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Biosphère/Afrique de l'Ouest

Concilier rites traditionnels et réserves de faune

par Agnès Rougier

Article publié le 18/05/2009 Dernière mise à jour le 29/05/2009 à 14:18 TU

Le cœur, la zone centrale des réserves de biosphère, est en principe interdite à toute activité sauf à la recherche scientifique. Pourtant, dans le cadre de la gestion des ressources naturelles avec les populations, les habitants des villages de la réserve peuvent y pratiquer leurs rites traditionnels. Un changement historique dans les réserves d’Afrique de l’Ouest dont ils ont été chassés il y a longtemps.

Les chutes de Koudou, au parc W. du Bénin.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Les chutes de Koudou, au parc W. du Bénin.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


« Déguerpissement » et perte des traditions »


Dans les années 1950, le colon a décidé de se garder des zones de chasse, créant des réserves et des parcs strictement dédiés à son propre usage. Cela s’est passé dans ce qui est aujourd’hui le parc transfrontalier du W où les villageois ont été contraints de quitter rapidement les lieux et de s'installer plus loin, dans des zones plus arides, moins naturellement riches, avec injonction armée de ne plus mettre les pieds dans les nouvelles réserves.

A la même époque, à la Pendjari, au Bénin, les habitants avaient déjà quitté les bords de la rivière de leur plein gré, à cause de la présence de mouches tsé-tsé. Mais dans les deux cas, un coup d’arrêt a été donné aux rituels pratiqués dans ce qui était alors leurs bois sacrés.

Village au bord du fleuve.(Photo : Hama Abdou)

Village au bord du fleuve.
(Photo : Hama Abdou)


Sur les bords du fleuve Niger, les villageois ont gardé la mémoire de ces liens étroits avec la grande faune qui peuple le cœur du parc W. Hama Abdou, guide au parc, rencontre Fatouma, villageoise, au bord du fleuve Niger...

Hama Abdou

Guide au parc W. (Niger), joint par téléphone.

« Ils disent qu'il y a beaucoup de crocodiles dans le fleuve... Avant, quand un lion rugissait, le chef du village l'appelait. »

18/05/2009 par Agnès Rougier

 

© Licence de documentation libre GNU

Le varan, animal totem

Chaque famille a son, ou ses totems. Le boa, le

varan du Nil ou le varan terrestre sont les totems

des familles de la région du fleuve Niger.

Mais pourquoi un animal particulier est-il lié à une famille

particulière ? La réponse avec Hama Abdou... 

 

Hama Abdou

« Le varan du Nil et le varan terrestre,

deux frères qui conseillent d'aider les parents... »

21/05/2009 par Agnès Rougier

 

Le varan des savanes.© Licence de documentation libre GNU.

Le varan des savanes.
© Licence de documentation libre GNU.

Après la colonisation, la guerre a continué

Après le départ des colonisateurs, ces espaces réservés ont été soit repris par les Etats soit confiés à des entrepreneurs privés. Mais, perdurant, les interdictions ont généré des abcès de fixation : la population braconnait, posait des pièges ou exerçait secrètement ses pratiques rituelles traditionnelles, sans prendre garde aux destructions de faune ou de flore qu’elles pouvaient provoquer. Ces pratiques, pour être interdites, étaient alors durement réprimées par les autorités. Ainsi, au Niger, au Burkina Faso et au Bénin, les gardes forestiers - des militaires, des « corps armés » - faisaient régner l’ordre par la force.

Classement et changement

Crépuscule dans la zone de Batia.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Crépuscule dans la zone de Batia.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Avec le classement par l’Unesco de ces parcs en réserves de biosphère, dans les années 1980, le paradigme de la conservation a été modifié dans les termes, sinon dans les faits. Et l’organisation a commencé doucement à prendre en compte les demandes des habitants. Mais ce n’est que depuis la fin des années 1990 que les choses ont vraiment évolué.

Dans la réserve de la Pendjari, l’arrivée de Djafarou Ali Tiomoko, en 1998, a marqué le début des discussions avec les villageois. Le nouveau directeur a commencé par écouter les demandes et a joué son rôle de médiateur afin de convaincre les différents partenaires de l’intérêt bien compris qu’il y aurait à tolérer les pratiques rituelles dans ces lieux, sacrés depuis les temps anciens.

Djafarou Ali Tiomoko

Directeur de la réserve de la Pendjari

« Dans la zone de chasse de Batia, la mare Bori est sacrée depuis des temps immémoriaux. »

18/05/2009 par Agnès Rougier


Aujourd’hui, la conciliation au parc W du Bénin

A Banikoara, un village situé dans la zone d’occupation contrôlée du parc W du Bénin, la tradition a repris son cours. Les villageois, sous la direction de leur roi, Nan Sou No, pratiquent leurs rites sacrificiels aux chutes de Koudou, au bord de la rivière Mékrou. La Mékrou, un affluent du fleuve Niger, forme la frontière entre le Bénin et le Burkina Faso, qui est juste de l’autre côté, sur la rive gauche de la rivière.

Même en fin de saison sèche, l’endroit reste vert et l’eau descend tumultueusement le long de sept rapides qui forment les chutes de Koudou. Au pied des chutes, le vaste bassin où vivent des crocodiles est dominé par un gros rocher rond et rouge, placé en équilibre, qui a donné son nom aux chutes. Et en se promenant dans cet endroit magique, on comprend aisément l’attachement que les populations riveraines lui vouent. Pour Nan Sou No, le roi de Banikoara, la faune est divisée entre les animaux-totems et les animaux à chasser. Il y a le serpent boa, le lion et les crocodiles...

Nan Sou No, le roi de Banikoara, chez lui.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Nan Sou No, le roi de Banikoara, chez lui.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


Nan Sou No, le roi de Banikoara, Paul Koba, gérant du campement de Koudou, et Kénin Tamou Nanti, socio-anthropologue, invitent à une promenade aux chutes de Koudou ...

Kénin Tamou Nanti

Socio-anthropologue

« Les gens arrivent en camion pour faire des sacrifices sous le baobab. L'an dernier, j'étais avec le roi de Banikoara pour assister aux sacrifices, avec le soutien du parc ... c'est un enjeu sérieux la religion. »

18/05/2009 par Agnès Rougier


Une réconciliation en cours

Lac au pied des chutes de Koudou, au Bénin, dominé par le rocher du même nom.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Lac au pied des chutes de Koudou, au Bénin, dominé par le rocher du même nom.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Le parc du W étant situé sur 3 pays, sa situation est exemplaire des difficultés et des différences dans lesquelles se trouvent les réserves de biosphère, qui, même si elles sont fondées sur une théorie commune, sont plus ou moins avancées dans la pratique. Au W Bénin, l’entente semble régner de façon durable, et en tous cas la discussion est ouverte entre les autorités et les populations. Le W Burkina paraît suivre le même chemin, mais la décentralisation prônée par l’Etat (qui dans ce domaine peut être un avantage pour les populations) n’étant pour l’heure pas vraiment effective, le dialogue entre les forestiers et la population reste moins aisé.

Quant au W Niger, une histoire lourde associée à l’éloignement des villages et à leur situation géographique (de l’autre côté du fleuve Niger, par rapport au cœur de la réserve) rend les choses probablement plus compliquées. Les relations entre villageois et autorités manquent de fluidité, et les populations peuvent avoir le sentiment d’avoir été oubliées. Mais le mouvement est en route. Gageons donc que, à terme, la situation deviendra moins conflictuelle.

Une fois de plus, la Pendjari, réserve de biosphère béninoise, fait figure de modèle dans la mesure où le problème semble être réglé au mieux pour tout le monde : chacun y pratique ses rituels en bonne intelligence avec le reste des interlocuteurs, dans un but commun de préservation de la nature et de l’homme dans la nature.

Le soleil se couche sur la Pendjari.(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

Le soleil se couche sur la Pendjari.
(Photo : Agnès Rougier/ RFI)


 

Pour en savoir plus :

Consulter les sites de

- Unesco

- la Pendjari

- Fonds français pour l'environnement mondial