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Pétrole

Sur un air de crise

La nouvelle envolée des prix du pétrole suscite une inquiétude évidente parmi les gouvernants et industriels européens, dont certains n'hésitent pas à évoquer le spectre d'un nouveau «choc pétrolier», à l'image de celui qui avait secoué l'économie mondiale au milieu des années 1970.
A quelques jours de la réunion des ministres du pétrole des 11 pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à Vienne, les cours de référence du brut ont effectivement atteint les niveaux les plus élevés enregistrés depuis la crise du Golfe en 1990. Le prix du Brent de la Mer du Nord, pour livraison au mois d'octobre, a été brièvement coté à près de 34 dollars le baril à Londres, et à New York, le brut léger WTI du Texas a touché les 35 dollars.

Cela représente une augmentation de plus de six dollars par baril, en l'espace d'un mois à peine, immédiatement répercuté à la pompe par les compagnies pétrolières et les distributeurs avec des conséquences dramatiques en France. Les routiers, les pêcheurs et les agriculteurs ont bloqué les livraisons des produits pétroliers pour forcer les autorités à réduire les taxes sur l'essence, le gazole et le fioul domestique, suscitant un véritable affrontement avec le gouvernement. Ce mouvement de protestation pourrait bien s'étendre aux pays voisins.

La commissaire à l'énergie de l'Union européenne, Loyola de Palacio, a effectivement estimé à Bruxelles que le monde se trouve devant un nouveau choc pétrolier: elle a notamment évoqué le fait que la hausse des prix du brut ont relevé le taux moyen d'inflation des quinze pays de l'UE d'un point. Elle a aussi insisté sur la nécessité, pour ces pays, de réduire leur dépendance à l'égard du pétrole en diversifiant leurs sources d'énergie, notamment en ayant davantage recours au gaz et aux énergies renouvelables. Mais cela serait une entreprise de longue haleine difficilement réalisable si le pétrole ne reste pas très cher pendant une période prolongée.

La commissaire européenne a beaucoup moins insisté sur la montée du dollar vis-à-vis de l'euro, qui est à son niveau le plus bas depuis sa création, ni sur la spéculation des marchés financiers, qui ont aussi contribué à pousser les cours du brut vers des niveaux records.

Pas de risque sérieux pour la croissance

Selon certains économistes internationaux, la hausse des prix pétroliers pourra effectivement peser sur la croissance, d'autant plus que les cours risquent de rester élevés jusqu'au deuxième trimestre 2001, en raison d'une pénurie possible de certains produits raffinés. Mais ils ne voient pas, pour l'instant, des risques sérieux pour la croissance, puisque l'inflation reste bien maîtrisée en Occident. Pour eux, pas encore question d'un «choc» réel, sauf pour les pays importateurs les plus pauvres, surtout en Afrique.

Au printemps, le FMI tablait sur une croissance mondiale de l'ordre de 4% cette année et en 2001, dans l'hypothèse d'un prix moyen de 24,50 dollars le baril cette année et environ 20 dollars l'an prochain. Ces chiffres seront sans doute revus en hausse dans ses nouvelles prévisions qui seront connues le 19 septembre.

Les pays de l'Opep admettent qu'un cours moyen du brut de l'ordre de 25 dollars le baril serait raisonnable. L'Arabie Saoudite a déjà laissé entendre qu'elle serait prête à augmenter sa production de quelque 500 000 barils/jour pour modérer les prix. Mais les Saoudiens sont pratiquement les seuls à disposer des réserves nécessaires pour ouvrir davantage le robinet: la plupart de leurs partenaires produisent déjà à pleine capacité. Et la production de l'Opep, en dehors de l'Irak, sous embargo de l'ONU, dépasse largement, de 0,6 millions barils/jour selon certains experts, l'objectif de 25,4 millions barils/jour fixé en juin dernier.

Les «faucons» de l'Opep, l'Iran notamment, ne souhaitent pas un relèvement du plafond de production de l'Opep qui leur ferait perdre des parts de marché, et les Saoudiens, irrités par l'attitude des Etats-Unis sur Jérusalem dans le cadre d'un règlement du conflit israélo-palestinien, pourraient laisser leur mauvaise humeur influencer les décisions de l'Opep. Les analystes ne s'attendaient donc pas à des miracles à la veille de la réunion des producteurs, à Vienne à partir du 10 septembre.



par Jan  Kristiansen

Article publié le 08/09/2000