Harmonia axyridis.(Photo, domaine public)

Description du cycle d'une Harmonia axyridis.
(Photo, domaine public)


L'Europe sera prête à réagir d'ici début 2010

Outre ces dommages certains pour les écosystèmes, ces espèces invasives représentent parfois des risques sanitaires, en étant à l’origine d’allergies par exemple, et leur développement aux dépends des espèces endémiques peut avoir des impacts économiques : ainsi, l’apparition d'une méduse, en mer Noire, fait perdre quelque 17 millions de dollars par an aux pêcheries d'anchois. Et, l'introduction d'un parasite dans plus de 46 rivières et 37 élevages de Norvège a provoqué une baisse de densité de 86% des saumons dans les cours d'eau infectés. L’inventaire Daisie cite encore l'exemple allemand du rat musqué et celui d’une plante herbacée ligneuse qui se conjuguent pour éroder les berges des rivières, causant ainsi des inondations qui représentent plus de 40 millions d'euros de dégâts chaque année.

« Il faut d'abord compiler et analyser les données, puis les communiquer au public afin de le sensibiliser. Ensuite, on pourra identifier une gamme d'options politiques avec l'ensemble de leurs retombées possible », explique Clare Shine, consultante de la Commission européenne sur ce dossier, qui estime que l'Europe sera prête à réagir d'ici début 2010. « Le véritable enjeu est de savoir où mettre le seuil de protection, à l'importation notamment. La spécificité de l'UE est qu'une fois qu'un organisme y entre, il s'y balade librement. Il faudra un système de détection précoce quoi qu'il en coûte, car il revient beaucoup plus cher ensuite de lutter contre un phénomène installé ».

Début mars, la commission européenne a lancé une vaste consultation sur internet jusqu'en mai pour prendre le pouls des différents secteurs concernés et des particuliers. Mais, « pas question de stigmatiser les espèces exotiques pour autant, assure l'experte irlandaise. D'ailleurs, indique-t-elle, pour dédramatiser le débat le Royaume-Uni a renoncé au terme ‘alien’ et lui préfère désormais ‘non native’ pour désigner les indésirables ».

Pour en savoir plus :

Site de l'UICN (cliquez ici)

Liste rouge de l'UICN (cliquez ici)

Site de l'Unité d'Entomologie fonctionnelle et évolutive de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux (Belgique), (cliquez ici).

Pour visionner la vidéo Combat entre frelons d'Asie et abeilles, se rendre sur le site de la Chaîne verte .