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Argent sale

La France menace Monaco

Le gouvernement français a publiquement mis en demeure Monaco de se mettre en conformité avec les règles internationales de lutte contre le blanchiment d'argent. A défaut, la France prendra unilatéralement des mesures législatives.
La menace est sérieuse. C'est la première fois que Paris durcit à ce point le ton. Le Trésor dénonce les carences de la législation contre le blanchiment, le non respect des conventions fiscales et douanières et les abus du Rocher à l'égard de la France. Concrètement, on dénombre à Monaco 350 000 comptes courant pour 30 000 résidents sans qu'il y ait de fichier d'enregistrement et les transactions financières sont encore largement anonymes. Pas non plus besoin de se soumettre au contrôle des autorités pour fonder une sociétés par actions, et il y en a plus de 6 000. A cela, les Français soulignent le manque de coopération des Monégasques en matière douanière, judiciaire et fiscale où pourtant il y a fort à faire. par exemple, le Casino de Monte Carlo ne détaille pas les gains de ses clients et c'est pourtant le moyen le plus simple de blanchir de l'argent sale. Si la responsabilité de Monaco est établie, celle de la France n'apparaît pas dans le rapport et pourtant, c'est Paris qui détache ses fonctionnaires dans la Principauté, c'est la Banque de France qui est censée contrôler les banques monégasques. Le gouvernement français souhaite une remise à plat de ses relations avec Monaco. Il y a du travail.

Monaco sur la sellette

«Monaco: un territoire complaisant sous protection française» : le titre du rapport publié le 21 juin 2000 par l'Assemblée parlementaire française est accusateur. Selon ce texte, la principauté est un centre offshore favorable au blanchiment. Plus qu'un paradis fiscal, c'est un paradis bancaire, fiduciaire et judiciaire. On y dénombre 350 000 comptes courants pour 30 000 résidents, et 65 % des fonds gérés appartiennent à des non résidents. Quant aux entreprises, on recense 6 000 sociétés civiles, soit plus d'une par Monégasque. Les habitants de la principauté servent d'ailleurs très souvent de prête-noms.

Le Rocher des Grimaldi a bien des attraits, et notamment une fiscalité allégée sans impôt sur le revenu, ni sur la fortune pour ses résidents non-français (les Français de Monaco doivent s'acquitter de leurs impôts comme leurs voisins de l'hexagone). Une législation sur mesure a été créée pour les sociétés offshore généralement constituées dans des pays de droit anglo-saxon, et qui prolifèrent. Et tout cela en l'absence de tout contrôle législatif. Ainsi, il n'est pas nécessaire de se soumettre au contrôle des autorités pour fonder une société par actions. Une mesure unique en Europe !

C'est l'anonymat des transactions que dénoncent les députés français, car il ouvre la porte au blanchiment. De plus, il n'y a pas ici de garantie d'une coopération internationale efficace ni policière ni judiciaire accordée en matière pénale. La législation bancaire est lacunaire, elle ne reprend pas de fichier des comptes bancaires comme le Ficoba, ce fichier enregistré à la Banque de France qui permet de fournir à la justice en quelques heures la liste de tous les comptes bancaires détenus sous un même nom.

Plus que les «coutumes fiscales» de Monaco, c'est bien la France qui est dénoncée par ce rapport qui révèle que les postes dirigeants en principauté sont réservés aux hauts fonctionnaires français. En outre, c'est la Banque de France qui est censée contrôler les 49 établissements de crédits à Monaco, dont 17 filiales de banques française. Et ce paradis s'enrichit grâce à la France qui lui reverse une partie du produit de la TVA selon un calcul effectué de manière arbitraire et depuis trente ans, systématiquement revu à la hausse en faveur de Monaco. Pourquoi ? Parce que ce paradis est bien utile à la balance des paiements française, qui prend en compte les fonds monégasques et donc, bien utile à la stabilité du Franc. Avec l'avènement de l'euro, voilà une utilité bien amoindrie, ce qui explique sans doute la violence des dénonciations de ce rapport, et laisse présager de futures réformes.



par Dominique  THIERRY

Article publié le 10/10/2000