par Agnès Rougier
Article publié le 18/05/2009 Dernière mise à jour le 29/05/2009 à 14:18 TU
A la même époque, à la Pendjari, au Bénin, les habitants avaient déjà quitté les bords de la rivière de leur plein gré, à cause de la présence de mouches tsé-tsé. Mais dans les deux cas, un coup d’arrêt a été donné aux rituels pratiqués dans ce qui était alors leurs bois sacrés.
Sur les bords du fleuve Niger, les villageois ont gardé la mémoire de ces liens étroits avec la grande faune qui peuple le cœur du parc W. Hama Abdou, guide au parc, rencontre Fatouma, villageoise, au bord du fleuve Niger...
Guide au parc W. (Niger), joint par téléphone.
« Ils disent qu'il y a beaucoup de crocodiles dans le fleuve... Avant, quand un lion rugissait, le chef du village l'appelait. »
Le varan, animal totem Chaque famille a son, ou ses totems. Le boa, le varan du Nil ou le varan terrestre sont les totems des familles de la région du fleuve Niger. Mais pourquoi un animal particulier est-il lié à une famille particulière ? La réponse avec Hama Abdou... |
Hama Abdou« Le varan du Nil et le varan terrestre, deux frères qui conseillent d'aider les parents... »
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Après la colonisation, la guerre a continué
Après le départ des colonisateurs, ces espaces réservés ont été soit repris par les Etats soit confiés à des entrepreneurs privés. Mais, perdurant, les interdictions ont généré des abcès de fixation : la population braconnait, posait des pièges ou exerçait secrètement ses pratiques rituelles traditionnelles, sans prendre garde aux destructions de faune ou de flore qu’elles pouvaient provoquer. Ces pratiques, pour être interdites, étaient alors durement réprimées par les autorités. Ainsi, au Niger, au Burkina Faso et au Bénin, les gardes forestiers - des militaires, des « corps armés » - faisaient régner l’ordre par la force.
Classement et changement
Avec le classement par l’Unesco de ces parcs en réserves de biosphère, dans les années 1980, le paradigme de la conservation a été modifié dans les termes, sinon dans les faits. Et l’organisation a commencé doucement à prendre en compte les demandes des habitants. Mais ce n’est que depuis la fin des années 1990 que les choses ont vraiment évolué.
Dans la réserve de la Pendjari, l’arrivée de Djafarou Ali Tiomoko, en 1998, a marqué le début des discussions avec les villageois. Le nouveau directeur a commencé par écouter les demandes et a joué son rôle de médiateur afin de convaincre les différents partenaires de l’intérêt bien compris qu’il y aurait à tolérer les pratiques rituelles dans ces lieux, sacrés depuis les temps anciens.
Directeur de la réserve de la Pendjari
« Dans la zone de chasse de Batia, la mare Bori est sacrée depuis des temps immémoriaux. »
Aujourd’hui, la conciliation au parc W du Bénin
A Banikoara, un village situé dans la zone d’occupation contrôlée du parc W du Bénin, la tradition a repris son cours. Les villageois, sous la direction de leur roi, Nan Sou No, pratiquent leurs rites sacrificiels aux chutes de Koudou, au bord de la rivière Mékrou. La Mékrou, un affluent du fleuve Niger, forme la frontière entre le Bénin et le Burkina Faso, qui est juste de l’autre côté, sur la rive gauche de la rivière.
Même en fin de saison sèche, l’endroit reste vert et l’eau descend tumultueusement le long de sept rapides qui forment les chutes de Koudou. Au pied des chutes, le vaste bassin où vivent des crocodiles est dominé par un gros rocher rond et rouge, placé en équilibre, qui a donné son nom aux chutes. Et en se promenant dans cet endroit magique, on comprend aisément l’attachement que les populations riveraines lui vouent. Pour Nan Sou No, le roi de Banikoara, la faune est divisée entre les animaux-totems et les animaux à chasser. Il y a le serpent boa, le lion et les crocodiles...
Nan Sou No, le roi de Banikoara, Paul Koba, gérant du campement de Koudou, et Kénin Tamou Nanti, socio-anthropologue, invitent à une promenade aux chutes de Koudou ...
Socio-anthropologue
« Les gens arrivent en camion pour faire des sacrifices sous le baobab. L'an dernier, j'étais avec le roi de Banikoara pour assister aux sacrifices, avec le soutien du parc ... c'est un enjeu sérieux la religion. »
Lac au pied des chutes de Koudou, au Bénin, dominé par le rocher du même nom.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)
Le parc du W étant situé sur 3 pays, sa situation est exemplaire des difficultés et des différences dans lesquelles se trouvent les réserves de biosphère, qui, même si elles sont fondées sur une théorie commune, sont plus ou moins avancées dans la pratique. Au W Bénin, l’entente semble régner de façon durable, et en tous cas la discussion est ouverte entre les autorités et les populations. Le W Burkina paraît suivre le même chemin, mais la décentralisation prônée par l’Etat (qui dans ce domaine peut être un avantage pour les populations) n’étant pour l’heure pas vraiment effective, le dialogue entre les forestiers et la population reste moins aisé.
Quant au W Niger, une histoire lourde associée à l’éloignement des villages et à leur situation géographique (de l’autre côté du fleuve Niger, par rapport au cœur de la réserve) rend les choses probablement plus compliquées. Les relations entre villageois et autorités manquent de fluidité, et les populations peuvent avoir le sentiment d’avoir été oubliées. Mais le mouvement est en route. Gageons donc que, à terme, la situation deviendra moins conflictuelle.
Une fois de plus, la Pendjari, réserve de biosphère béninoise, fait figure de modèle dans la mesure où le problème semble être réglé au mieux pour tout le monde : chacun y pratique ses rituels en bonne intelligence avec le reste des interlocuteurs, dans un but commun de préservation de la nature et de l’homme dans la nature.
Pour en savoir plus :
Consulter les sites de
- Unesco
- la Pendjari
- Fonds français pour l'environnement mondial
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