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Zimbabwe

Une campagne sur fonds de violence<br>

La campagne pour les législatives des 24 et 25 juin a été émaillée de nombreuses violences et intimidations contre les militants de l'opposition. Le Mouvement pour le changement démocratique, principal adversaire de la ZANU-PF au pouvoir, relayé par les observateurs étrangers, s'inquiète également des risques de manipulation du scrutin.
"Le temps est enfin venu pour les Zimbabwéens de choisir entre les forces de la violence et de la ruine économique, et ceux qui ont une chance d'apporter une gestion saine et le respect des valeurs démocratiques chéries par les nations civilisées ". Ce constat du respecté hebdomadaire économique zimbabwéen Financial Gazette en dit long sur l'atmosphère de tension qui a régné au Zimbabwe durant les quatre mois qui ont précédé les élections législatives des 24 et 25 juin.

Depuis le référendum constitutionnel de février 2000, qui a marqué la première défaite électorale du président Mugabe, le pouvoir et ses partisans ont engagé une épreuve de force avec l'opposition. Confronté à un adversaire de taille, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), le chef de l'Etat zimbabwéen a répété à plusieurs reprises qu'il ferait tout pour empêcher la victoire d'un mouvement accusé d'être à la solde des anciens colons. Il a tenu parole. En quatre mois, plus de mille exploitations agricoles appartenant à des Blancs ont été occupées par des vétérans de la guerre d'indépendance. Orchestré par le pouvoir, ce mouvement s'est accompagné de violences qui ont fait au moins trente morts, dont quatre fermiers blancs, et des centaines de blessés, en majorité proches de l'opposition.

Les partisans du président zimbabwéen sont en fait engagés dans une véritable campagne de terreur, dont les militants du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) et les autres partis désireux de briser la domination de la ZANU-PF sont les principales cibles. L'organisation de meetings de campagne est ainsi devenue un parcours du combattant, en particulier en dehors de la capitale, Harare, où les pressions et intimidations sont particulièrement fortes. Et les cas d'attaques contre les militants de l'opposition - tabassés, forcés de déchirer leur carte de membre ou soumis à des séances de rééducation forcée par des anciens combattants ou des militants de la ZANU-PF - ne se comptent plus. Selon les organisations locales de défense des droits de l'homme, au moins 6500 familles ont fuit les zones rurales après que leurs villages eurent été dévastés ou leurs maisons incendiées. Plusieurs représentants de l'opposition ont par ailleurs du quitter leur circonscription après l'annonce de leur candidature par peur des représailles. Au point que Morgan Tsvangirai, président du MDC, estimait récemment que seules 25 des 120 circonscriptions du pays étaient suffisamment sûres pour mener campagne sans risque.

Les Zimbabwéens blancs, au nombre d'environ 70 000, sont également une cible privilégiée des attaques du pouvoir, alors qu'ils interviennent ouvertement dans le débat politique pour la première fois depuis de longues années. Pour empêcher une partie d'entre eux de participer au scrutin, le gouvernement de Robert Mugabe a décidé que ceux qui bénéficiaient de la double nationalité seraient rayés des listes électorales. Mais la Haute cour, saisie par le MDC, en a jugé autrement en rétablissant leur droit de vote, le 16 juin dernier.

L'opposition évoque en outre des cas flagrants de fraude électorale. Margaret Dongo, l'une de ses figures de proue, a ainsi dénoncé les intimidations et les manipulations en cours dans sa circonscription de Harare-Sud. Cette ancienne combattante, qui avait rompu avec la ZANU-PF en 1995 après que sa candidature au parlement eut été arbitrairement écartée par la direction du parti, dénonce l'inclusion dans sa circonscription d'une dizaine de fermes occupées par des vétérans ou des squatters, et surtout de cinq casernes, où sont inscrits 11 000 militaires engagés en République démocratique du Congo.

Le rôle des médias, enfin, aura été beaucoup discuté pendant cette campagne. Si les citadins disposent de plusieurs sources d'informations, grâce à l'existence de nombreux journaux indépendants, les ruraux n'ont généralement accès qu'à la radio nationale, étroitement contrôlée par l'Etat. Or, malgré une injonction de la Haute cour qui a appelé les médias audiovisuels à davantage d'impartialité dans la couverture de la campagne électorale, la Zimbabwe Broadacting Corporation (ZBC) reste un instrument docile du pouvoir.

Autant dire que le contexte ne semble guère favorable à la tenue d'élections libres et transparentes.

" Les conditions pour des élections démocratiques crédibles n'existent toujours pas au Zimbabwe. Des dommages irréparables ont été causés au processus électoral, en particulier à cause de la violence politique ", a estimé lundi le National democratic institute (NDI). Cette organisation américaine, liée au Parti démocrate, avait prévu d'envoyer des observateurs chargés de veiller à la régularité des opérations de votes. Mais ils font partie des 200 représentants étrangers que les autorités zimbabwéennes refusent d'accréditer. Les 300 autres observateurs d'organisations internationales, telles que l'OUA, le Commonwealth, l'Union européenne ou la Communauté de développement d'Afrique australe, ont certes pour la majorité d'entre eux reçu l'aval du gouvernement. Ils viendront renforcer les locaux formés pour superviser le scrutin. Toutefois la limitation de leur nombre de 16 000 à 4000, dans le jours qui ont précédé les législatives, ajoutée au départ la semaine dernière d'une mission des Nations Unies à qui Harare a refusé la coordination de l'observation des élections, renforcent le sentiment que le gouvernement cherche à restreindre au maximum la présence de témoins gênants pendant le vote.

Le résultat de cette élection n'en est pas pour autant couru d'avance, estiment plusieurs analystes. A l'occasion du référendum du mois de février dernier, qui fut une cuisante défaite pour Robert Mugabe, l'opposition, qui avait activement fait campagne pour le µnon' a prouvé qu'elle pouvait remporter une victoire malgré la capacité avérée de manipulation électorale des autorités. Depuis, le pouvoir a, il est vrai, redoublé d'efforts pour éviter une défaite. Mais les derniers sondages prédisent toujours une victoire de l'opposition.



par Christophe  Champin

Article publié le 23/06/2000