Syrie
Jacques Chirac à Damas
Jacques Chirac est l'unique dirigeant occidental présent aux obsèques du président syrien Hafez el Assad. Si la France se distingue, c'est moins pour célébrer une relation tumultueuse avec Damas que pour tenter de reprendre pied sur la scène du Proche-orient.
Réalisme ? Cynisme ? Maladresse ? Jacques Chirac est le seul chef d'Etat ou de gouvernement occidental à suivre le cercueil d'un dirigeant syrien qualifié, au mieux, d'autocrate à la poigne de fer, au pire de tyran impitoyable. Les réactions, en France, sont partagées. A droite comme à gauche, certains condamnent l'initiative, le député Vert Noël Mamère estimant qu'«Hafez el Assad fait partie de cette panoplie de crapules qui dirigent notre planète», le député européen RPF Philippe de Villiers voyant dans le voyage de Jacques Chirac «une grave erreur et aussi une faute morale vis-à-vis du Liban», alors que ce pays «est aujourd'hui occupé par la soldatesque syrienne».
Le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, qui est du voyage, justifie le déplacement présidentiel par la nécessité diplomatique: «La question syro-libanaise ou syro-israélienne est fondamentale. Vous devez avoir des contacts au plus haut niveau, le plus vite possible». Même sentiment chez son prédécesseur Hervé de Charette: «On ne peut pas dire qu'Hafez el Assad soit un parangon de la démocratie ou un symbole des droits de l'homme dans le monde. Simplement, les intérêts de la France sont si importants dans cette région qu'il est essentiel que notre pays soit toujours présent».
L'ancien ministre sait de quoi il parle: c'est lui qui, en 1996, avait obtenu par ses navettes diplomatiques et avec l'aide syrienne, la présence française dans la commission de surveillance du cessez-le-feu au Sud-Liban. L'initiative de Jacques Chirac serait-elle une illustration supplémentaire, sur le mode réaliste, de la fameuse «politique arabe de la France»¯? Ce serait oublier un peu vite les périodes orageuses, parfois violentes, des rapports entre Paris et Damas.
«Dialogue renforcé avec Damas»
Le début des années quatre-vingt est une époque sombre, marquée par l'assassinat de l'ambassadeur de France au Liban Louis Delamare, les attentats contre le contingent français stationné à Beyrouth (58 soldats tués dans le camp du Drakkar en octobre 1983), et plusieurs prises d'otages français. L'éclaircie survient en 1984, lors de la visite de François Mitterrand à Damas. Elle se confirmera en 1995 avec l'arrivée de Jacques Chirac à l'Elysée et son voyage en Syrie l'année suivante. On parle alors de «dialogue renforcé avec Damas». Entre temps, la Syrie a montré, selon Paris, quelques signes de bonne volonté, notamment sa participation à la conférence de Madrid de 1991 sur la paix au Proche-orient. La France a également apprécié la présence syrienne, aux côtés d'Israël, dans le partenariat euro-méditerranéen lancé en 1995. Sans parler de la visite à Paris d'Hafez el Assad en juillet 1998, premier voyage du chef de l'Etat syrien dans un pays occidental en vingt-deux ans.
Jacques Chirac veut donc dépasser la méfiance de l'Occident à l'égard d'un pays qui figure toujours sur la liste américaine des pays soutenant le terrorisme, et qui, selon Amnesty international, compte au moins 1500 prisonniers politiques dans ses geôles (ce qui, selon les diplomates, «n'exclut pas la vigilance»).
Ce que semble vouloir Jacques Chirac c'est donc, plus que rendre hommage au défunt, encourager son successeur. D'autant qu'en novembre 1999, Bachar el Assad, qui n'était encore que le dauphin désigné, a été reçu à l'Elysée. Le geste du président, selon le Quai d'Orsay, «vise à exprimer l'engagement de la France en faveur du processus de paix».
Le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, qui est du voyage, justifie le déplacement présidentiel par la nécessité diplomatique: «La question syro-libanaise ou syro-israélienne est fondamentale. Vous devez avoir des contacts au plus haut niveau, le plus vite possible». Même sentiment chez son prédécesseur Hervé de Charette: «On ne peut pas dire qu'Hafez el Assad soit un parangon de la démocratie ou un symbole des droits de l'homme dans le monde. Simplement, les intérêts de la France sont si importants dans cette région qu'il est essentiel que notre pays soit toujours présent».
L'ancien ministre sait de quoi il parle: c'est lui qui, en 1996, avait obtenu par ses navettes diplomatiques et avec l'aide syrienne, la présence française dans la commission de surveillance du cessez-le-feu au Sud-Liban. L'initiative de Jacques Chirac serait-elle une illustration supplémentaire, sur le mode réaliste, de la fameuse «politique arabe de la France»¯? Ce serait oublier un peu vite les périodes orageuses, parfois violentes, des rapports entre Paris et Damas.
«Dialogue renforcé avec Damas»
Le début des années quatre-vingt est une époque sombre, marquée par l'assassinat de l'ambassadeur de France au Liban Louis Delamare, les attentats contre le contingent français stationné à Beyrouth (58 soldats tués dans le camp du Drakkar en octobre 1983), et plusieurs prises d'otages français. L'éclaircie survient en 1984, lors de la visite de François Mitterrand à Damas. Elle se confirmera en 1995 avec l'arrivée de Jacques Chirac à l'Elysée et son voyage en Syrie l'année suivante. On parle alors de «dialogue renforcé avec Damas». Entre temps, la Syrie a montré, selon Paris, quelques signes de bonne volonté, notamment sa participation à la conférence de Madrid de 1991 sur la paix au Proche-orient. La France a également apprécié la présence syrienne, aux côtés d'Israël, dans le partenariat euro-méditerranéen lancé en 1995. Sans parler de la visite à Paris d'Hafez el Assad en juillet 1998, premier voyage du chef de l'Etat syrien dans un pays occidental en vingt-deux ans.
Jacques Chirac veut donc dépasser la méfiance de l'Occident à l'égard d'un pays qui figure toujours sur la liste américaine des pays soutenant le terrorisme, et qui, selon Amnesty international, compte au moins 1500 prisonniers politiques dans ses geôles (ce qui, selon les diplomates, «n'exclut pas la vigilance»).
Ce que semble vouloir Jacques Chirac c'est donc, plus que rendre hommage au défunt, encourager son successeur. D'autant qu'en novembre 1999, Bachar el Assad, qui n'était encore que le dauphin désigné, a été reçu à l'Elysée. Le geste du président, selon le Quai d'Orsay, «vise à exprimer l'engagement de la France en faveur du processus de paix».
par Philippe Quillerier-Lesieur
Article publié le 13/06/2000