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Zimbabwe

Des législatives sous haute tension<br>

Les élections législatives des 23 et 24 juin 2000 marquent un tournant dans l'histoire du Zimbabwe, alors que la "bataille des terres blanches" n'est toujours pas terminée, et plus d'un millier de fermes sont occupées par des "vétérans" et autres partisans du président Mugabe: un despote nationaliste de 76 ans qui continue d'attaquer violemment l'ancienne puissance coloniale, accusée de favoriser le principal leader de l'opposition, Morgan Tsvangirai.
Pour la première fois depuis l'indépendance du Zimbabwe, en 1980, le parti au pouvoir (ZANU-PF) du président Robert Mugabe doit faire face à un puissant parti d'opposition: le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) du syndicaliste Morgan Tsvangirai, alors que le pays traverse une grave crise politique et économique, depuis que des "vétérans" de la guerre de libération ont occupé des nombreuses fermes tenues par des exploitants blancs. Selon un sondage pré-électoral effectué par un institut indépendant l'opposition remporterait 70 des 120 sièges à pourvoir (sur un total de 150). Pronostic contesté par le porte-parole du gouvernement Jonathan Moyo pour qui l'opposition n'obtiendra que 18% des suffrages et trois sièges, car, selon lui, le MDC n'a fait campagne que sur un cinquième des circonscriptions du pays. En réalité, de nombreux cas d'intimidation et d'agressions de membres du MDC ont été enregistrés, notamment en dehors des grandes villes, où le parti du président Mugabe compte le plus de partisans. De analystes pensent que ces violences peuvent provoquer un rejet encore plus important du régime en place depuis 20 ans.

En février dernier, lors d'un référendum constitutionnel voulu par Mugabe, les Zimbabwéens avaient déjà infligé un important désaveu au régime, en votant "non" à plus de 54%. Le président Mugabe pourrait donc connaître une nouvelle défaite politique. Ce qui serait un événement considérable, car jusque là sn parti (la ZANU-PF) a remporté toutes les élections législatives, et détient actuellement 117 sièges sur 120, soumis aux suffrages: un score qu'elle ne pourra sans doute pas conserver face à une opposition déterminée, qui bénéficie du soutien de nombreux pays occidentaux comme de la minorité blanche zimbabwéenne.

Le scrutin sera-t-il "libre et juste"? La violence qui a ponctuée toute la campagne électorale a suscité de nombreuses critiques sur le plan international et des doutes quant aux conditions d'organisation de cette législative. Environ trois cent observateurs étrangers - notamment du Commonwealth, de l'Union européenne, de l'OUA et d'Afrique du sud - sont présents dans le pays. Ils semblent en mesure d'accomplir leur tâche, même si deux cent autres n'ont pas été admis, officiellement parce qu'il n'étaient pas membres d'organismes reconnus par l'ONU. Les chef de la délégation de l'UE a constaté des "poches de violences" dans certains endroits, alors que dans d'autres régions la campagne était "très normale"; il a néanmoins reconnu qu'il sera difficile de déterminer si le scrutin aura été démocratique: "nous essaierons de faire de notre mieux", a-t-il conclu. Quant au chef de la délégation du Commonwealth, il a déclaré que les man£uvres d'intimidation ont baissé à l'approche du scrutin et que "la violence semble s'être calmée".

En fait, l'issue de cette consultation dépendra en grande partie de la capacité des électeurs à résister aux pressions et intimidations. Le Zimbabwe a affronté tous les cinq scrutins législatifs depuis l'indépendance de 1980 dans des conditions de grande tension. Notamment en 1985, à la suite d'une répression très brutale de la rébellion qui avait éclaté dans le Matabeleland. Or, en dépit des campagnes de propagande et d'intimidations de toutes sortes, le peuple zimbabwéen s'est constamment déterminé de manière presque exemplaire: la ZANU-PF n'a remporté aucun siège dans le Matabeleland en 1985, et elle vient de subir une importante défaite en février dernier lors du référendum. En 1979 déjà le parti de l'évêque Abel Muzorewa, qui bénéficiait du soutien de l'Occident, des médias et de la minorité blanche, avait été largement battu par Robert Mugabe, alors que celui-ci n'avait pratiquement pas eu accès aux médias officiels.

Cette fois-ci l'opposition a pu compter sur la presse privée zimbabwéenne et internationale, et le pouvoir sur les médias publics et le quotidien The Herald. L'histoire récente, en dépit des violences qui l'ont ponctuée, a vraisemblablement permis aux Zimbabwéens de ne pas laisser transparaître leur appartenance politique. Une fois de plus ils se détermineront dans le secret de l'isoloir, sous l'£il de 300 observateurs internationaux qui ont fait leurs preuves ailleurs en Afrique



par Christophe CHAMPIN et  Elio COMARIN

Article publié le 23/06/2000