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Présidentielle 2000

Après les urnes, les rues<br>

Privés de la victoire électorale de leur candidat, des milliers de civils mais aussi de militaires ivoiriens ont pris à la lettre les consignes de Laurent Gbagbo. Leur détermination semble aussi grande que leur déception face à un général qui a pris le pouvoir dans l'allégresse à Noël mais s'est ensuite encanaillé avec la « brigade rouge » à l'origine de la mutinerie.
Les Ivoiriens ont été en réalité d'une cohérence extrême. En décembre 1999 ils ont fêté l'arrivée au pouvoir de Robert Gueï, parce que ce « père Noël » inattendu leur a promis de « faire le ménage » dans un pays en proie à a corruption et la gabegie. Ensuite ils ont dit non de mille manières aux volte-face du président-général, parce qu'il voulait se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Enfin, ils ont sanctionné le « pouvoir kaki » des différences milices qui ont constamment confondu la Côte d'Ivoire avec le Far West américain. Et que le général Gueï a été incapable de remettre dans les rangs. Avant de s'en servir pour faire son propre putsch électoral. C'est son incapacité à contrôler ses milices qui l'a vraisemblablement perdu, aux yeux de nombreux Ivoiriens, quotidiennement soumis aux caprices et aux violences gratuites de ces miliciens arrogants et méprisants.

Ainsi, Robert Gueï est aujourd'hui un président auto-proclamé et bientôt en quarantaine, parce qu'il s'est lui même « piégé » au moment où il a choisit son entourage militaire, politique et administratif. Outre la fameuse « brigade rouge » et quelques autres têtes brûlées bien connues des « maquis » abidjanais, cet entourage est composé essentiellement d'anciens thuriféraires du régime Bédié - sinon du « Vieux » - qui ont vite tourné leur veste au lendemain de Noël. Des journalistes de régime aux membres du parti autrefois unique n'ayant jamais pratiqué « la culture de l'opposition », en passant par des petits ou hauts fonctionnaires partisans de « la politique du ventre », cet entourage a peu à peu convaincu le « Père Noël » qu'il pouvait - et devait - se hisser définitivement aux commandes. En lui disant que c'était une affaire réglée d'avance. Comme au bon vieux temps. Même s'il fallait passer par les urnes.

Les excès des éditorialistes attitrés de la télévision comme les exactions des « brigades rouges » n'ont visiblement pas échappé à celles et à ceux qui ont finalement choisi de se rendre aux urnes, même si le choix était fort réduit. Toutes et tous ont sans doute entendu les appels d'Alpha Blondy, de Amadou Kourouma, d'Isaïe Biton-Koulibaly et de nombreux autres leaders d'opinion, intellectuels et artistes qui, au bon moment, ont su assumer leurs responsabilités de citoyens et dénoncer « le péril kaki ». Mais les Ivoiriens ont aussi compris que le temps des fatwas était terminé, grâce notamment aux déclarations de l'imam Diaby Koweit, président du Conseil supérieur islamique (CSI), qui a eu le courage, à la veille d'une élection cruciale, de condamner la politique politicienne d'autres leaders religieux.

Face à la victoire volée de Gbagbo, ils ont choisi la rue pour éviter que - comme dirait Alpha Blondy - « la Côte d'Ivoire ne devienne une République bananière ».



par Elio  Comarin

Article publié le 25/10/2000