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Affaires politico-financières

Une question au vitriol

Jusqu'où l'immunité protège-t-elle le chef de l'Etat français ? C'est en substance la question posée mardi par le député Vert Noël Mamère lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale à propos de l'affaire Méry.
La trêve conclue la semaine dernière entre l'Elysée et Matignon n'aura pas duré longtemps ! Raymond Forni, le président socialiste de l'Assemblée nationale, a remis le feu aux poudres dimanche dernier, en sommant Jacques Chirac de s'expliquer sur les affaires «soit devant la justice en qualité de témoin» soit «devant les Français». Des propos auxquels la droite a immédiatement répondu : «les députés sont en droit d'attendre de leur président un peu plus de rigueur et de réserve lorsqu'il met en cause le président de la République » a déclaré Jean-Louis Debré, président du groupe RPR à l'Assemblée nationale.

Noël Mamère, le député-maire Vert de Bègles a renchéri mardi en profitant de la séance de questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale, pour s'adresser à la Garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, au sujet de l'immunité présidentielle : «Nous aimerions savoir, et les Français avec nous, ce qui vous empêche madame le Garde des Sceaux d'ordonner au parquet de la République, comme elle en a le pouvoir et le devoir, de mettre en mouvement l'action publique (à) pour qu'un tribunal indépendant et impartial puisse connaître de la réalité ou de la fausseté de graves accusations portées contre le chef de l'Etat par M. Méry». Le député écologiste a ensuite ajouté : «si le gouvernement ne faisait pas son devoir, des parties civiles pourraient éventuellement déclencher elles-mêmes une action publique».

Une intervention qui a suscité l'hystérie sur les bancs de l'hémicycle avec à l'appui des claquements de pupitre et quelques cris de l'opposition traitant le député écologiste de «rapace » ou lui demandant «d'arrêter son cinéma ». Noël Mamère a contesté avec virulence la portée des décisions accordant une forme d'immunité au chef de l'Etat et a cité, pour étayer ses propos, la jurisprudence de 1974, qui avait vu l'ex-président Valéry Giscard d'Estaing poursuivi pour diffamation - et relaxé - devant un tribunal ordinaire. Cette poursuite judiciaire concernait les comptes de campagne de l'ancien président.

Les Français souhaitent des explications

En réponse à la question de Noël Mamère, la ministre de la Justice a réaffirmé, devant les députés, son refus de soumettre à la Cour de cassation le problème de procédure concernant le Président Chirac dans le cadre de l'instruction sur des emplois présumés fictifs au RPR : «je n'ai pas voulu ordonner au procureur général de la Cour de cassation d'introduire un pourvoi. Dans ce dossier comme dans les autres, je m'en suis tenue à ma ligne de conduite constante : respecter totalement l'indépendance de la justice et ne pas intervenir dans une affaire individuelle, fut-ce par voie d'un recours exercé dans l'intérêt de la loi» a-t-elle expliqué.

Noël Mamère a, une fois encore, endossé le costume du trublion ! Le 31 mai dernier, il avait déjà cité à l'Assemblée nationale le nom de Jacques Chirac dans le dossier des affaires parisiennes de fraudes électorales. Une sortie qui lui avait valu d'être rappelé à l'ordre et admonesté par Raymond Forni.

Le président de la République doit-il s'exprimer sur sa responsabilité éventuelle dans les affaires politico-financières, dont celle de la Mairie de Paris ? Ou témoigner devant la justice ? Selon une décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999, le chef de l'Etat ne peut être poursuivi en justice durant la durée de son mandat que pour «haute trahison».

Toutefois, selon les derniers sondages publiés dans la presse nationale, les Français souhaitent ardemment que le chef de l'Etat s'explique.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 10/10/2000