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Liban

Les défis de Rafic Hariri

L'homme d'affaires libano-saoudien retrouve son poste de Premier ministre deux ans après en avoir démissionné. Rafic Hariri revient au pouvoir dans un contexte particulièrement délicat.
De notre correspondant au Liban

Deux ans après avoir refusé le poste de Premier ministre, Rafic Hariri revient au pouvoir en grand vainqueur. Mais sa tâche ne sera pas des plus aisées. Il retrouve une économie en ruine et une conjoncture politique et régionale des plus défavorables. Au Liban, il devra cohabiter avec un président de la République déterminé coûte que coûte à gouverner et pas très enclin aux compromis, comme l'était son prédécesseur, Elias Hraoui. Au Proche-Orient, Hariri devra compter avec un processus de paix qui traverse sa plus grave crise depuis la conférence de Madrid, en 1991.

Désigné pour former le prochain gouvernement par 107 des 128 députés à l'issue de consultations parlementaires obligatoires effectuées par le président Emile Lahoud, le milliardaire libano-saoudien a, d'emblée, défini ses principaux objectifs: «Relancer la croissance, accroître la production, poursuivre le processus de reconstruction et renouveler la confiance dans le système démocratique.»

Plus facile à dire qu'à faire. La plupart des indicateurs économiques et financiers sont négatifs et le pays serait, selon de nombreux experts, au bord de la faillite.

La dette publique atteint 23 milliards de dollars, ce qui est énorme pour un pays de trois millions et demi d'habitants. Tous les jours, la dette augmente de 14 milliards de livres libanaises, soit un peu moins de 10 millions de dollars. Elle constitue 137% du Produit intérieur brut (PIB).
Le service de la dette et les salaires des fonctionnaires d'une administration pléthorique représentent environ 85% du budget de l'Etat.

Les finances publiques sont très sensibles à la moindre secousse politique, aussi mineure soit-elle. Ainsi, la Banque centrale a dépensé, depuis la fin des élections législatives début septembre, 400 millions de dollars pour empêcher l'effonderment de la monnaie nationale.

Des perspectives guère encourageantes

Les répercussions sociales de la crise économique se font sentir très fort. Le secteur industriel a vu, par exemple, le licenciement de 150 000 ouvriers en trois ans. Le chômage dépasse les 35%. Dans ce tableau sombre, la croissance ne peut être que négative, -1,5%, cette année.
Les grands chantiers de la reconstruction qui avaient fait la fierté de Rafic Hariri pendant ses six années de pouvoir (1992-1998) sont pratiquement gelés. Solidere, la société pour la reconstruction et le développement du centre-ville de Beyrouth, a annoncé des pertes de 2,7 millions de dollars au premier semestre 2000.

Les perspectives politiques ne sont guère plus encourageantes pour Rafic Hariri. Condamné à cohabiter avec un président de la République qui a montré, ces deux dernières années, une farouche volonté à ne pas se contenter d'un rôle secondaire, il devra tempérer sa propension à gérer les affaires publiques en autocrate. Le Premier ministre désigné devra aussi traiter un dossier particulièrement épineux, celui des relations «privilégiées» entre le Liban et la Syrie. C'est sans doute une des tâches les plus difficiles qui l'attendent. Depuis la mort de Hafez el-Assad, une partie de la classe politique libanaise, conduite par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, réclame publiquement le départ des 35 000 soldats syriens déployés au Liban «à la demande du gouvernement libanais». Le débat politique national a tourné pendant des semaines autour de cette question qui ne fait pas l'unanimité.

Rafic Hariri devra enfin traiter avec un Hezbollah qui a repris de l'activité au Liban-Sud avec la capture de quatre militaires israéliens, après avoir adopté un profil bas depuis le retrait de Tsahal, en mai dernier.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 24/10/2000