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Jeux Olympiques

La Chine a obtenu ses jeux

par Gérard Dreyfus

Article publié le 13/07/2001 Dernière mise à jour le 12/07/2001 à 22:00 TU

Pas de surprise à Moscou. Les 104 membres du Comité directeur du CIO ont préféré Pékin à Paris : la capitale chinoise accueillera dans sept ans la grande fête du sport mondial, en dépit des nombreuses prises de position contre la candidature de Pékin, souvent qualifiée de «médaille d'or des violations des droits de l'homme».
Le meilleur dossier û celui de Paris était le meilleur du point de vue strictement sportif û, le dossier le plus en conformité avec les règles olympiques n'a jamais constitué la moindre certitude pour l'obtention des Jeux Olympiques. Il y a bien d'autres paramètres qui interviennent au moment où les grands électeurs déposent leur bulletin dans l'urne. Dans cet esprit, Paris n'était pas de taille à lutter avec Pékin.

Pékin représentait d'abord l'attrait de la nouveauté. La Chine constitue pour le monde actuel une énigme avec ce contraste étonnant d'ancestralité et de modernité. La Chine, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, est appelée à devenir dans les prochaines années l'un des pays phares de la planète qu'il n'est pas encore. Et Pékin, une capitale qui compte, autant que Washington, par exemple. Politiquement, bien sûr, économiquement davantage encore. Cet atout géostratégique explique pour une bonne part le choix des «olympiques». Il était difficilement envisageable de lui fermer une deuxième fois la porte après sa défaite face à Sydney en 1993. Pouvait-on raisonnablement faire comme si cet immense pays de sport et de culture n'existait pas ? Pouvait-on refuser les Jeux à ce pays-continent qui représente un cinquième de l'humanité¯? Sportivement parlant c'était tout simplement inconcevable. Du point de vue de l'alternance continentale qui est une règle non écrite du mouvement sportif international, accorder les Jeux de 2008 à Paris, aurait représenté un passe-droit fait à l'Europe, après les Jeux d'Athènes en 2004, les Jeux d'Hiver en 2006 et la Coupe du Monde de football la même année. Les membres européens du CIO (ils étaient 56, soit pas loin de la moitié) l'ont bien compris. Les Jeux sont universels et ne sauraient en aucun cas être la chasse gardée du Vieux continent. Leur pérennité passe par le respect d'un certain équilibre géographique.

La raison politique et économique commandait le choix de Pékin

Face à cette évidence, beaucoup de voix ont demandé que Pékin soit mise hors Jeux en raison de sa politique de répression, des exécutions massives de criminels, de l'annexion de fait du Tibet. C'était ignorer que le CIO a toujours mis en avant son a-politisme. Un credo qu'il a utilisé chaque fois qu'il était confronté à un tel problème d'ordre moral (voire Moscou en 1980). De plus les avis sont très partagés sur les conséquences, pour les Chinois, de l'obtention des Jeux par Pékin. Certains intellectuels et politologues affirmaient, avant le vote, que les dirigeants se sentiraient renforcés et qu'ils ne se résoudraient pas à la démocratisation du régime, ayant gagné la reconnaissance universelle à travers la plus grande manifestation sportive de la planète. D'autres, tout aussi respectables, étaient d'un avis totalement opposé. Les années qui viennent nous diront qui avait raison.

Plus que jamais, pourtant, la Chine sera placée sous la vigilance des défenseurs des Droits de l'Homme, attachés au respect de la dignité humaine et de la liberté individuelle. C'est un pari sur l'avenir. Que le CIO a tenté. Avec la volonté non avouée mais bien connue du Président Samaranch, à l'heure de son départ, de laisser une dernière trace historique de son long passage à la tête d'une institution qui, pour avoir été souvent décriée sous sa succession de mandats, n'en a pas moins renforcé la puissance des Jeux. On les a parfois dits menacés¯; ils n'ont jamais été aussi forts.

Le c£ur, celui des athlètes, celui de la fraternité, de l'égalité, de la générosité, plaidait en faveur de Paris. La raison, politique et économique, commandait le choix de Pékin. 2008 sera l'année de la Chine. Le CIO l'a voulu ainsi.

Sans anticiper l'avenir, une candidature de Paris pour 2012 aurait toutes les chances d'aboutir. Mais laissons le temps effacer la déception.