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Guinée

La fuite en avant <br> de Lansana Conté

Critiqué de toute part pour le procès politique d'Alpha Condé, dont le verdict est imminent, le régime guinéen semble avoir trouvé la parade en dénonçant une campagne de déstabilisation contre son pays menée par les pays voisins et des partisans de l'opposant.
Alors que le procès d' Alpha Condé touche à sa fin, le régime de Conakry affirme depuis quelques jours que des attaques meurtrières ont été menées à ses frontières par le Liberia et des rebelles sierra-léonais du RUF, avec l'aide du Burkina Faso. Selon les autorités guinéennes, les incidents armés, qui auraient fait au moins 80 mort depuis le 1er septembre, ont été menés par des «mercenaires» dans des régions frontalières, depuis le Liberia et la Sierra Leone. Mais surtout, le régime de Conakry pointe clairement du doigt l'opposant embastillé, accusé d'en être l'instigateur.

La coïncidence ne trompe personne. Candidat à la présidence, le leader du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) avait, en effet, été arrêté dans la nuit du 15 au 16 décembre 1998, officiellement pour avoir recruté des mercenaires chargés de déstabiliser le régime. Or ce qui n'aurait pu être qu'une justification de la condamnation probable de l'opposant, a pris des proportions considérables.

La panique des réfugiés libériens et sierra-léonais

Les rafles de Sierra-Léonais et de Libériens, nombreux à être réfugiés en Guinée, se sont multipliées pendant le week-end, notamment à Conakry, sur ordre du «général-président» Lansana Conté. Lors d'un «meeting d'information» samedi au Palais du peuple de la capitale, retransmis à la radio nationale, ce dernier s'est lancé dans une violente diatribe contre ces «réfugiés qui donnent des renseignements aux envahisseurs. Qu'ils rentrent chez eux», a-t-il lancé, avant d'annoncer qu'il donnait «l'ordre qu'on réunisse tous les étrangers dans les quartiers, pour qu'on sache qui fait quoi».

Ces arrestations, souvent accompagnées de violences, ont suscité la panique parmi les ressortissants du Liberia et de la Sierra Leone, dont certains sont installés depuis de longues années en Guinée. Quelques centaines de ces derniers ont trouvé refuge dans leur ambassade. Et si personne ne nie que des rebelles puissent se cacher parmi les 125 000 Libériens et les 330 000 Sierra-Léonais recensés en Guinée, le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) a demandé autorités de faire preuve de «beaucoup de lucidité» en n'expulsant pas des personnes qui sont «victimes de la barbarie inhumaine des rebelles».

La fuite en avant du régime guinéen inquiète les pays de la région. Le chef de l'Etat togolais, Gnassimbé Eyadema, président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), a lancé un «appel pressant» à la Guinée, au Liberia et à la Sierra Leone à «éviter tout recours à la force pour le dénouement du différend qui les oppose». A Monrovia, dont les relations étaient déjà tendues avec Conakry, le président Taylor a évoqué dès samedi un «malentendu» entre les deux pays et a dénoncé le «traitement inhumain» des ressortissants libériens en Guinée. Le Burkina Faso a, en revanche, qualifié de «fallacieuses» les affirmations du ministre guinéen de l'Intérieur, selon lequel Ouagadougou aurait fourni des armes aux assaillants.



par Christophe  Champin

Article publié le 11/09/2000