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Monnaie unique européenne

Marc Touati : <br><br> «<i>Un euro faible est un véritable danger</i>»

Marc Touati est responsable des études économiques à la financière Natexis Banques Populaires. Eclairage sur la chute que subit la monnaie européenne depuis un an et demi.
RFI : L'euro a perdu 25% de sa valeur depuis son lancement le 1er janvier 1999. Comment expliquez-vous cette baisse ?

Marc Touati : Il y a eu tout d'abord une faiblesse de l'économie européenne et depuis un an une faiblesse économique allemande, ensuite il y a eu beaucoup de cafouillages entre des officiels européens et la Banque centrale européenne (BCE). Aujourd'hui une grande partie de la baisse de l'euro provient justement du manque de crédibilité de la BCE, si bien que maintenant les marchés financiers jouent contre l'euro. Leur psychologie est négative vis-à-vis de la monnaie européenne et ils n'ont donc pas envie d'acheter de l'euro mais au contraire de favoriser un dollar flamboyant grâce à une économie américaine, qui elle aussi, est très dynamique.

RFI : Comment se traduit concrètement cette chute ? Qui en est à l'origine ? Les fonds de pension japonais se sont beaucoup investi à la naissance de l'euro, se sont-ils désengagés en provoquant cette chute ?

MT : Le lancement de l'euro a été un succès et très vite, beaucoup de fonds de pension japonais et américains ont acheté de l'euro en se disant que l'euro était la monnaie phare du système monétaire international de demain. Malheureusement, il y a eu des effets d'annonce très négatifs. Certains officiels européens politiques ou monétaires ont préconisé un euro pas trop fort et parallèlement l'ensemble de ces fonds se sont progressivement désengagés. Plus récemment, de nombreuses banques asiatiques ont acheté de l'euro et en raison d'un problème entre le Président et le vice-Président de la BCE, il y a eu une vente massive d'euros, ce qui a fortement fait chuter la monnaie européenne. Et c'est là que se trouve le danger : à cause de cette baisse de l'euro, les investisseurs se désinvestissent de la zone euro tant en termes d'investissements financiers qu' en termes d'investissements directs, or ceux-ci représentent des créations d'entreprises et des emplois. Et là, on voit bien qu'un euro faible est un véritable danger.

RFI : Comment voyez-vous l'évolution de l'euro ?

MT : Aujourd'hui, l'évolution de l'euro va dépendre de la force de notre communication, de notre crédibilité et de celle de la BCE. Nous avons fait tellement d'erreurs que c'est le moment de prendre le taureau par les cornes. Il n'y a plus d'autres alternatives. Il faut que les officiels européens fixent la valeur de l'euro par rapport aux fondamentaux économiques, c'est-à-dire un dollar ou plus, sinon nous n'arriverons pas à redorer le blason de l'euro. Avant de prendre des mesures de soutien, il faut d'abord changer la psychologie des marchés et ensuite nous pourrons augmenter les taux d'intérêts, soutenir la devise européenne mais tant que nous n'aurons pas changé cette psychologie, malheureusement l'euro ne pourra pas remonter. Mais globalement, la BCE devrait y arriver progressivement et d'ici la fin de l'année l'euro repassera au-dessus de la parité avec le dollar.

RFI : On attribue souvent la baisse de l'euro à la hausse du dollar? Qu'en pensez-vous?

MT : Cela est tout à fait mécanique ! Le dollar est fort grâce à une économique américaine exceptionnellement dynamique. Parallèlement en Europe, la France se porte également à merveille mais en Allemagne, ça ne va pas encore très très bien et donc c'est pourquoi dans les arbitrages internationaux, on préfère acheter du dollar et donc délaisser l'euro, y compris les investisseurs japonais, ce qui n'était pas le cas il y a quelques mois. Aujourd'hui, il faut réussir à inverser cette tendance mais on devrait y arriver progressivement car nos fondamentaux économiques sont largement meilleurs que ceux d'il y a un an.



par Propos recueillis par Clarisse  VERNHES

Article publié le 08/09/2000