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Monnaie unique européenne

L'euro au plus bas

L'euro à Tokyo a atteint un nouveau plancher, une tendance à la baisse depuis une semaine et un nouveau record à la veille du conseil informel des ministres européens des finances qui se tient à Versailles de vendredi 8 à dimanche 10 septembre.


L'euro poursuit sa descente aux enfers, sa chute abyssale qui fait ravaler les sarcasmes de ceux qui, il y a deux ans à peine, jugeaient trop faible, trop peu ambitieuse la parité d'un euro pour un dollar. A ses débuts, l'euro dépassait le cours du dollar d'une courte tête, porté par l'enthousiasme des premiers jours.

Aujourd'hui, l'euro a perdu le quart de sa valeur sans émouvoir les dirigeants européens. Inquiets par les réactions épidermiques des marchés, un phénomène que les politiques contrôlent mal, ils se retranchent derrière des propos d'autant plus prudents que l'expérience leur a enseignés qu'il valait mieux parler d'une seule voix. Ils répètent à l'envi des formules incantatoires telles: «l'euro conserve intact un fort potentiel d'appréciation», ce qui ne veut rien dire de plus que les cours peuvent remonter. Ou encore «le cours de la monnaie unique ne reflète pas la bonne santé des économies européennes», une affirmation bien plus sensée mais qui ne convainc pas les investisseurs étrangers.

Car c'est là que réside en partie la faiblesse de l'euro. «L'Europe, quel numéro de téléphone ?», disait Kissinger. On pourrait plagier la formule pour l'euro tellement, vu de l'étranger, on ne sait pas qui fait quoi. Pour les marchés, il vaut mieux investir aux Etats-Unis et au Japon où le système institutionnel est beaucoup plus clair. D'ailleurs, on y surveille avec une attention clinique le moindre froncement de sourcils d'Alan Greenspan, le patron de la Fed, la Banque centrale américaine, tandis que personne ou presque n'accorde la même influence au président de la Banque centrale européenne (BCE) Wim Duisenberg.

Ce n'est pas faute de crédibilité, une institution financière étant jugée dans la durée et cela manque à la super-banque de Francfort. La BCE a entrepris de donner des tours de vis monétaire, par petits mouvements, sans toutefois franchir le différentiel qui le sépare des Etats-Unis ou les taux atteignent 6,5% contre 4,75 % dans la zone euro. Sans non plus inverser le sentiment que l'euro décidément n'est pas une bonne affaire.

Inflation importée

La BCE fait ainsi son travail qui est de lutter contre l'inflation, la priorité établie par le pacte de stabilité, l'acte fondateur de l'euro. C'est pourquoi, sans états d'âme, la BCE autorise l'euro à baisser sans intervenir sur les marchés. Du moins jusqu'où ? Certains analystes estiment déjà que la baisse de l'euro par rapport au dollar a créé un effet d'importation de l'inflation. Cet effet explique pourquoi la hausse des cours du pétrole a fait augmenter l'inflation bien au-delà du plafond que s'était fixé la BCE à 2%. L'inflation moyenne de l'Union est de 2,4% mais elle atteint 5% en Irlande. De plus, si un euro faible facilite les importations, artificiellement meilleur marché pour les clients étrangers, il est à long terme facteur de risque. D'abord parce que les entreprises se laissent aller et ne sont plus aiguillonnées par la concurrence mondiale pour maintenir une compétitivité élevée.

On peut s'attendre à ce qu'à Versailles, le conseil informel des ministres européens des finances répète de telles déclarations... qui n'ont jamais eu guère d'effet ni auprès des marchés ni auprès des investisseurs étrangers. Pas plus en tout cas que les hausses de taux de la Banque centrale européenne. Cette dernière n'a pas perdu de crédibilité, elle n'en n'avait pas au départ, mais elle n'en a guère gagné en échouant jusque là à contenir l'inflation.

Alors on voit mal les Danois décider -par référendum à la fin du mois- d'adopter une monnaie si faible, et dans un an, on voit mal les Européens accepter de bon gré des billets en euro. C'est l'enjeu très politique des dirigeants européens qui, en matière monétaire, n'ont pas le droit à l'erreur.



par Dominique  THIERRY

Article publié le 08/09/2000