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Oléoduc Doba-Kribi

La caution de la Banque mondiale

Mise en valeur des gisements pétroliers de Doba, au sud du Tchad, et construction d'un oléoduc de 1070 km pour acheminer le pétrole jusqu'au large du Cameroun : coût total 3,7 milliards de dollars. Sur ce montant, le prêt accordé par la Banque mondiale aux Etats tchadien et camerounais n'est que de 93 millions de dollars, auxquels s'ajoute un prêt de 100 millions de dollars de la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, aux sociétés d'exploitation de l'oléoduc. Mais, sans cet engagement de la Banque mondiale dans le projet, caution financière et, en quelque sorte morale, les investisseurs y auraient renoncé.
La décision prise le 6 juin par le Conseil d'administration de la Banque mondiale permet d'entreprendre la réalisation d'une opération lancée en 1988, avec la signature d'une convention entre le Tchad et un consortium de compagnies pétrolières. Depuis cette date la composition du consortium a changé, avec le retrait, effectif en mars 2000, des sociétés Elf et Shell. L'opérateur principal est désormais l'Américain ExxonMobil qui détient 40% des parts avec le malaysien Petronas (35%) et un autre américain, Chevron (25%). Le consortium financera environ 60% du projet et deux sociétés ont été créées pour construire, exploiter et entretenir le pipeline : la Totco (Tchad oil transportation company) et la Cotco (Cameroon oil transportation company) qui prendront à leur charge 37% du projet, à l'aide notamment du prêt consenti par la SFI. Les gouvernements du Tchad et du Cameroun apportent leur écot sous la forme d'une participation au capital de Totco et Cotco, à hauteur de 3% du coût total de projet. C'est à cette prise de participation qu'ils vont consacrer les 93 millions de dollars accordés par la Banque mondiale : 53,4 millions de dollars pour le Cameroun, dont le territoire accueille la quasi-totalité de l'oléoduc, et 39,5 millions de dollars pour le Tchad.

Prévue pour durer 25 ans, l'exploitation du pétrole de Doba pourrait atteindre des pointes de 225 000 barils/jour et les bénéfices attendus, sur cette période, sont de 2 milliards de dollars pour le Tchad et 500 millions de dollars pour le Cameroun. Le Tchad, pays parmi les plus pauvres de la planète, percevra des royalties sur la valeur de la production exportée, des taxes sur les bénéfices du consortium et des redevances liées au transport. Il devrait, en quatre ans, bénéficier de recettes de 45% à 50% supérieures à leur niveau actuel, selon les estimations de la Banque mondiale.

Le profit pour le Cameroun, limité aux redevances sur le transport par oléoduc n'excédera pas 3% du budget national.

Le pactole que représente cette manne pétrolière pour le Tchad a fait l'objet d'une longue polémique portant sur l'impact environnemental, social et économique du projet. La Banque mondiale, sensible aux critiques, affirme pour justifier sa décision d'y participer qu'il s'agit là d'une " occasion unique d'améliorer considérablement les perspectives d'évolution du Tchad ". Tel n'est pas l'avis de ses détracteurs. La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme dénonce le caractère " déséquilibré " du contrat passé entre l'Etat tchadien et le consortium pétrolier qui favoriserait essentiellement les intérêts commerciaux de ces sociétés transnationales. Pour la FIDH, trop d'exonérations fiscales, de franchises douanières consenties aux pétroliers entraînent un manque à gagner important pour l'Etat tchadien alors que les financements internationaux destinés à la réalisation des travaux, retomberont, en fin de compte, dans l'escarcelle de grands groupes internationaux comme Bouygues, Cegelec, Europipe, etcà D'où l'accent mis par la Banque mondiale sur l'originalité du Plan de gestion des revenus pétroliers destiné à canaliser le surplus de recettes de l'Etat tchadien vers les secteurs sociaux.



par Francine  Quentin

Article publié le 04/07/2000