par Dominique Raizon (avec AFP)
Article publié le 03/06/2008 Dernière mise à jour le 05/06/2008 à 10:38 TU
Diverses espèces épiphytes dans une forêt humide en Amérique centrale. Les écosystèmes de la zone intertropicale hébergent la plus grande partie de la biodiversité mondiale actuelle.
(Photo : Creative Commons Attribution)
Les forêts tropicales, les ours polaires et les éléphants, d'accord, mais quel intérêt y aurait-il à préserver systématiquement toutes les espèces menacées ? Les défenseurs de la biodiversité arguent du principe de précaution. « Certaines espèces semblent avoir un rôle mineur et d'autres ont au contraire un rôle clef dans le fonctionnement des écosystèmes », souligne Didier Babin, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), à Bonn où se tient la conférence de l'ONU sur la biodiversité.
Souvent, ce ne sont pas les espèces emblématiques qui ont le plus beau rôle : « par exemple, le ver de terre a un rôle majeur dans la décomposition organique. S'il venait à disparaître, il n'y aurai plus de décomposition donc plus de fertilisation des sols », fait valoir Didier Babin. C’est à ce titre aussi que le scarabée pique-prune, qui se nourrit de bois mort, qu'il décompose et transforme en terreau, est une espèce protégée. Sa présence sur le tracé d'une autoroute dans l'ouest de la France a justifié l'arrêt du projet d'aménagement pendant plusieurs années et sa modification.
Un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un tiers des amphibiens et 70% des plantes sont menacés, selon la « liste rouge » de l'UICN. D'autres espèces, comme les requins, se situent au sommet de la chaîne alimentaire et ont un rôle de régulateur. « Leur disparition est susceptible de provoquer une prolifération d'autres espèces », explique Didier Babin. Et, « si on ne peut pas démontrer qu'une espèce ne sert à rien, à l'inverse on ne peut pas non plus démontrer que toutes les espèces servent à quelque chose », estime-t-il. « Aucune espèce n'est banale, chacune est le produit de millions d'années d'évolution et joue un rôle dans l'écosystème », souligne Wendy Fodin, de l'Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN).
La santé de l’homme dépend de la biodiversité
Au total, 785 espèces sont déjà éteintes et 65 survivent seulement en captivité ou à l'état domestique. Mais cette liste ne dit pas quel rôle jouent les espèces concernées dans les écosystèmes, de même qu'elle n'établit aucune hiérarchisation en fonction de leur utilité. « Il est parfois difficile de prévoir les effets de la disparition d'une espèce », reconnaît Wendy Fodin. Le Dodo, de la Réunion, a disparu au siècle dernier: « On s'est aperçu plus tard qu'il contribuait à polliniser de nombreuses plantes en dispersant leurs graines », explique-t-elle.
« Depuis que les populations d'abeilles déclinent, en France et aux Etats-Unis, tout le monde semble découvrir à quel point elles sont utiles ». Les abeilles assurent 80% des espèces végétales par pollinisation, soit 35% des ressources alimentaires mondiales. Dans Sustaining Life (Oxford University press), un livre publié récemment, des scientifiques ont dressé un tableau des trésors que recelait la nature pour la médecine, montrant à quel point la santé de l'homme dépendait de la biodiversité.
Les auteurs de cet ouvrage, Eric Chivian et Aaron Bernstein, citent notamment le cas de deux espèces de grenouilles du genre Rheobatrachus découvertes dans les années 80 en Australie qui avaient la caractéristique d'avaler leurs oeufs et de les faire incuber en suspendant leurs fonctions digestives pendant cette période. Des études ont révélé qu'elles émettaient des substances qui bloquaient les sécrétions d'acide dans l'estomac, ouvrant ainsi de nouveaux espoirs pour le traitement des ulcères digestifs chez l'homme … Ces études n'ont pu aboutir car ces deux espèces sont désormais éteintes !
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