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Etats-Unis

«<i>Un mode de scrutin archaïque</i>»

Jamais les Américains n'avaient vécu un tel suspense lors d'une élection présidentielle. Laurent Bouvet, maître de conférence à Sciences Politiques à Paris, nous explique les mécanismes du scrutin.
RFI : Historiquement, comment expliquer la complexité du scrutin ?

Laurent Bouvet :
La complexité du scrutin vient d'une démocratie qui fonctionne encore sur un mode archaïque puisqu'elle a été pensée dans son déroulement et son mode de scrutin à la fin du XVIIIe siècle, au moment où elle a été mise en place par les pères fondateurs lors de la constitution des Etats-Unis. Elle a été mise en place de cette manière avec notamment ce système des Grands électeurs pour une raison assez simple qui était une peur de la démocratie directe, de l'idée que le pouvoir exécutif puisse être directement en prise avec le peuple et qu'il puisse y avoir un lien entre le peuple et le président, qu'il puisse y avoir des formes de bonapartisme, de césarisme politique. Le mode de scrutin est complexe et archaïque. Ce qui se passe aujourd'hui risque de remettre en cause le système de scrutin.

RFI : Les Etats-Unis connaissent une situation sans précédent avec cette élection. Comment l'expliquer ?

Laurent Bouvet :
Le problème qui se pose là c'est que le scrutin est très serré, ca se joue à un Grand électeur près et à quelques voix. L'élection se joue sur un Etat, la Floride. Il y a mille à mille deux cents voix d'écart semble-t-il entre les deux candidats sur pratiquement 6 millions d'électeurs et dans ce cas là, il y a une loi qui oblige à recompter intégralement l'ensemble des bulletins. Donc on est dans une situation inédite, ça ne s'était jamais produit. C'est la première fois qu'on a aussi peu d'écarts sur l'ensemble du territoire américain on va être à moins de cent mille voix de différence si ça se trouve donc c'est quelque chose d'étonnant.
Là il pourrait y avoir une remise en cause du système car élire un président alors qu'il n'est pas en tête, du point de vue démocratique, ça pose un problème. Il y a une forme d'injustice. En général, le candidat qui arrive en tête en terme de voix sur l'ensemble des Etats-Unis remporte la majorité des Grands électeurs, les deux coïncident donc. Les Grands électeurs c'est simplement une prime majoritaire à celui arrivé en tête. C'est aussi un respect de l'ensemble des Etats, de la structure fédérale des Etats-Unis et d'une certaine «égalité» entre les Etats. Les tous petits Etats ont quand même trois Grands électeurs, les deux Grands électeurs qui correspondent à leurs deux sénateurs et le Grand électeur qui correspond à leur représentant.

RFI : Comment fonctionne le système de vote ?

L.B :
Le système des Grands électeurs est un ensemble de grands électeurs désignés. Ils sont 538, c'est l'équivalent de la Chambre des représentants, du nombre de représentants c'est-à-dire 438 plus le nombre de sénateurs qui sont au nombre de 100. Donc on additionne les deux, ça fait 538 grands électeurs répartis sans l'ensemble des Etats, chaque Etat ayant le même nombre de Grand électeurs que de représentants au Congrès de Washington, plus les deux sénateurs. Donc c'est toujours 2 + le nombre de représentants. En Californie, c'est 2 sénateurs + 52 représentants et dans le Dakota du Nord c'est 2 sénateurs + 1 représentant. En Floride c'est 2 sénateurs + 23 représentants. C'est un système qui donne une prime majoritaire parce dès qu'on arrive même avec une majorité relative des voix devant l'autre, le candidat qui arrive même avec une voix de majorité - dans un Etat remporte tous les Grands électeurs. C'est valable pour tous les états des Etats-Unis sauf dans deux petits Etats, le Nebraska et le Maine qui ont conservé un système à part avec une proportionnelle.



par Propos recueillis par Sylvie  Berruet

Article publié le 09/11/2000