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Etats-Unis

Peine de mort : un rapport sème le doute

Au cours de leur troisième débat télévisé, Al Gore et George W. Bush se sont prononcés pour la peine de mort. Les deux candidats sont en phase avec une opinion américaine qui commence pourtant à s'interroger après la publication d'un nouveau rapport sur les ratés du système judiciaire.
Ce n'est qu'au cours de leur troisième et dernier débat télévisé, mardi 17 octobre 2000, que les deux prétendants à la Maison Blanche ont abordé franchement l'épineux sujet de la peine capitale. Sans surprise, ils s'en sont déclarés partisans, même si le vice-président Gore était resté jusqu'ici bien plus discret que le gouverneur du Texas, qui a signé 144 exécutions depuis son entrée en fonction. Se défendant d'être fier du record détenu par son Etat (le tiers des exécutions aux Etats-Unis), George W. Bush, s'est dit pour la peine de mort, non par esprit de vengeance, mais «parce qu'elle sauve des vies», insistant sur la baisse de la criminalité au Texas. «Je suis favorable à la peine de mort pour les crimes les plus graves, a déclaré de son côté Al Gore. Je sais que c'est une opinion controversée, mais je pense qu'elle est dissuasive». Si les deux hommes ont la même position sur le sujet, chacun a tenu toutefois à l'exprimer avec prudence. Interpellé par un membre de l'auditoire qui l'accusait «de s'être excessivement réjoui», lors d'un débat précédent, de son bilan en matière d'exécutions, George W. Bush a assuré qu'il était de son devoir de prendre des «décisions difficiles», certaines étant «parmi les plus dures» qu'il avait eu à prendre durant ses deux mandats. Quant au vice-président, il a tenu à préciser que la peine capitale devait être appliquée avec les plus extrêmes précautions, afin d'éviter toute erreur judiciaire.

Faux témoignages

Cette modération dans les propos n'est sans doute pas étrangère au doute qui commence à s'installer dans une partie de l'opinion américaine. Les Américains, tout en restant largement favorables à la peine capitale, se posent de plus en plus de questions sur le système judiciaire de leur pays. De récents rapports, très médiatisés, montrent ses nombreuses failles, certains dysfonctionnements pouvant mener à l'exécution d'innocents: discrimination raciale, avocats incompétents, faux témoignages, irrégularités policières, etc.

Le dernier rapport en date concerne précisément le Texas, le fief du candidat républicain. Publié par le Texas Defender Service (TDS), un groupement d'avocats défendant gratuitement des condamnés à mort en attente de leur exécution, ce texte de 150 pages cite de nombreux cas particulièrement douteux, comme celui de ce défenseur, commis d'office, qui associait alcool et cocaïne avant les audiences. Hors d'état de plaider, il a conduit son client dans le couloir de la mort, alors que le dossier, à l'évidence, n'aurait dû lui valoir que la prison. Le TDS demande un moratoire sur les exécutions et une vaste révision des procédures judiciaires au Texas.

Désormais, le débat s'étend de plus en plus au niveau national, avec des associations d'opposants actives et très organisées. Certaines décisions ont marqué les esprits. Ainsi, le gouverneur de l'Illinois a suspendu les exécutions dans son Etat, après que douze innocents eurent été libérés des couloirs de la mort. Signe que la peine capitale n'est plus aussi indiscutable, même chez ses partisans les plus durs : le cabinet de George W. Bush annonce qu'il va «étudier avec attention» le rapport du TDS.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 18/10/2000