Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Quinquennat

Quinquennat: le débat, quel débat ?<br> <br>

Jacques Chirac avait prévenu : la réforme du quinquennat ne souffrirait aucune digression de sa finalité première. Pas question de dévier de l'objectif minimal accepté par le chef de l'Etat : la stricte réduction de la durée du mandat présidentiel. Le débat parlementaire a étouffé les interrogations sur l'évolution des institutions.
Des regrets, encore des regrets : les élus de tous bords les partagent pour déplorer l'abdication de tout volontarisme institutionnel que constitue le quinquennat sec. La Ve République a fait son temps, estiment la plupart d'entre eux, qui depuis des années dénoncent certains archaïsmes ou dysfonctionnements. Certains auraient même souhaité promouvoir à cette occasion une VIe République. Sans aller jusque là, force est de reconnaître que la démocratie française fonctionne mal. Son approfondissement impliquait pour le moins un véritable débat sur les institutions dont il est dommage d'avoir fait l'économie.

La mise en cause des institutions actuelles touche d'abord l'équilibre des pouvoirs. Régime parlementaire, la Ve République comporte certaines anomalies qui contribuent à la déséquilibrer au bénéfice de l'Exécutif. L'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct sacralise la fonction d'un homme qui dispose du pouvoir de dissolution de l'Assemblée nationale, mais qui n'est pas responsable devant elle. Ce déséquilibre a été à plusieurs reprises dénoncé dans le passé sous le nom de "monarchie républicaine". Seule, la multiplication des cohabitations a limité ces dernières années la toute puissance du président de la République. L'instauration d'un quinquennat sec ne devrait pas contribuer à la remettre en cause. Si la concomitance des élections présidentielle et législatives conduisait à assurer systématiquement au président une majorité à l'Assemblée, il verrait ses prérogatives encore renforcées. En faisant l'économie d'une interrogation sur la nécessité de conforter un parlement qui n'est même pas maître de son ordre du jour, la réforme pourrait contribuer à déséquilibrer encore un peu plus l'architecture institutionnelle.

L'autre piste de réflexion à laquelle les élus se sont vus contraints de renoncer concerne les différents mandats et le mode de scrutin utilisé. L'instillation d'une dose de proportionnelle réclamée par les Verts ne constituerait pas forcément une entrave à la nécessaire stabilité des institutions. Encore faudrait-il en définir les limites et les modalités, et pour cela accepter d'ouvrir le débat. De la même manière, la réflexion s'impose sur une véritable limitation du cumul des mandats qui favorise l'émergence de générations nouvelles et contribue à limiter un absentéisme parlementaire sans cesse déploré.

Un débat sur la durée des autres mandats n'aurait pas été inutile. Le quinquennat est généralement présenté comme un symbole de modernité, conforme au rythme normal des démocraties. La simultanéité des scrutins présidentiel et législatif incite à s'interroger sur le rôle d'arbitre conféré par la Constitution au chef de l'Etat. Ne risque-t-il pas d'être amputé par cette coïncidence de calendrier qui confirmera encore sa dimension de chef d'un camp? Est-il par ailleurs logique que le président de la République dispose dans l'avenir d'un mandat d'une durée inférieure à celui des maires ou sénateurs? L'élection pour neuf ans des membres de la haute assemblée, maintes fois dénoncée, n'apparaîtra-t-elle pas dans l'avenir encore plus anachronique ? Autant de débats ajournés par la volonté de Jacques Chirac de justifier son propre revirement sur le quinquennat par une réforme minimale.

Chirac dans une situation inconfortable

Ce défaut d'ambition risque pourtant aujourd'hui de se retourner contre son promoteur. Un débat institutionnel par trop élitiste ne passionne pas l'opinion publique. Toutes les enquêtes des instituts de sondages confirment un engouement pour le quinquennat, mais aussi le risque de voir une majorité de Français aller à la pêche à la ligne s'ils étaient appelés à se prononcer par référendum. Le président de la République porte une part de responsabilité dans cette possible bouderie des urnes. En lançant à la télévision: "Si les Français votent oui, c'est bien, s'ils votent non, c'est bien", il a minoré la portée de la réforme qu'il initiait. Il se retrouve aujourd'hui dans la situation paradoxale d'avoir à choisir entre deux procédures bien inconfortables.

Recourir au référendum relève de ses seules prérogatives. A la télévision, le chef de l'Etat a indiqué sa nette préférence pour cette voie. Mais une faible participation serait portée à son débit, même si dans les faits, elle n'entacherait pas la légitimité du choix des Français. En revanche, la décision de recourir à cette procédure serait inévitablement contestée, tout comme la mollesse du président à défendre une évolution à laquelle il semble s'être rallié sous la contrainte.

La voie du Congrès - vote par l'Assemblée et le Sénat réunis à Versailles - n'est pas pour autant aisée à choisir. Si Jacques Chirac tranchait en sa faveur, il lui faudrait justifier de ne pas recourir au peuple sur un sujet aussi symbolique, en avançant d'autres arguments que la seule peur d'une insuffisante mobilisation du corps électoral. Difficile de prétendre vouloir donner plus de consistance à la pratique du référendum en y renonçant par pusillanimité. Le chef de l'Etat s'est enfin, en la circonstance, trop engagé en faveur de cette procédure pour que son abandon ne soit pas interprété comme un nouveau revirement aux conséquences politiques incertaines.

Jacques Chirac se retrouve donc dans une situation bien inconfortable. Pour avoir renoncé à lancer un vaste chantier de modernisation de la vie publique dont il aurait pu recueillir les lauriers, il risque fort dans la campagne présidentielle à venir de voir son principal concurrent endosser la panoplie de la modernité et promettre d'autres avancées institutionnelles. A son tour, Jacques Chirac n'aurait alors que des regrets...




par Geneviève  Goetzinger

Article publié le 21/06/2000